AFCON 2025 : Les portes du stade ouvriront à 14h pour le match d'ouverture Maroc-Comores    AFCON 2025 : Stadium gates to open at 2 p.m. for Morocco–Comoros opener    Accord militaire Algérie-Tunisie : un pas discret vers l'érosion de la souveraineté tunisienne    Challenges : le Maroc érige le sport en moteur de développement    Hakimi reprend le fil, le Maroc respire avant le grand rendez-vous continental    Accord militaire Algérie-Tunisie : Kais Saied en colère après une fuite présumée du document    Le Ministère public insiste sur l'obligation de l'examen médical des détendus    Maroc - Qatar : Abdelouafi Laftit rencontre son homologue à Doha    LGV : L'ONCF commande 8 lorrys automoteurs pour 54,48 MDH    Marruecos: Alerta naranja, nieve, lluvia y frío de viernes a lunes    Copa Árabe: Jamal Sellami hacia la ciudadanía jordana tras una final histórica    Interpellation d'un individu ayant remis en cause le nombre de victimes à Safi    Maroc : Rabat Patrimoine, l'application de visite audioguidée dans la capitale    CAN 2025 : French Montana et Davido en concert d'ouverture à la fan zone de Rabat    Le pianiste de renommée internationale Mahmoud El Moussaoui en récital exceptionnel à Rabat    Cinéma arabe : cinq films marocains consacrés parmi les 100 chefs-d'œuvre de tous les temps    Ouenza, du rap au petit et au grand écran... et vice versa [Portrait]    Russie : Sergueï Lavrov défend un partenariat durable et respectueux avec l'Afrique    Maroc – Royaume-Uni : Convergence des intérêts autour du Mondial 2030    Mondial FIFA 2026: des Prize money record allant de 9 millions à 50 millions de dollars    Soft power : Forbes Africa met en lumière les visages de l'influence du Royaume    CA FIFA 2025 : l'Arabie saoudite et les Emirats se partagent la troisième place    Coupe du Monde 2026 : un arbitre marocain présélectionné pour la VAR    Atacadão s'implante à Ouarzazate    Réorganisation du CNP : Bras de fer entre majorité et opposition    Le Front Polisario et les vents qu'il a semés    CAN 2025: le Maroc se dote d'un Centre de coopération policière africaine    Akdital fait l'acquisition d'un hôpital privé à La Mecque    Opération « Grand Froid » : 7.000 ménages soutenus dans la province de Chichaoua    Le Bénin entre dans l'ère du télé-enseignement    CAN 2025 : les bons plans à Tanger    Nucléaire. L'Ethiopie et la Russie signent un accord    Trois projets de décrets au menu du prochain Conseil de gouvernement    Edito. Service client et dynamique continentale    Edito. Nouveau paradigme    ANCFCC. Des performances record en 2025    CAN 2025 : 20 accords de droits médias, un record pour la CAF    IPC en novembre: évolution par division de produits    « Elevate Your Business » : BANK OF AFRICA et Mastercard au cœur de l'écosystème entrepreneurial marocain    Fracture numérique : l'ADD envisage la création d'antennes régionales    Etats-Unis : Trump annonce une prime de 1 776 dollars pour les militaires à l'occasion des 250 ans de l'indépendance    Accord Mercosur-UE : signature reportée à janvier en raison des réticences européennes    Le Conseil de gouvernement adopte un projet de décret relatif au salaire minimum légal dans les activités agricoles et non agricoles    Coupe Arabe FIFA 2025 : le président de la FIFA salue le sacre du Maroc    Sahara, culture, sport : Les piliers du Maroc triomphant en 2025    CAN 2025 : l'Océanie Club de Casablanca lance « Saveurs & Couleurs d'Afrique »    Clinton a-t-il convié Epstein et Maxwell au mariage du roi Mohammed VI ?    Suprématie aérienne au Maghreb : Soukhoï Su-57, F-35,... au-delà des mythes ! [INTEGRAL]    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«Al Firdaous al mafqoud»
Publié dans La Vie éco le 30 - 03 - 2007

Saviez-vous qu'il fut un temps où les lieux de culte étaient également des espaces ouverts au savoir au-delà des confessions ? Qu'au nom de la science, les mosquées de Cordoue, de Séville ou de Fès accueillaient des professeurs qui dispensaient leur enseignement à un public composé indistinctement de musulmans, de juifs et de chrétiens ? Les frontières alors se dressaient non pas entre le porteur de cette foi et celui de cette autre mais entre la connaissance et l'ignorance, entre la sensibilité et l'insensibilité poétique, entre la communion dans les valeurs spirituelles et morales et le mépris de ces dernières.
L'anecdote suivante, rapportée par l'historien Hamid Triki, illustre de manière éloquente le type de relations qui prévalait alors entre les individus. Elle est extraite de la biographie qu'Ibn Saïd, poète musulman, consacre à son ami Ibn Sahl, poète également mais juif, dont la conversion à l'islam était sujette à suspicion. Cela se passait à Séville, en 1220. «C'était, témoigne Ibn Saïd, au temps où l'ombre bienfaisante de la jeunesse nous enveloppait tous deux. La vie alors avait un goût de sève. La paix et le salut régnaient sur le monde». Dialogue entre les deux amis.
– «Par les liens sacrés qui nous unissent, interroge Ibn Saïd, dis-moi quel crédit accorder à la rumeur au sujet de ta conversion ?»
Et Ibn Sahl de répondre :
– «Aux hommes ce qui est apparent, à Dieu ce qui est caché.»
Ibn Saïd ajoute :
– «J'ai décidé alors de mettre fin à cette discussion.» Puis il conclut sa narration, nous raconte Hamid Triki, en formulant le vœu de retrouver son ami au Paradis. L'historien note également que la réponse d'Ibn Sahl, bien qu'équivoque, ne porta nullement ombrage à sa destinée de poète au regard des musulmans.
Ce temps, auquel il est fait allusion ici, est celui dont le monde arabe conserve une nostalgie lancinante et qu'il qualifie de «firdaous al mafqoud», le «paradis perdu». On aura nommé, vous l'aurez compris, l'époque andalouse, cette époque à laquelle, nous autres Maghrébins, devons le meilleur de notre histoire. Une rencontre, organisée en ce mois de mars par les dames de l'International Inner club de Casablanca Mers-Sultan, a réuni historiens et poètes, penseurs et artistes autour de ce legs d'Al Andalous au patrimoine culturel marocain.
Le ton général fut à l'émerveillement devant la fécondité intellectuelle et artistique de ce que le spécialiste d'Ibn Khaldun, Abdeslam Cheddadi, appela joliment «l'efflorescence andalouse». Mais il fut aussi à la mélancolie, alimentée par cette question sur laquelle on bute inlassablement : «Pourquoi ce qui fut a-t-il cessé d'être, pourquoi cette civilisation arabe qui sut à la fois magnifier le cœur et sublimer la raison a-t-elle si brutalement décroché du firmament?» En cet âge d'or, la langue arabe se posait comme la langue par excellence de la culture.
Maintenant, quand un étranger parle arabe, on applaudit la prouesse ! Hier, la sphère arabo-musulmane était porteuse de lumières et de progrès, aujourd'hui, on l'associe à obscurantisme et régression. Depuis le temps qu'elle dure, cette réalité a fait l'objet des analyses les plus pointues et les plus divergentes. Il est cependant un constat sur lequel tout le monde s'accorde, à savoir que le dialogue des cultures constitue un ferment formidable à la créativité intellectuelle et artistique et que c'est celui-là qui fit la richesse du temps andalou. Des guerres successives opposèrent chrétiens et musulmans et l'Inquisition boucla en autodafé la parenthèse musulmane sur la péninsule ibérique mais cela n'enlève rien au fait que, pendant sept siècles, il y eut une formidable coexistence entre juifs, chrétiens et musulmans. Pour reprendre la belle affirmation d'Aragon, «on n'a jamais songé dans Grenade étendre un moucharabieh entre Ismaël et Israël».
La foi, si elle ancrait chacun dans sa communauté, ne posait pas l'Autre, parce que son dogme différait, en ennemi. Le partage d'une même langue, l'arabe, et d'un patrimoine culturel commun, que ce soit dans la musique ou dans la poésie, créait la fraternité au-delà de la différence religieuse. Dans nos contrées, nous n'en sommes plus là, malheureusement. Or la clôture sur soi est le pire châtiment qu'un individu ou une société puisse s'administrer : à terme, il signifie dégénérescence et décadence. Prenons les groupes humains qui pratiquent une endogamie stricte. Au bout d'un certain temps, on assiste à une multiplication des maladies mentales et physiques en leur sein. Le XXe siècle a été marqué par la montée des nationalismes. Les luttes pour les indépendances ont fait de ces derniers l'idéologie dominante.
Du coup, une notion comme «cosmopolitisme» s'est vue frappée du plus grand discrédit. Pourtant, de quelle richesse humaine et culturelle les espaces cosmopolites furent et sont toujours porteurs. Smyrne ou Alexandrie hier, Paris ou New York aujourd'hui. Sans porter le regard aussi loin, il suffit de se remémorer Tanger quand elle était ville internationale. Certes, objectera-t-on avec raison, ce temps-là, pour nous, fut aussi celui de la mainmise coloniale et on ne saurait le regretter. Mais repenser le lien social en ce qu'il intègre la différence, concevoir l'identité en tant que multiplicité des appartenances, réinventer en quelque sorte un rapport à soi et à autrui qui soit fondé sur l'ouverture et non sur la peur viscérale de se dissoudre, c'est dans cette voie-là qu'il serait bon d'engager ses pas si l'on aspire à un avenir à la hauteur du «firdaous al mafqoud»


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.