Le taux des crédits spot devraient baisser dans les mêmes proportions que le taux directeur. L'impact immédiat sur les financements à moyen et long terme est moins évident. Des patrons de banques estiment qu'une autre baisse du taux directeur de 0,25% est nécessaire pour bien peser sur le loyer de l'argent. Après l'abaissement du taux directeur de 3% à 2,75%, décidé par Bank Al-Maghrib (BAM) lors de la réunion de son conseil du 23 septembre dernier, une question est sur toutes les lèvres : Est-ce que les banques vont suivre en réduisant leurs taux débiteurs? La logique voudrait que oui, puisque quand le taux directeur, qui correspond au coût officiel de l'argent au jour le jour, baisse, les banques se refinancent à moindre coût et elles ont de fait la possibilité d'accorder des crédits à moindre coût. C'est d'ailleurs ce qui a poussé BAM à prendre sa récente décision. L'Institut d'émission souhaitant donner un coup de fouet aux crédits pour relancer l'activité économique. Mais chez les banquiers, on entend un autre son de cloche. «Le refinancement levé auprès de BAM (les avances sur appel d'offres qui se font au taux directeur) ne dépasse pas 80 milliards de DH, ce qui ne représente même pas 10% des ressources des banques. Il s'agit donc d'une baisse de coût réduite de 0,25 point appliquée à une petite part des ressources bancaires. Partant, cela ne devrait pas bouleverser la donne pour le coût du crédit», assure un directeur de banque. Effectivement, durant le dernier appel d'offres du 24 septembre dernier, le montant des avances demandé par les banques se montait à 78,1 milliards de DH à rapporter à un total de dettes et de dépôts de la clientèle approchant 1 000 milliards de DH cumulés par les établissements. La décrue a commencé depuis le premier semestre Mais tout en avançant cela, les banquiers reconnaissent que dans l'immédiat une catégorie de financement bien précise sera touchée par une baisse mécanique. Il s'agit des lignes spot octroyées principalement aux grandes entreprises sur des périodes très courtes –de 15 jours à 3 mois– leur permettant de réaliser des opérations spécifiques comme le préfinancement d'un marché ou la constitution d'un stock d'opportunité. Refinancés en règle générale au moyen des avances court terme de BAM, «les crédits spot devraient voir leur taux d'intérêt baisser dans les mêmes proportions que le taux directeur, tout en sachant que leur coût est en recul depuis un an», signale un banquier. Avec un taux situé entre 4,50% et 5,30% jusqu'à présent, ces financements devraient donc descendre à 4,25% et 5,05%. En revanche, pour les autres catégories de crédit, les banquiers sondés se montrent plus rigides. Pourtant, ces autres financements devraient eux aussi être touchés par la baisse du taux directeur. En effet, les taux des crédits sont corrélés aux taux des bons du Trésor (à l'exception du crédit immobilier à taux variable indexé depuis 2010 sur le taux moyen pondéré du marché interbancaire). D'ailleurs, BAM fixe régulièrement aux banques des taux planchers (appliqués aux meilleurs clients) pour tous les types de financements avec comme référence les taux des bons du Trésor : le crédit à court terme est indexé sur les TMP des bons dont la maturité va jusqu'à 24 mois; celui du moyen terme sur les bons à 5 ans et celui du long terme sur les bons de 10 et 15 ans. Or, «l'abaissement du taux directeur fait baisser dans les mêmes proportions la partie courte de la courbe des taux, étant donné la parfaite corrélation des taux à court terme avec la politique monétaire. Et cette baisse se transmet progressivement sur la partie moyenne et longue de la courbe des taux», explique un intermédiaire en valeur du Trésor. En termes clairs, avec la baisse du taux directeur, les taux des crédits court terme doivent en théorie baisser les premiers, et les financements à plus long terme doivent suivre. Et même, «vu l'actuelle aisance du Trésor, les taux des bons du Trésor, à moyen et long terme, devraient baisser plus rapidement encore», pronostique un professionnel. «Cela s'est déjà fait sentir lors de la séance d'adjudication du 30 septembre avec des soumissions réalisées par les investisseurs à des taux long terme en baisse sur une semaine», soutient-il. En réponse à ces commentaires, les banquiers rétorquent que les taux des crédits ont déjà baissé durant les derniers mois. Effectivement, d'après l'enquête trimestrielle de BAM, à fin juin 2014, quasiment tous les taux d'intérêt débiteurs appliqués par les banques s'inscrivent en baisse par rapport au deuxième semestre 2013 : le taux moyen des crédits à l'équipement baisse de 64 points de base, à 5,44%, le crédit immobilier recule de 7 pbs, à 5,94%, et le crédit à la consommation perd 6 pbs pour s'établir à 7,35%. Est-ce à dire que les banques seront plus soucieuses dans un premier temps de consolider leurs marges avant de répercuter la baisse du coût de refinancement sur les taux des crédits ? En tout cas, l'on semble attendre un deuxième geste de la part de BAM, avant de réviser effectivement les taux. «Si une deuxième baisse de 0,25 point est appliquée durant le prochain conseil de BAM, les baisses de taux des crédits seraient beaucoup plus facilement envisageables», explicite un directeur de banque. «Dans un contexte de faible pression inflationniste, cela n'aura comme seul inconvénient qu'une baisse de résultat net pour BAM qui n'a pas vocation à réaliser des profits», pense-t-il.