En dépit de leur mauvaise qualité, fèves, petits pois, artichauts et haricots verts sont dopés par la rareté. La tendance inverse est suivie par la fraise et l'avocat déversés en grande quantité par les producteurs désireux de limiter les dégâts du gel. En début de semaine, l'activité du marché de gros des fruits et légumes, à Casablanca, ne reflète en rien la fièvre qui s'est emparée des prix de certains produits. C'est plutôt le calme plat, en dehors des incessantes allées et venues des clients qui se relaient dans les 4 ou 5 grands cafés du coin et des innombrables gargotes installées sur les 30 ha occupés par le marché. Oui, le marché de gros est un énorme carrefour où l'on enregistre le passage de 650 à 1 000 camions par nuit et où circulent, tous les jours, entre 4 000 et 5 000 âmes (sinon plus) : visiteurs, négociants et ouvriers. En y pénétrant, il faut avoir en tête les récents malheurs des agriculteurs, provoqués par le gel, pour comprendre pourquoi les prix des légumes verts (fèves, petits pois, artichauts et haricots verts) sont en forte hausse, alors que la qualité est mauvaise. Les fèves atteignent 4 DH/kg alors qu'elles n'auraient pas dû dépasser leur fourchette habituelle de 1 à 1,50 DH. Pour les petits pois, l'envolée est plus importante puisqu'ils enregistraient, au début de la semaine, 5 à 7 DH, contre 1,20 à 1,80 DH auparavant. L'aubergine, elle, est presque introuvable et encore ne doit-on sa présence qu'à de rares arrivages en provenance d'Agadir. Son prix est passé de 2 DH environ à 7 DH. Le poivron en provenance des serres du Souss est négocié autour de 4 DH le kilo. Mais, selon un responsable du marché, ce produit est toujours relativement cher à cette époque, en attendant l'arrivée du même produit des Doukkalas, vendu généralement à 2 DH/kg. La fraise et l'avocat pourraient se raréfier dans les prochaines semaines Côté fruits, avocat et fraise, contrairement à la banane, sont dans une tendance, à première vue, incompréhensible. Les avocats se commercialisent autour de 5 DH/kg alors qu'ils devraient afficher au moins 12 DH/kg. La fraise est vendue 2,50 à 3 DH. Normalement, ces fruits n'auraient jamais dû être sur le marché en quantité aussi importante en ce moment de l'année. Explication : les dernières gelées ont entraîné une détérioration de la qualité ; producteurs et négociants se sont donc empressés de les mettre sur le marché, de peur de tout perdre. D'ailleurs, pratiquement chaque jour, des négociants affrètent les camions de la communauté urbaine pour se débarrasser de la marchandise qui pourrit à vue d'œil dans leurs magasins. Les intermédiaires déplorent la lourdeur des charges Mais, dans quelques semaines, il n'y aura tout simplement plus de produits. Car, d'une part, ce qui est encore sur les étals des négociants sera soit vendu soit impropre à la consommation. Dans le même temps, la récolte qui devait permettre d'approvisionner progressivement les magasins du marché de gros est tout simplement perdue. Heureusement qu'une région comme Agadir n'a perdu que 20 à 25% de sa production et qu'elle continue et continuera à pourvoir aux besoins. Pour le reste, aucun changement visible à l'horizon. Les pommes de terre non lavées, explique Abdelkader Chane, négociant, sont écoulées entre 1,20 et 1,30 DH/kg. «Nous nous approvisionnons, en ce moment, aussi bien à El Hajeb et Ouled Ziane, qu'à Larache et Agadir», explique-t-il. Il faut compter en moyenne un jour pour charger la marchandise, un jour de route et au moins deux jours au marché de gros pour la vente. Entre le lieu de production et le marché, et vu les délais d'acheminement, beaucoup d'évènements réels ou psychologiques peuvent influer sur les prix, à la hausse ou à la baisse. Abdelkader Chane ne se sent donc pas à l'abri. Un autre intermédiaire, Maaz Mustapha, qui s'affaire devant une énorme cargaison d'oignons en provenance de Fès et Meknès n'est, pour sa part, pas mécontent des prix (entre 0,90 DH et 1,20 DH selon la qualité), même s'il déplore l'état de quasi-dénuement des cultivateurs. Au détour de différents stands, un autre négociant supervise le chargement de 10 tonnes d'avocats en état de pourrissement avancé destinés à la décharge publique. Adil Abdou, c'est son nom, est un des rares négociants dont la famille possède 88 ha d'arbres fruitiers dans le Gharb. Mais, en bon commerçant, son père ayant soigneusement séparé les activités de production et de commercialisation, il achète des productions d'autres cultivateurs pour assurer l'équilibre de son activité. Pour lui, les trois dernières années n'ont pas été bénéfiques et cette année, il est réduit à vendre son avocat à 1 DH/kg à des laboratoires, pour la fabrication de produits de beauté ou pour des traitements capillaires. Il se plaint de charges de plus en plus lourdes. Agriculteurs, négociants et… consommateurs sont-ils donc tous à plaindre ? . L'avocat est dans un état de détérioration tel qu'il est vendu à 1 DH/kg aux fabricants de cosmétiques.