Le complexe sidérurgique d'ArcelorMittal de Annaba, dans l'Est algérien, a été littéralement assiégé par plus de 5000 travailleurs dans la matinée du mardi. Paralysé depuis 24 heures par une grève générale, le complexe n'aura donc pas repris son activité. Les pressions juridiques voire politiques exercées de différents côtés n'ont pu venir à bout de la détermination du syndicat dirigé par Smaïn Kouadria et des 6.200 salariés du complexe. À l'origine, les salaires La section syndicale avait déposé une plate-forme de revendications au nombre desquelles figurait l'application de la convention de branche signée au mois de mai 2010 par la Fédération nationale des travailleurs de la mécanique, de la métallurgie, de l'électricité et de l'électronique (FNTMMEE) et la Société de gestion des participations de l'Etat. Pour Smaïn Kouadria, la croissance de la production du complexe rend absolument légitime la demande d'augmentation de salaire déposée par son organisation. Le directeur général du complexe, Vincent le Gouïc, admet de son côté que la production annuelle a augmenté pour atteindre 714.000 tonnes d'acier liquide. Mais il soutient que la prochaine négociation sur les salaires de l'entreprise est prévue fin 2010. Il s'avère donc inexact, selon lui, «que les augmentations prévues dans la convention de branche soient un droit». Le conflit s'étend Le complexe d'El Hadjar se trouve ainsi totalement paralysé. Cela se traduit également par un arrêt des exportations. C'est ainsi que 4.000 tonnes de fonte en gueuses qui devaient être exportées vers l'Espagne le 22 juin ont été bloquées au port de Annaba par les travailleurs d'ArcelorMittal qui travaillent dans ce port. Ceux-ci ont annoncé leur refus de décharger 35.000 tonnes de coke en provenance de Pologne dans deux bateaux attendus dans les prochains jours. Un éventuel pourrissement de la situation risquerait d'entraîner un arrêt de travail des salariés des gisements de fer de l'Ouenza et de Boukhadra qui alimentent le complexe à hauteur de 3 millions de tonnes/an. Ils ont d'ailleurs observé deux heures d'arrêt de travail en signe de solidarité. Graves accusations Au-delà de son aspect purement social, le litige est important, le syndicat accuse ArcelorMittal d'avoir cessé les investissements à compter de 2005, ce qui a entraîné l'arrêt de la cokerie depuis septembre 2009, du haut fourneau n° 1 depuis presque trois ans, de l'unité étamage et fer blanc depuis quatre ans et de la tuberie sans soudure depuis quatre mois. Smaïn Kouadria reproche également au géant mondial de l'acier d'avoir ramené les effectifs de sa filiale de 12.000 à 6.000 salariés. Le syndicat accuse par ailleurs ArcelorMittal de placer le complexe d'El Hadjar en situation de concurrence déloyale en important des produits sidérurgiques de ses autres usines dans le monde alors que le complexe est armé pour les produire sur place. Ainsi, «à l'usine El Hadjar, le coût de production de la billette revient à 460 dollars la tonne. La direction l'importe au prix de 660 dollars la tonne à partir de ses propres usines, notamment celles de Hambourg en Allemagne et de Roumanie. C'est un transfert pur et simple de capitaux». Cette pratique entraîne selon lui une «accumulation des dettes du complexe vis-à-vis du groupe qui s'élèvent actuellement à 150 millions» L'avenir du complexe en filigrane Or, l'accord de partenariat de dix ans avec ArcelorMittal arrive à terme en octobre 2011. Sera-t-il abrogé ou reconduit ? Telle est la question centrale qui tend de plus en plus à faire passer les revendications salariales au second plan, le problème fondamental étant de savoir si le complexe est viable, s'il intéresse réellement le géant mondial de l'acier implanté dans soixante pays, mais aussi l'Etat algérien à l'origine de sa création.