Pour le groupe NABC, la question de la santé et la sécurité des salariés a été au centre des plans d'action. Le rôle des DRH est amené à évoluer. Au Maroc, comme partout dans le monde, le rôle de la fonction RH, dans le cadre de cette crise sanitaire, est redevenu «la protection et la prévention des collaborateurs d'abord». Mais pas que. Hicham Zouanat, Executif DRH & corporate affairs du Groupe NABC – Président de la commission sociale de la CGEM, donne plus de détails sur le nouveau rôle que le DRH doit avoir après la crise. Quelles leçons tirez-vous de cette expérience du confinement et de la crise sanitaire ? Indépendamment de la façon dont la crise liée au Covid-19 a impacté les entreprises (fermeture totale, fermeture provisoire, activité au ralenti ou sur-activité), les directeurs et responsables des ressources humaines ont été projetés au premier plan pour gérer les différents impacts et implications de cette pandémie sur les collaborateurs au sein des entreprises. Les premières leçons tirées de cette expérience de confinement s'articulent autour de quatre sujets : La première leçon est l'humilité et la modestie que nous devons observer devant autant d'arrogance et de certitude affichées, presque par beaucoup de dirigeants, avant cette pandémie. La deuxième leçon concerne la capacité ou non d'avoir une résilience pour faire face à cette crise et ceci dépend largement du capital humain et talents dont dispose l'entreprise avant de vivre une telle expérience. La troisième réside dans l'agilité qu'offre la structure organisationnelle. Enfin, la quatrième leçon se situe dans notre capacité à gérer les incertitudes ou ce qu'appelle Nassim Nicholas Taleb dans son livre «Le cygne noir» : la puissance de l'imprévisible. Quelles mesures RH avez-vous mis en place pendant le confinement ? La santé et la sécurité des salariés ont été au centre des plans d'action RH. Au Maroc comme partout dans le monde, le rôle de la fonction RH, dans le cadre de cette crise sanitaire, est redevenu la protection et la prévention des collaborateurs d'abord et ce conformément aux dispositions du code du travail. Ce n'est donc qu'un retour à une normalité ou une revanche que reprend le processus médecine de travail sur les processus clé de la fonction RH. Avec la nouvelle place que reprennent la santé et la sécurité des salariés, et pour faire respecter les nouvelles exigences de la médecine de travail face à cette pandémie, le premier rôle des RH, durant ces deux mois, était d'informer les collaborateurs et de mettre en place des actions de prévention, notamment respecter les mesures de distanciation, s'assurer que les gestes barrières sont bien appliqués, délimiter les zones de flux du personnel externe et des personnes externes (Fournisseurs, visiteurs...), suivre la traçabilité des contacts au sein de l'entreprise, limiter au strict nécessaire les réunions, limiter les regroupements de salariés dans des espaces réduits et enfin annuler les déplacements non indispensables. C'est dans ce sens que des plans de communication interne ont été déployés à travers différents supports : affiches, newsletter, vidéos, communication orale, guide questions-réponses et qui ont été élaborés pour renforcer les messages ou pour des rappels fréquents, à l'arrivée ou la sortie des collaborateurs. Ces outils de communication ont été adaptés aux équipes en rotation et aux salariés itinérants. Le télétravail a été un grand défi pour bon nombre d'entreprises. Comment avez-vous pu gérer la chose ? Pour limiter la propagation du virus et accompagner ces mêmes priorités, à savoir la protection et la prévention des collaborateurs d'abord, la majorité des DRH des entreprises s'est organisée pour déployer le télétravail et travailler à distance dès les premiers jours de la crise et ce, en l'absence d'un texte légal, au Maroc, pour la mise en place de ce dispositif. Pour nous, par exemple, la consigne était claire : «Il était impératif que tous les salariés avec une immunité faible ou maladies chroniques de démarrer avant tous les salariés par le travail à distance» et juste après, l'ensemble des salariés qui le peuvent recourent à ce dispositif. En même temps, il fallait expliquer aux partenaires sociaux et à l'ensemble des collaborateurs qui étaient obligés de travailler sur le terrain (les usines, les centres de distribution et les agences commerciales) que le télétravail n'est pas un avantage ou une contrainte supplémentaire, mais une alternative sérieuse pour assurer la continuité et contribuer à limiter la propagation du virus. Pour ce faire, les DRH doivent répondre à plusieurs questions et définir certains processus pour rendre le dispositif du télétravail flexible, réversible et performant. Il fallait ainsi : – Initier les managers aux approches du management à distance ; – définir le profil du télétravailleur ; – répondre aux besoins des salariés en termes d'équipement bureautique, les besoins de nouveaux outils collaboratifs pour faciliter le travail à distance ; – vérifier l'accessibilité aux serveurs à distance, à la messagerie instantanée, gestion des mails… ; – mise en place d'une charte de télétravail. Pour les populations itinérantes, il fallait produire des dérogations pour les déplacements professionnels locaux pour se rendre à leur lieu de travail et produire également des ordres de missions pour les déplacements professionnels régionaux. Cette crise a également chamboulé les orientations stratégiques des entreprises. Qu'en est-il vraiment ? La crise sanitaire du Covid-19 se répercute très fortement sur l'économie marocaine en général et sur les activités des entreprises marocaines en particulier, mais cet impact est vécu à différents niveaux, selon la taille de l'entreprise et la nature de son activité, comme précisé plus haut. Lorsque les grandes entreprises peuvent se le permettre, il est nécessaire de faire preuve d'une responsabilité sociale des entreprises envers leurs salariés en ces moments difficiles pour tous. Par contre, les PME/PMI en difficulté vivent une vraie hécatombe et afin de garantir leur pérennité, il faut éviter de supporter de plein fouet l'effet des coûts exorbitants de la masse salariale en face d'une absence d'activité. Pour ce faire, la majorité des entreprises en difficultés, qui ont vécu un arrêt ou un ralentissement de leur d'activité durant cette pandémie, leurs DRH ont : – d'abord procéder par encourager les congés avec solde ; – ensuite, ils ont commencé par réduire les effectifs en contrat d'intérim et les faire bénéficier de l'indemnité forfaitaire mensuelle de 2 000 dirhams nets octroyée par le Fonds Covid, géré par la CNSS, en plus des allocations familiales et des prestations de l'AMO ; – pour les PME/PMI qui ont vécu des impacts plus violents, et qui ont déjà épuisé les deux premières mesures, le recours à la réduction du temps de travail a été également une obligation pour espérer reprendre leur activité avec l'ensemble de leurs effectifs ; En plus de ces mesures, les DRH ont dû revoir et adapter leur plan prévisionnel en termes d'emplois et compétences, d'une part, pour l'actualiser et prendre en compte le contexte actuel et, d'autre part, pour se projeter et l'adapter aux plans prévisionnels de l'entreprise. Pensez-vous que la fonction RH et le rôle des DRH vont évoluer autrement après cette crise ? Il est indéniable que la fonction RH va évoluer autrement après cette crise et on assistera, en plus des rôles actuels, déjà connus pour les DRH, vers d'autres rôles qui ont également rythmé la vie des DRH ces derniers mois et qu'on pourra résumer comme suit : Primo, un nouveau rôle de «Psy Accompagnateur» : En effet, durant cette phase, les RH ont un rôle très important pour rassurer les salariés en arrêt d'activité en maintenant un contact régulier avec eux et en leur apportant le soutien et le réconfort nécessaire, pour garder le moral dans cette phase très difficile. En effet, les salariés seront redevables à leur entreprise pour sa bienveillance et son soutien durant cette crise. La confiance, le sentiment d'appartenance et les relations sociales ne seront que renforcés lors de la reprise de l'activité. Le second nouveau rôle pour les DRH c'est un rôle de «Risque Manager» pour anticiper les risques actuels et futurs et également participer activement aux plans d'action devant atténuer et réduire les risques RH et sociaux liés à la crise. Bien sûr, l'un des risques majeurs qui doit désormais être inscrit dans la durée est le risque santé lié au Coronavirus. Le déconfinement va remettre ce risque au devant de la scène et les DRH doivent doubler de niveau de vigilance, surtout que les salariés seront encore en contact avec le public, les RH doivent réévaluer les différents rapports, la nature et la durée des contacts entre leurs collaborateurs internes et avec les populations externes. Le troisième nouveau rôle pour les DRH c'est celui de «Digital Transformer» : Bien que le digital soit désormais partout et sa rupture à soit facilitée par cette crise du Covid-19 pour accompagner le télétravail, opérer une vraie transformation digitale sur le plan RH digne de ce nom est un projet de longue haleine pour les entreprises, qui doit impliquer l'ensemble des ressources clés et à tous les niveaux. C'est pourquoi le DRH doit être en première ligne pour faire une révolution interne pour passer en mode de Workflow et offrir l'ensemble de ses services via cet outil RH collaboratif. Enfin, le dernier rôle qui était déjà important avant la crise et le sera davantage les mois prochains est celui de «Négociateur social mobilisateur» : Face aux pressions pour la maîtrise des coûts salariaux et face aux risques des plans sociaux que plusieurs entreprises seront amenées à vivre, les DRH doivent mettre le dialogue social au cœur de leurs préoccupations et ce ne sera pas chose facile. C'est pour cette raison que les qualités de négociateur social doivent être développées et doivent être utilisées pour permettre de mobiliser l'ensemble des acteurs autour de la pérennité de l'entreprise. A Lire aussi : Les DRH face aux nouveaux enjeux de la période post-crise.