Une première au Maroc. Abbas El Fassi, Taib Fassi Fihri, Yasmina Baddou, l'ancien ministre de l'Intérieur, Chakib Benmoussa, et Mohamed Ibrahimi, ancien Wali de l'Oriental seront convoqués par le procureur général de la Cour Suprême, à Rabat. Ils sont accusés par la famille de Aicha Mokhtari, de non-assistance à personne en danger et de négligence. Le 15 août 2009, Aicha est décédée d'une forme très rare de cancer des os dont elle a souffert plus de deux ans et demi, dans l'indifférence totale des Etats marocain et français. Devant l'impossibilité de la soigner au Maroc, sa famille n'attendait que l'obtention d'un visa pour la transporter d'urgence à l'hôpital Gustave Roussy de Villejuif. Le consulat a alors refusé, et à plusieurs reprises, de lui accorder le visa, d'abord à cause d'un cas d'homonymie, puis par crainte que la famille soit dans l'incapacité de couvrir les frais des soins. Jusqu'à son décès, sa famille n'a pas cessé de frapper à toutes les portes. « J'ai rencontré quatre fois le Wali de l'Oriental, Mohamed Ibrahimi, j'ai rencontré en personne la ministre de la Santé, Yasmina Baddou, j'ai envoyé des lettres au premier ministre, au ministre des Affaires étrangères, les suppliant de faire quelque chose pour que ma sœur aille se faire soigner en France, personne ne m'a répondu, raconte le frère de Aicha, alors que de nombreux ministres du gouvernement français m'ont envoyé des réponses. Le Haut Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU m'a répondu, et Yasmina Baddou n'a pas daigné le faire… » explique-t-il. Le tribunal administratif d'Oujda avait auparavant tranché en faveur de la famille de la défunte, et a condamné l'Exécutif en septembre 2010 à lui verser 450.000dh en dommages et intérêts. « Pour ces accusations, la loi prévoit de deux à trois ans de prison. Ma famille veut que justice soit faite » explique à Lakome.com Abdelaziz Mokhtari, frère de la défunte. Il a donc décidé de porter plainte directement devant la Cour Suprême, comme le stipulent les règles régissant l'immunité des ministres. Une autre plainte a été déposée au tribunal correctionnel d'Oujda, celle-ci concerne Ahmed Herzenni, ancien président du CCDH, Omar Hejira, président du conseil de la ville d'Oujda, Lakhdar Haddouch, président du conseil de la préfecture d'Oujda Anjad, ainsi que le directeur régional du ministère de la Santé, Abdelkader Baston. Ils sont accusés, entre autres, d'homicide involontaire, de non-assistance à personne en danger, de négligence, faux et usage de faux… « Il ne faut plus avoir peur des mots. Ces gens là ont commis un crime. Ils ne veulent ni développement humain, ni faire avancer le Maroc. Ce sont eux qui nous font reculer » a déclaré Abdelaziz Mokhtari. Ce dernier compte aller jusqu'au bout avec sa famille, et attendra le temps qu'il faudra pour que la Cour Suprême statue sur cette affaire. « La loi est claire. Maintenant, la balle est dans leur camp. On parle beaucoup ces temps-ci de réforme, dont celle de la justice. Eh bien, je veux bien que la Cour Suprême donne l'exemple ».