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Abdelhamid Amine : «La vie sans dignité, c'est une vie d'animal»
Publié dans Lakome le 30 - 05 - 2013

Le militant des droits humains Abdelhamid Amine (69 ans), revient sur la violence et l'humiliation que lui ont fait subir les forces de l'ordre dimanche 26 mai 2013 à Rabat, à l'occasion de la 27ème journée nationale d'action du Mouvement du 20 Février. Amine décrit sa souffrance physique et morale alors qu'il a été trainé sur la chaussée par ceux qui voulaient l'empêcher de manifester. Témoignage.
Tout d'abord, une manifestation pacifique a été organisée par les syndicalistes de l'Union Marocaine du Travail et leurs sympathisants, devant le siège régional de l'UMT à Rabat. L'objectif de cette manifestation était de protester contre la décision d'interdire l'accès au siège de l'UMT certains militantes et militants qui s'opposent à la bureaucratie corrompue. Depuis cette interdiction, plus d'une vingtaine de manifestations pacifiques similaires ont été organisées. Certaines coïncidaient avec des manifestations du Mouvement du 20 Février, sans que les forces de sécurité n'interviennent. Ainsi, quand la manifestation a démarré à l'heure prévue, les manifestants ont commencé à scander des slogans tels que «syndicaliste et fier de l'être, mais je ne suis ni vendu ni acheté», ou «l'Union est un bastion libre, et que la corruption dégage», ou «nous sommes venus protester car ils nous ont interdit l'accès au siège» et enfin «par l'unité et la solidarité, nous atteindrons nos objectifs». Dix minutes après, les forces de sécurité sont intervenues, d'une façon "soft" au début, puis, avec violence pour disperser la manifestation pacifique. Ils ont employé gourdins, coups de pied et insultes. Certains militants ont été blessés. Moi, j'ai été bousculé assez violemment. Ainsi, la manifestation a été vite dispersée...
Vers 18h, heure prévue pour le début de la manifestation du Mouvement du 20 Février à Rabat, les militants de ce mouvement, dont moi-même, ont commencé à affluer vers la place Bab El Had, point de rencontre habituel. J'ai remarqué que les forces de sécurité, encerclaient la place qui est restée déserte. Pour autant que je sache, les organisateurs n'ont reçu aucune décision d'interdiction, comme le wali de Rabat avait l'habitude de le faire en pareilles circonstances.
Soudain, et sans passer par les sommations légales classiques (annonce par mégaphone que la manifestation est interdite), les agents de sécurité ont commencé à violenter les militants et les citoyens en usant de gourdins, de coups de poings, de coups de pied, d'insultes vulgaires, et en traînant certains à même le sol, comme on peut le voir sur les bandes vidéos et les photos publiées par les journalistes sur Internet.
« J'ai été traité comme les moutons de l'Aïd »
A 18 heures, je me tenais debout avec quelques camarades à la place Bab El Had dans l'attente du début de la manifestation. J'ai donc assisté, sans bouger de là où j'étais, au début des violences policières. La police m'a demandé de quitter l'endroit mais j'ai refusé, en absence d'un prétexte raisonnable. Ils ont pu disperser des manifestants, qui se sont rassemblés à cinquante ou cent mètres de la place Bab El Had, scandant des slogans de protestation contre la répression et revendiquant la libération des détenus politiques (qui était le thème central de la 27ème journée nationale d'action).
Quand la police s'en ai prise à moi, j'ai été poussé et j'ai reçu des coups de pied. J'ai trouvé qu'un seul moyen d'auto-défense: m'asseoir par terre. A partir de là, j'ai été tiré et traîné sur le sol sur plusieurs dizaines de mètres. Ce procédé est une double torture: d'abord, c'est le moins grave, est d'ordre physique en raison des douleurs aux épaules, au dos, aux articulations, surtout si vous souffrez de rhumatisme.
-Deux, c'est la torture morale et psychique: quand je suis trainé par terre, je pense au mouton de la fête religieuse du sacrifice Aïd El Adha, qui, une fois égorgé, est trainé de la même façon pour éviter que la laine de sa peau ne soit tachée de sang. Je vous laisse imaginer le traumatisme causé à un patriote qui milite depuis l'âge de 9 ans, qui a connu toutes sortes de répressions, et qui se retrouve à 69 ans en train d'être traité par le makhzen exactement comme on traite un mouton qu'on vient d'abattre. C'est le sommet de l'humiliation et du mépris de la dignité humaine. C'est pourquoi après m'être retrouvé jeté de l'autre coté, je me suis mis debout pour crier encore et encore : « Dignité, liberté, justice sociale ». Je suis donc retourné à mon endroit initial, sans me soucier des conséquences. Car la dignité est pour moi plus importante que toute autre chose, et plus importante que la vie elle-même, parce que la vie sans dignité, c'est la mort de l'Homme, c'est une vie d'animal.
La même scène s'est répétée à quatre ou cinq reprises : à chaque fois j'ai été trainé par terre et tenu à l'écart, par la force, de Bab El Had. J'y suis retourné à chaque fois. J'ai reçu des coups de pieds de la part de certains policiers sadiques, ainsi que des coups de talkie-walkie sur la tête de la part d'un responsable sécuritaire qui a disparu peu de temps après que j'aie dénoncé publiquement son comportement fasciste. J'ai reçu un autre coup sur la tête sans en connaître la source.
À un certain moment, lorsque la police s'est aperçue que leurs méthodes peu élégantes n'étaient pas efficaces, elle a décidé d'accéder à la place Bab El Had en dressant un cordon composé de dizaines de policiers et d'agents des Forces auxiliaires.
En même temps, j'observais que la place Bab El Had était redevenue accessible pour tous, les autres manifestants. Ceci confirmait le caractère arbitraire et stupide de cette décision. Ceci a eu pour effet de renforcer ma détermination à défendre ma dignité quel qu'en fût le prix. La dignité, à cet instant, est devenue synonyme de mon retour sans condition à mon endroit initial afin que chacun assume sa responsabilité. Comme je ne disposais pas du numéro de téléphone du Wali de la région, j'ai téléphoné à Mr Rochdi, directeur des affaires générales à la wilaya pour lui dire ce qui se passait, l'informer de la décision prise par les forces de sécurité et lui faire part de ma forte détermination à revenir à Bab El Had. En même temps, en raison de mon état de santé devenu préoccupant, certains de mes amis autorisés à rester à mes côtés se sont inquiétés des effets des coups que j'avais reçus sur la tête. Ils ont insisté pour que je sois transféré aux urgences médicales dans l'ambulance qui était stationnée sur place. J'ai refusé. J'ai refusé d'accepter la décision qui limitait arbitrairement ma liberté de mouvement dans un lieu public.
Séquestré dans un coin de rue
À cet instant, ma femme m'a rejoint et m'a soutenu. J'ai alors décidé d'écrire sur une bannière en papier: «Abdelhamid Amine, militant du Mouvement du 20 Février, assiégé par la police». Une fois que j'ai fini d'écrire, l'a police me l'a arrachée brutalement et l'a déchirée. Ensuite, ils se sont jetés sur moi et m'ont attrapé à quatre, chacun tenant un de mes membres, pendant que ma femme criait devant cette scène horrible. J'ai été transporté dans cette posture, sur une centaine de mètres, vers une petite ruelle sans issue. Une fois de plus, je me suis trouvé devant une décision étrange : interdit par la police de quitter la ruelle dans laquelle je me suis trouvé en compagnie de ma femme, complètement effondrée. J'ai donc protesté encore contre cette détention dans une ruelle sans issue. Il s'agissait de la deuxième décision étrange contre ma liberté de mouvement. J'ai crié: « Pourquoi vous violez la loi de cette façon brutale ? Si j'ai commis un crime, vous devez m'arrêter tout simplement au lieu de m'empêcher d'aller à Bab El Had ou de me bloquer dans une ruelle sans issue ».
C'est alors que le responsable des opérations de sécurité (qui m'avait déjà informé de mon interdiction d'accéder à la place Bab El Had) est venu me voir et m'a dit à voix haute :
- Non, non, vous n'êtes pas en détention, vous êtes libre, je vous en prie, sortez, vous êtes libre. En fait, que voulez-vous Mr Amine? Que revendiquez-vous ?
- Vous connaissez bien ma revendication.
- Que voulez-vous donc ?
- Vous m'avez humilié et insulté ma dignité. Je veux une réparation au moins partielle de ce préjudice, je veux donc revenir à Bab El Had.
Il a accepté. C'est ainsi que j'ai pu y retourner avec ma femme. En arrivant, j'ai embrassé le sol deux fois, puis j'ai encore crié avec mon épouse et d'autres militants : « Liberté, dignité, justice sociale ». Il était environ 21 heures.
Après cela, nous sommes allés aux urgences de l'hôpital Avicenne. La vie continue, la lutte aussi.
Il ne faut pas que ce qui s'est passé ce 26 mai à Rabat aille aux oubliettes, car il montre que rien n'a vraiment changé au Maroc. Le Makhzen peut toujours changer son discours, il peut modifier la constitution et il peut changer son gouvernement, mais il est incapable de changer sa nature anti-démocratique et anti-droits de l'Homme.
Un certain nombre de militantes et militants envisagent de poursuivre en justice les responsables de violations graves du 26 mai. Quelle est l'utilité de cette démarche tant que la justice n'est pas indépendante ?
Je pense personnellement que la réaction utile est de renforcer les forces démocratiques anti-makhzen et les unir dans le cadre du Mouvement du 20 Février, sur la base des revendications faites contre la tyrannie, l'oppression, l'injustice, la corruption, et la lutte pour un Maroc de la dignité, de la liberté, de l'égalité, de la justice sociale, de la démocratie et des droits humains pour tous.
Je remercie toutes les personnes, tous les organes et aussi tous les médias qui ont exprimé leur solidarité avec moi et avec les autres victimes de la répression de la manifestation du 26 mai à Rabat.
Liberté immédiate pour les prisonniers du Mouvement du 20 Février et tous les prisonniers politiques.
Vive le Mouvement du 20 Février. Vive le peuple.


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