Hier soir, mercredi 9 juillet, TIF a retourné la Scène Casa Anfa. Face à l'engouement d'une foule en ébullition, le rappeur algérien a tout transformé en un brasier d'émotions brutes. Flow dansant, live organique avec ses quatre musiciens, il a électrisé un public marocain conquis, mêlant exil et racines dans une joie bon enfant. Suivez La Vie éco sur Telegram Mercredi 9 juillet, Anfa Park, Casablanca. La nuit est chaude, l'air saturé d'attente. La foule ondule, impatiente, quand TIF, Toufik de son vrai nom, rappeur algérien basé en France, pose ses baskets sur la Scène Casa Anfa. Jazzablanca, ce festival qui aime brouiller les lignes, vient de prendre un virage. Et quel virage. Après le jazz cotonneux et introspectif d'Alfa Mist, qui a noyé le public dans des nappes harmoniques d'une élégance folle, TIF débarque. Le parc s'embrase. On est loin des codes policés du jazz : ici, c'est la rue, l'exil, les racines qui s'entrechoquent. Dès les premières mesures de Hinata, c'est la bascule. La foule explose, bras levés, smartphones scintillant comme des lucioles, voix à l'unisson. TIF ne donne pas un concert, il raconte une histoire. La sienne, celle d'un gamin d'Alger devenu héraut d'une génération déracinée, entre nostalgie et reconstruction. Son set, c'est une fresque brute, charnelle, où chaque titre – Amnesia, No Party, 1.6, Houma Sweet Houma – cogne comme un journal intime mis en beats. Accompagné de quatre musiciens (clavier, guitare, batterie, percussions), il réinvente le rap live, loin des clichés du genre. Exit le DJ solitaire, place à une alchimie organique, où les cordes vibrent, les peaux claquent et les synthés tissent un écrin à sa voix. En 2022, la Flamme de la Révélation Scénique ne s'y était pas trompée : « TIF ne fait pas que rapper, il transcende ». Dans la foule, c'est un miroir. Des ados en oversized, des meufs voilées scandant les refrains, des potes surexcités, des familles venues à l'instinct : tout le monde communie. Le public marocain, fraternel, vibre à l'unisson avec cet Algérien qui porte les mêmes blessures, les mêmes fiertés. Une connexion viscérale, presque charnelle, qui fait de ce concert un moment suspendu. TIF, lui, reste sobre. Peu de mots entre les morceaux, mais des silences qui parlent. Un regard, un sourire, une main sur le cœur : il capte l'énergie, la rend au centuple. Il sait d'où il vient – les ruelles d'Alger, l'arrivée en France, les doutes, les attaches – et pour qui il chante. Son label, Houma Sweet Houma, créé en 2022, est plus qu'un nom : c'est un pont entre deux rives. À Jazzablanca, il incarne une nouvelle vague, celle d'un rap qui refuse les cases, d'une jeunesse maghrébine qui revendique sa place sans baisser les yeux. Quand 1.6 retentit, c'est une claque. Le titre, ode à l'adaptation dans un monde qui ne t'attend pas, résonne comme un hymne pour ceux qui naviguent entre deux cultures. La foule scande, saute, vibre. TIF, au centre, absorbe tout, maître d'un chaos qu'il rend poétique. Jazzablanca, en invitant TIF, signe un coup de maître. Le festival, connu pour son éclectisme, ouvre grand ses portes à une esthétique neuve, à une génération qui ne demande pas la permission.