En cette période de crise économique qui frôle la récession dans plusieurs pays de l'UE, la grille de lecture de la dynamique des flux migratoires change. Depuis un certain temps, l'on parle plutôt d'un renversement de la vapeur qui se caractérise par le retour volontaire des migrants clandestins au Maroc. L'on parle même, sous un ton d'anecdote qui n'enlève rien à la réalité du phénomène, de clandestins espagnols à la recherche de travail au Royaume. Pour mieux cerner ces nouvelles tendances lourdes de la migration et le Maroc en tant que terre de transit et souvent d'accueil des migrants subsahariens, deux études ont été présentées hier à Rabat par le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME). Ils font partie d'un travail baptisé «Beyond irregularity» et mené conjointement par l'Institut britannique de recherches en politiques publiques (IPPR) et le CCME. Les études ont été dévoilées sous deux thématiques à savoir «retour des migrants irréguliers au Maroc : quelles politiques de réintégration ?» et «le mythe du transit, la migration subsaharienne au Maroc». Elles constituent une synthèse de plusieurs travaux de terrain menés durant deux années 2011-2013 et financés par l'Union européenne (UE). Toutefois, autant les MRE qui vivent de manière régulière dans les pays d'accueil bénéficient de politique et de programmes adéquats en ce qui concerne l'investissement, l'acquisition de biens immobiliers et autres, autant les migrants irréguliers sont des laissés pour compte. La première étude en est arrivée à ce constat déplorable qu'aucune des deux parties à savoir le Maroc et l'UE, ne veut en endosser la responsabilité. La politique actuelle, tant dans les pays européens qu'au Maroc, est coûteuse, inefficace et dommageable pour les personnes retournant au pays de manière volontaire. Le caractère dominant de la politique européenne reste l'expulsion de force. Rien qu'en 2011, 15.000 Marocains ont été refoulés d'Europe, tandis qu'en 10 ans, le nombre des retours volontaires assistés n'a pas dépassé les 800 cas. Sachant par ailleurs, que le trend actuel confirme le retour volontaire de plus en plus important de Marocains en situation irrégulière, l'adoption d'une démarche claire de réintégration s'impose. Quid des subsahariens qui transitent par le Maroc ou qui préfèrent encore s'y installer ? Selon les experts, le Maroc n'est pas encore une terre d'accueil au vrai sens du terme. Ceci étant, l'étude montre que le pays assiste à un changement progressif d'une migration de transit à une immigration à plus long terme. Les difficultés économiques que vit l'Europe se sont accompagnées d'un durcissement de la politique migratoire. Du coup, le Maroc s'est avéré une bouée de sauvetage pour les Subsahariens, mais aussi pour d'autres catégories moins visibles, originaires surtout d'Asie. Or, l'absence d'une politique migratoire marocaine laisse libre cours à toutes les interprétations et solutions de bricolage. Les défaillances qui en naissent sont souvent comblées par des ONG et des groupes de droits des migrants. Mais, il est clair que ces acteurs ne pourront jamais se substituer à l'Etat qui devra intervenir à un moment donné. D'importants changements, comme la nouvelle Constitution et la mise en place d'institutions comme le CNDH sont des bases pour le type de politique et de pratique que le Maroc doit développer à ce niveau, conclut-on. Des Européens en situation, illégale au Maroc Myriam Cherti, Chercheuse à l'Institut britannique de recherches en politiques publiques (IPPR), coordinatrice des deux études Les ECO : Quelle est la tendance en matière de flux migratoires entre le Maroc et l'UE ? Myriam Cherti : Dans notre première étude, on s'est focalisé sur le groupe des migrants irréguliers. Or, il est difficile de mesurer l'impact de la crise en Europe sur le retour de ces migrants. Déjà, leur nombre est difficile à préciser contrairement aux retours forcés qui se sont situés en 2011 à 15.000 Marocains expulsés d'Europe. Mais, il y a une autre catégorie qui retourne au Maroc de manière volontaire. Ceux qui ont bénéficié d'un retour assisté parmi cette catégorie ne dépassent pas les 800 cas sur les dix dernières années. Ce n'est donc pas la première option en Europe. Dispose-t-on de programmes adéquats pour la réintégration de ces revenants dans la société et l'économie ? Malheureusement, je ne pense pas que ce soit le cas. Certainement, il y a des politiques bien définies par rapport aux MRE qui choisissent de retourner au Maroc. Il y a des programmes d'accompagnement pour les aider à investir ou à commencer une nouvelle vie. Mais pour les migrants irréguliers, c'est un groupe que l'on qualifie ne disposant d'aucune compétence alors que pendant des années, ils ont transféré de l'argent de manière régulière. Le Maroc a-t-il vocation à être un pays de transit ou d'accueil pour les Subsahariens ? Je dirais plutôt que le Maroc est à la fois un pays de transit et d'accueil. Mais une autre catégorie de Subsahariens se trouvent coincés au Maroc et ne peuvent rentrer dans leur pays. La politique actuelle n'accompagne pas ce changement qui s'effectue au Maroc. Mais, il faut préciser que les Subsahariens ne représentent qu'un groupe des migrants au Maroc. Il y a d'autres migrants européens qui eux aussi deviennent irréguliers au Maroc. On trouve aussi des migrants asiatiques et philippins dans la même situation.