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«Je suis complice, mais je n'ai pas tué»
Publié dans La Gazette du Maroc le 13 - 03 - 2006


Interview de Rabeh Jawani, condamné à mort
Pour la première fois, un condamné à mort du pavillon B de la prison centrale de Kénitra donne une interview à un organe de presse. Le détenu, Rabeh Jawani, révèle ici des vérités qu'il a gardées pour lui durant plusieurs années. Il revient sur le crime, sa complicité et son refus d'accepter une condamnation à mort. Il demande la réouverture de son dossier et un nouveau jugement à la lumière de ses nouvelles déclarations.
La Gazette du Maroc : Depuis plus de six ans, vous ne cessez de clamer votre innocence, pourtant vous êtes condamné à mort. La justice ne peut se tromper aussi lourdement !
Rabeh Jawani : Je ne dis pas que c'est la faute de la justice. C'est une responsabilité partagée. Après mon arrestation, j'étais sous le choc et tout ce que j'ai raconté à la police et devant le juge, je l'ai dit sous une très grande pression. D'abord la police me mettait presque les mots dans la bouche. C'est une affaire dégueulasse, un gamin de 14 ans violé et tué, ce n'est pas rien. Il leur fallait un coupable et comme j'avais aidé mon cousin Mimoun en passant ce coup de fil, j'ai été très vite piégé.
Alors les policiers ont considéré que j'étais un complice qui a participé au crime. Alors que la réalité est que je n'ai jamais accompagné Mimoun à la chasse ni vu le gamin, ni assisté à quoi que ce soit. D'ailleurs tout ceci a été confirmé par Mimoun. Pourtant, on m'a condamné comme lui à mort.
Que s'est-il passé le jour du crime ?
Deux mois avant le crime et l'arrestation, Mimoun, mon cousin, avait déniché un gosse de 14 ans qu'il emmenait avec lui en dehors de la ville, dans la forêt pour pister les oiseaux. Un jour il avait offert une perdrix à la famille du gamin pour qu'elle le laisse aller chasser avec lui. Mimoun, comme je l'ai dit, est mon cousin, nous avons le même nom de famille et il est ici avec moi, lui aussi condamné à mort. Moi, je ne suis jamais allé avec lui.
Je l'attendais et on faisait des plats avec le gibier qu'il ramenait.
Mimoun est venu me dire que le lendemain il était de sortie pour aller chasser dans la forêt. On s'est donné rendez-vous comme d'habitude à la sortie de la ville au moment du retour de Mimoun. Je ne savais pas où il était parti chasser, mais je savais comme d'habitude que j'allais le rencontrer à son retour en dehors de la ville.
On avait coutume de marcher ensemble avant d'aller préparer le dîner. Mais quand mon cousin est arrivé, il était comme un fou. Je ne savais pas ce qui s'était passé. Mimoun avait peur et m'avait dit que le gamin était mort et qu'il fallait aller le dire à sa famille. Je lui ai dit de se calmer et que j'allais arranger tout cela. Je lui ai demandé de me donner le numéro de téléphone de la famille pour lui parler avant d'appeler la police pour régler cette sombre affaire. Mimoun m'a donné le numéro et il est rentré en ville.
Que s'est-il passé ensuite ?
La vérité que je révèle aujourd'hui est que mon cousin m'avait dit d'appeler ce numéro qui était censé appartenir à un trafiquant de drogue qui lui devait de l'argent. Mon rôle consistait à le menacer en lui demandant de donner l'argent ou alors son fils serait tué. J'ai appelé, j'ai parlé à la famille, j'ai dit ce que j'avais à dire et j'étais sûr d'avoir réglé l'affaire. Mais la réalité était que le gamin était mort et que mon cousin avait dit à la police que c'était moi qui avais menacé le père du gosse au téléphone. La suite est simple. On m'a arrêté, et on m'a tellement malmené que j'ai dit ce qu'ils voulaient entendre.
Lors de votre déposition, vous avez dit que vous appelé la famille et que vous l'avez menacée en demandant une rançon.
Non, j'avais déclaré à la police que c'était là une occasion pour se faire de l'argent. J'ai dit que j'ai appelé la famille en lui disant que j'étais un grand bandit, un voleur dangereux et que j'avais kidnappé son fils. Je lui ai dit que si elle voulait le récupérer, il fallait me payer une rançon de 16 millions de centimes. La famille a eu peur et m'a dit OK. Mais je devais encore la rappeler pour être sûr. Toute cette version est fausse. Je n'ai jamais dit cela à la famille, d'ailleurs le père avait dit devant le juge que je n'avais jamais demandé de rançon. J'ai été amené à dire tout cela pensant que j'allais m'en sortir. Mais de là à penser que j'allais être condamné à mort !
Mais c'est contradictoire. On ne peut pas s'en sortir en s'enfonçant !
Oui, mais que vous dire ? J'étais stupide et j'avais peur de beaucoup de choses. Je ne savais pas ce qu'il fallait et ce qu'il ne fallait pas. J'ai suivi certains conseils et je me suis retrouvé ici pour toujours.
Êtes-vous en train de nous dire que vous avez menti lors de votre première déclaration ?
Absolument. J'ai dit n'importe quoi ce jour-là devant la police. Ils ont dû me prendre pour un fou parce que j'allais dans tous les sens. Mon discours était incohérent. Ils ont conclu que j'étais un déséquilibré capable de commettre un crime aussi odieux. La vérité est que j'avais tellement peur que je ne savais quoi faire pour m'en sortir. Je peux vous affirmer aujourd'hui que c'est moi-même qui ai poussé le juge à me condamner à mort.
Comment cela ?
Les policiers qui m'ont interrogé m'avaient dit la veille de mon passage devant le juge que j'en aurais pour deux ans. Le juge, après m'avoir jugé, m'a dit qu'il allait me condamner pour complicité à cinq ans de prison. Mais c'est moi avec mes multiples versions qui ai mis le doute dans l'esprit du juge qui a pensé que j'étais aussi coupable que mon cousin Mimoun qui, lui, avait tout avoué. J'ai tellement dit de choses que je suis incapable de vous dire ce que j'avais avoué devant les juges. Et il faut aussi tenir en compte que j'étais malade avant mon jugement.
Toute la période passée à la prison d'Oujda, j'étais en conflit avec les prisonniers et je n'ai jamais pensé à mon procès. Sans oublier les pressions de mon cousin Mimoun.
Comment cela ? Quelles pressions ?
Je ne veux pas l'enfoncer, mais il sait qu'il m'a fait du tort. Il sait que je n'étais pas avec lui quand il a tué le gosse. Pourtant il a tout fait pour me persuader que si je disais que nous étions tous les deux, nous allions écoper d'une peine moins lourde.
Qu'espérez-vous aujourd'hui ?
Je veux être rejugé et les choses sont sur le bon chemin. Mes avocats m'ont assuré que si je dis ce qui s'était réellement passé, les juges pourraient revoir ma peine. Je n'ai pas kidnappé le gosse, je ne l'ai pas tué, je n'ai pas demandé de rançon. Oui, j'ai participé à ce scénario en appelant la famille, mais je n'ai pas tué.
Qui est Rabeh Jawani ?
Je suis né le 3 mai 1963 à Douar Jâawira, à Oujda. Mon père s'appelle Mokhtar. Il est mort, il y a à peine quelques mois. Ma mère est originaire de Berkane. J'ai beaucoup de frères et sœurs : Ahmed, né en 1958, Zohra en 1965, Omar, Mohamed, Fatéma, Rahma, Aïcha, Abdelkrim et d'autres. Nous avons tous vécu quelques longues années à Oran. Avant de quitter Oran pour revenir au Maroc, je me suis lancé dans le commerce pour très vite me faire une situation. Mais ça n'a pas marché. Je n'avais pas le cœur d'un bon commerçant. J'ai tout perdu et puis je buvais, je sortais beaucoup, il y avait les femmes et tout le reste, alors les affaires, ce n'était pas ça du tout. Il y avait les femmes, l'alcool et le capital est parti. Je me suis marié, j'ai fondé une famille. Je suis père de trois enfants, mais je n'arrivais pas à trouver un véritable travail. En 1997, j'ouvre un nouveau commerce qui ne marche pas non plus. Je deviens fellah. Ça ne marche pas non plus. Après tout cela, rien, je n'ai rien fait, j'ai bu et j'ai roulé ma bosse et j'ai aussi beaucoup pensé.
Vous êtes calligraphe. Vous espérez vous en sortir avec la calligraphie ?
Il faut juste que je sorte d'ici ou alors que quelqu'un vienne me voir pour que le monde se rende compte de ce qui j'ai créé. Moi, je n'ai pas perdu de temps ici. J'ai travaillé tous les jours pour mettre au point cette contribution à l'art arabe et humain. Je suis un artiste qui travaille tous les jours. Et j'ai tellement produit que je crois mériter une exposition. Cela pourrait être un exemple pour d'autres détenus. Cela peut aussi montrer que derrière ces murs, dans ce couloir, on peut passer son temps à faire autre chose que ruminer le passé. Pour ma part, la calligraphie m'a sauvé.


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