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Dieu reconnaîtra les siens
Publié dans La Gazette du Maroc le 20 - 02 - 2006


Paysages Humains
"Un homme sans défauts est une montagne sans crevasses. Il ne m'intéresse pas.” Cet aphorisme très connu en guise d'ex-libris avant de passer au cœur de la lettre. « Je ne sais pas pour toi et les multiples chemins que ton être traverse en ce moment, pour ma part, je voudrais te faire parvenir quelques bribes du chemin que je parcours depuis que nos destins ont pris des sentes éparses. Je vis entre deux états, deux présences de moi-même… »
C'est un bout de lettre donc qu'un homme écrit à sa femme sous la fumée, dans un bar à la lumière éteinte. Il porte un toast au temps qui coule à son propre rythme et nous engloutit dans des méandres sur lesquels nous n'avons aucune prise.
Je partage son verre et il me raconte.
Lui : Je vis sur une voie qui me rattache encore à hier et surtout un regard non figuré qui voit dans la pénombre un jour naissant qui n'est pas encore demain, mais qui présage de l'avenir.
Moi : Ce que tu vis est apparentable à un long éveil, à une étendue à peine quittée, qui vit toujours en nous avec ses brindilles de souvenirs, ses questionnements, ses doutes et ses vérités. En face, comme une image claire, mais qui se définit petit à petit, prenant le temps d'imprimer à ses manifestations des éléments clairs, il y a le monde qui plane encore avant de retomber dans l'ordre inédit.
Lui : Pour être plus proche de ce que je ressens, je peux sans hésiter affirmer que là où je suis en ce moment je touche du doigt cet instant où la conscience n'a pas encore touché terre.
Moi : Pourtant, tu dois sentir, avec vigueur, cette partie la moins ostensible de ton être, de ce qui faisait jusqu'à un passé encore proche ce « toi », cette part la plus éloignée de tes rêves et je vois ce désir qui te ravit comme une joie bien tienne, mais séparée de ton essence.
Lui : En cours de route, j'aperçois cette part reçue par nous tous sans accès, cette part soudain ouverte, mise en vue et préservée on ne sait comment. Pourrais-tu me dire comment est-elle encore si intacte en moi? Voilà, pour le moins, ce vers quoi je vois, comme un regard non formulé. Quand je plonge plus avant, je suis très proche de l'état qui précède la chose, la voie non pas de l'achèvement, mais celle qui va à son commencement. Aux abords de ce qui n'est pas encore. De plain-pied nous y sommes introduits. C'est dans cet asile accessible que nous figurerons.
À toi de me dire…Moi : Dieu reconnaîtra les siens s'ils affichent un visage humain. Dans le cas contraire, ils périront dans le feu du Styx. C'est du moins ce que je peux affirmer à cet instant et je peux même ajouter que la sérénité ne peut être atteinte que par un esprit désespéré et, pour être désespéré, il faut avoir beaucoup vécu et aimer encore le monde.
Lui : Nous sommes rarement en mesure de nous rendre compte à quel point le négatif sert à produire le positif, à quel point le mal engendre le bien.
Moi : Le but de la vie sur terre n'est peut-être rien de plus que de découvrir son être véritable... et de vivre en accord avec lui et peu importe le drapeau qui pourrait flotter sur nos têtes pourvu que l'on soit en règle avec qui nous sommes.
Là, je prends mon courage à bras-le-corps et j'avance quelques aphorismes de son poète préféré : « Tiens vis-à-vis des autres ce que tu t'es promis à toi seul. Là est ton contrat. ». « S'il n'y avait pas l'étanchéité de l'ennui, le coeur s'arrêterait de battre. ». « Ne te courbe que pour aimer. Si tu meurs, tu aimes encore. ». « Ne t'attarde pas à l'ornière des résultats. »
Mon ami aime par-dessus tout cet exercice où l'on rivalise de force de mémoire et surtout de pédanterie de bon aloi.
Parce qu'au fond, on aime tous les deux réciter avec quelques remaniements ce que d'autres écrivains nous ont appris. Il me lance le défi sous l'allure hautaine de deux apophtegmes très corsés d'un philosophe de très grand acabit : « Je préfère encore le vacarme et le tonnerre et les intempéries que ce calme de chat prudent et circonspect ; et parmi les humains aussi, ceux que je hais le plus ce sont tous ceux qui vont à pas de loup, ces demi-douteurs et demi-hésitants, ces nuages qui passent. Et celui qui ne peut plus bénir, celui-là doit apprendre à maudire! »
« Ce à quoi ils tendent de toutes leurs forces, c'est le bonheur général des troupeaux sur le pâturage, avec la sécurité, le bien-être et l'allègement de l'existence pour tout le monde. Les deux rengaines qu'ils chantent le plus souvent sont égalités des droits et pitié pour tout ce qui souffre, et ils considèrent la souffrance elle-même comme quelque chose qu'il faut supprimer. Nous, qui voyons les choses sous une autre face, nous qui avons ouvert notre esprit à la question de savoir ou et comment la plante "homme" s'est développée le plus vigoureusement jusqu'ici [...], nous pensons que la dureté, la violence, l'esclavage, le péril dans l'âme et dans la rue, que la dissimulation, le stoïcisme, les artifices et les diableries de toutes sortes, que tout ce qui est mauvais, terrible, tyrannique, tout ce qui tient de la bête de proie et du serpent sert tout aussi bien à l'élévation du type homme qu'à son contraire. Les hommes moyens, dont l'esprit est surexcité mais incapable de se libérer dans la création, éprouvent le désir de se donner en spectacle.
Les vertus de la société sont des vices pour le saint. »
Deux sorties imparables et une chute digne du philosophe. J'admets avec force arguments que l'époque n'est pas celle du rêve pas plus qu'elle n'est celle de l'illusion béate. Nous sommes enclin à laisser des pans entiers de nous-mêmes en friche comme en attendant une longue saison de pluie qui, plus elle tarde, plus elle promet une fertilité sans détours.
On attend et la pluie ne s'abat que pour assommer le sol et le noyer. Et le destin n'a rien à voir avec cette marche irréversible vers le vide de l'être. Et la noyade. Et il n'y a pas d'entre-deux.
Pour mon ami, mes paroles cachent une grande déception. Pour lui qui a écumé des jours glorieux sous le signe fluctuant des rêveries politiques avec slogans, sorties éparses et paroles de militant, même le creux du verre ne lui sert d'aucun soutien. Il cache bien son amertume et affiche cet air cassant d'un roseau qui se plie en attendant l'accalmie. Pourtant, je sais qu'il porte dans le cœur la plus incurable des blessures, une balafre béante qui suppure à chaque instant. L'animal politique en lui est blessé et quand un politicien souffre, il devient dangereux. Surtout quand il garde un silence religieux sur son mal.
Pour lui signifier ce que je pense au fond de son attitude, j'emprunte mes mots au philosophe qu'il a cité plus haut et je lui dis: « Se rendre inoffensif tandis qu'on est le plus redoutable, guidé par l'élévation du sentiment, c'est là le moyen pour arriver à la paix véritable qui doit toujours reposer sur une disposition d'esprit paisible, tandis que ce que l'on appelle la paix armée, telle qu'elle est pratiquée maintenant dans tous les pays, répond à un sentiment de discorde, à un manque de confiance en soi et le voisin, et empêche de déposer les armes soit par haine, soit par crainte. Plutôt périr que de haïr et de craindre, et plutôt périr deux fois que de se laisser haïr et craindre. »
Mon ami ne dit pas mot. Il vide son verre et s'en assure avant de tourner le dos à la fumée de ce bar.


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