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Incivisme : quand les Marocains ne se supportent plus
Publié dans La Vie éco le 28 - 02 - 2013

Agressions verbales, non respect du Code de la route, crachats et urine dans la rue…, les actes incivils sont en forte augmentation. L'incivilité est institutionnelle. Elle est dans les services publics, le parlement, le gouvernement, chez les riches comme chez les pauvres…
Les scènes d'incivisme ne se comptent plus. L'espace urbain est vicié chaque jour par des comportements pour le moins scandaleux, où l'ego prime. Les valeurs civiques et de citoyenneté, qui doivent préserver cet espace de cette pollution, sont en perte de vitesse. Les Marocains sont-ils devenus à ce point discourtois, impolis, intolérants, perturbateurs de l'ordre, insolents, bagarreurs, agressifs, impatients et dépourvus de tout savoir-vivre ? C'est le moins que l'on puisse dire. «L'incivisme n'est pas récent, analyse le sociologue Ahmed Al Moutamassik. Mais force est de constater qu'il prend maintenant des proportions inquiétantes, dans le quotidien des gens». Et d'ajouter qu'il n'est pas l'apanage du «petit peuple», mais qu'«il existe aussi sur le plan institutionnel». Puisqu'il ne s'agit pas toujours d'un délit (quoique nombre d'incivilités peuvent être une infraction à la loi et provoquent de plus en plus d'insécurité), l'acte incivil est difficilement quantifiable, échappant ainsi à l'appareil statistique des services de police. Les rares enquêtes que le pays a connues sur ce sujet ne laissent cependant pas l'ombre d'un doute. En mars 2009, AFAK, l'Association marocaine pour le civisme et le développement, a révélé les résultats d'un sondage mené auprès de 980 personnes dans 14 villes, toutes catégories socioprofessionnelles confondues. 66,32% des sondés ont considéré que le phénomène de l'incivisme a progressé de façon importante ; 72% étaient d'accord pour affirmer que l'environnement connaît une dégradation visible. Et 53% parmi les sondés ont affirmé que le Maroc vit une progression du fanatisme et de l'intolérance, sans parler du phénomène de l'insécurité dont 61% des personnes interrogées estiment qu'il croît sans cesse.

Quand la victime se transforme en accusée, le fauteur de troubles en accusateur
Des scènes d'un certain genre sont devenues familières. On voit des gens uriner en pleine rue. Il est vrai que la ville manque terriblement de latrines publiques et qu'ils ne trouvent devant eux aucun autre lieu pour se soulager, mais ce n'est pas une excuse. D'autres crachent ouvertement devant les gens sans la moindre gêne. Sans parler de ceux qui garent leurs voitures en deuxième position, contribuant ainsi au désordre et aux embouteillages indescriptibles que connaît la circulation dans les rues.
Autre exemple : ce chauffeur de taxi qui, pour prendre un client, s'arrête à l'improviste sans le moindre signal au milieu de la chaussée, sans considération à l'égard de celui qui roule derrière lui. S'en suit alors une avalanche d'insultes où le fauteur de troubles se mue en accusateur et l'automobiliste victime de l'incartade en accusé. Le premier veut avoir le dernier mot, alors qu'il sait bien qu'il a tort. Manque d'éducation ? Pulsions agressives refoulées qui jaillissent tout d'un coup ?
«Entre deux "parlêtres", c'est à dire entre deux êtres parlants, explique Youssef Fehry Fassy, psychanalyste, l'enjeu de toute compétition est un signifiant, que l'on désigne par phallus imaginaire. En termes simples, chacun des parlêtres veut avoir le dernier mot, pour montrer qu'il est le détenteur de ce qui fait autorité, qu'il a raison envers et contre tout ! Or, ce qui fait autorité, ce n'est pas le phallus imaginaire mais le phallus symbolique, c'est à dire une parole empreinte d'une certaine vérité qui fasse réellement coupure dans la relation. Selon le psychanalyste, «reconnaître ses torts permet de calmer, d'apaiser la situation, et notamment d'apaiser les pulsions agressives qui peuvent émerger subitement, du fait d'un refoulement permanent. Le surmoi les canalise généralement, les empêchant de s'exprimer à l'état brut. Mais lors des actes d'incivisme, ce mécanisme ne semble plus fonctionner efficacement. D'où parfois des disputes, des bagarres à propos de sujets futiles».
Incivisme au Maroc : Avis d'Ahmed Al Moutamassik, Sociologue
Un autre témoin de ces incivilités raconte : «Une fois je suis allé payer la vignette de ma voiture. A la perception, devant le guichet, une longue file d'attente. La tension est dans l'air et l'impatience est visible. Soudain, à l'heure de la prière, alors que chacun attend son tour pour s'acquitter de sa dette envers le fisc, le percepteur ferme en toute quiétude le guichet, prend son petit tapis, et s'en va faire sa pière». Au grand dam de cette file d'attente constituée de gens qui ne sont pourtant pas moins musulmans que ce fonctionnaire «vertueux». «Ce n'est pas ça l'islam, le prophète exhorte les gens d'abord au travail, c'est la première vertu, le travail est une adoration de Dieu», se lamente un témoin. Les administrations regorgent d'actes irresponsables de ce genre : le jour du vendredi est une aubaine pour certains fonctionnaires, à l'heure de la prière on file à l'anglaise pour ne revenir au travail que tard l'après-midi, ou même carrément jusqu'à lundi.
D'autres manifestations inciviques : tel copropriétaire qui refuse de payer sa cotisation au syndic de l'immeuble pour des prétextes fallacieux. «Dans celui où j'habite, raconte ce témoin, il y a au moins trois récalcitrants de ce genre. Deux n'assistent jamais aux réunions du syndic, le troisième est toujours présent, mais pour protester en premier que l'escalier est sale ou qu'une ampoule des parties communes ne marche pas». Incivisme primaire ? «Insolence caractérisée», rectifie un président de syndic.
L'épouse de ce dernier se dispute souvent avec la femme de ménage de la voisine d'en haut : elle a un malin plaisir à nettoyer les tapis du salon à coups de bâton dans le balcon, et toute la saleté se déverse sur celui d'en bas. Les voisins ont beau protester, «l'agression» incivile ne fait que continuer. «Je me demande à quoi ça sert un aspirateur, ils ont quand même les moyens d'en acheter un, le père roule dans une belle cylindrée flambant neuve, et ses enfants étudient dans les meilleures écoles», se plaint le témoin.

Un système autoritaire qui ne donne pas l'exemple…
La richesse n'est pas synonyme de civisme comme la pauvreté ne signifie pas incivilité. Il fut un temps «où dans les sociétés traditionnelles, les codes de conduite non écrits étaient dominants dans la cité ou dans les campagnes. Les Marocains les respectaient, ils s'imposaient à tous, pauvres ou riches, anciens ou nouveaux citadins», explique M. Fehry Fassy. Autrement dit, pour le psychanalyste, les institutions traditionnelles (familles, tribus, msid, zaouias,…) produisaient des signifiants qui avaient alors une certaine efficacité symbolique. «Avec les temps modernes, ajoute t-il, les codes anciens sont devenus caduques, perdant de leur efficacité symbolique. Des codes nouveaux introduits par les Français ont été adoptés, pour ne pas dire adaptés et des institutions nouvelles (comme la famille moderne, l'école, l'université, le syndicat, le parti, l'administration, la commune) produisent de nouveaux signifiants».
Incivisme au Maroc : Avis de Youssef Fassi Fihri, Psychanalyste
Casablanca est le prototype de ville qui en pâtit le plus. Une ville où se confronte un conglomérat de populations d'origines et de cultures diverses. Sans ce «signifiant», analyse le psychanalyste, «il n'y a pas cette intégration qui cimente la collectivité dans la diversité. Le civisme, c'est un savoir-vivre ensemble sur la base de signifiants qui sont opérants. Et c'est là que le bât blesse !». Au même titre que ceux des catégories pauvres, les agissements incivils des riches ne sont pas moins pernicieux, mais «il s'agit alors de ces nouveaux bourgeois dépourvus de cette culture du respect de l'autre, de l'espace public. Ceux-là ne font pas partie de cette vraie classe bourgeoise au vrai sens du terme, qui a historiquement et socialement une culture, des valeurs, un référentiel», nuance M. Al Moutamassik, pour qui l'espace public est aussi respectable que l'espace privé. Les nouveaux bourgeois, au même titre que ceux qui habitent les quartiers populaires se disent que l'espace public ne leur appartient pas, le polluer par le bruit des klaxons, le saccager, y jeter les ordures, «est chose normale pour eux. Et le système participe à cette incivilité. Quand les gens voient une voiture de l'administration griller un feu rouge, ils se disent pourquoi pas nous», poursuit le sociologue. C'est une espèce de révolte et de contre-pouvoir contre un système autoritaire qui ne donne pas l'exemple. Si dans les écoles publiques les élèves font montre d'une incivilité incroyable en saccageant les tables, salissant les murs, brisant les vitres et insultant leurs professeurs, «c'est l'école qu'ils visent en tant que système d'autorité, et si ces derniers défient le système de cette façon c'est qu'ils n'ont plus confiance, puisque ce dernier ne donne pas l'exemple», ajoute-t-il. Laquelle école, s'insurgent nombre d'observateurs, ne joue plus son rôle qui est d'inculquer ce «signifiant», ces valeurs de tolérance, de respect de l'autre, de l'espace public, du respect tout court…


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