En visite au Maroc, la patronne du Fonds monétaire international (FMI) a ramené dans ses valises la nouvelle recette de l'institution de Bretton Woods pour les pays arabes. Le Maroc, en bon élève et «laboratoire» des politiques du Fonds en a eu la primeur. La recette ? Soutenir les PME, afin d'en faire un nouveau moteur de croissance et appuyer la classe moyenne pour une stabilité politique et sociale durable. En faisant escale au Maroc avant de se rendre à Amman en Jordanie pour une conférence sur l'avenir des économies arabes, Christine Lagarde n'est pas venue les mains vides. La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) a ramené dans ses valises la nouvelle recette concoctée par son institution pour donner un nouvel élan aux pays de la région. Invitée par le Conseil économique, social et environnemental, la patronne du FMI a gratifié le royaume de la primeur. En clair, «Les pays arables ont traversé tant bien que mal les turbulences du printemps arabe. Plusieurs pays de la région, le Maroc en tête, ont su répondre aux aspirations de leurs peuples en initiant un certain nombre de réformes. Maintenant, il s'agit de passer à une deuxième étape pour continuer à développer la stabilité financière et les réformes des systèmes enclenchés», a lancé d'emblée Christine Lagarde. Le Maroc, bon élève et «laboratoire» des politiques concoctées par les experts de l'institution de Brettons Woods, est cité en exemple. Mais avant de décliner sa «potion magique», un diagnostic s'impose. Etat des lieux Pour la patronne du FMI, la situation s'est beaucoup améliorée depuis l'enclenchement des réformes il y a 3 ans. Hausse des exportations, réduction du déficit budgétaire, augmentation des investissements publics... «Le Maroc est en train de recueillir les fruits des réformes engagées eu lendemain du printemps arabe. Et les progrès enregistrés sont impressionnants, parce que la conjoncture internationale n'était pas favorable», estime Lagarde. Cela dit, les acquis restent fragiles et les risques qui guettent cette évolution sont légion avec, en prime, des prémices de retour d'une conjoncture difficile en Europe. Au bout du compte, la stabilité économique et politique demeure le premier souci de la patronne du FMI, car «c'est le seul moyen d'instaurer un climat de confiance, nécessaire au développement d'une économie prospère». Les défis à relever demeurent donc de taille pour le Maroc et les pays arabes qui se trouvent dans la même posture. La région MENA reste sur un taux de croissance de 3%. Le Maroc reste en pole position avec des taux de croissance nettement plus élevé ces dernières années. Mais selon la patronne du FMI, le royaume peut faire mieux. Comment ? En agissant simultanément sur les deux volets, économique et social. Piliers centraux Selon la patronne du FMI, la stabilité sociale et la relance économique vont de pair. Sur ce registre, deux objectifs doivent être érigés en cheval de bataille: le renforcement du rôle des PME qui doivent constituer l'épine dorsale de toute économie, ainsi que le soutien de la classe moyenne. Une petite comparaison avec les pays d'Europe centrale est édifiante sur les marges à gagner en dopant les PME. Le nombre d'entreprises pour 100 habitants dans les pays arabes représente à peine le quart des sociétés en comparaison avec les pays d'Europe centrale. Pis encore, le constat est que le nombre d'entreprises qui opèrent dans l'informel est effrayant. Au Maroc, l'on estime à 30% le nombre des entreprises opérant dans l'informel. La conséquence: un manque à gagner pour l'Etat en termes de recettes, la qualité de l'emploi laisse à désirer, sans parler de l'innovation technologique... Cela a un effet néfaste sur la compétitivité, l'emploi et, in fine, les finances publiques. L'autre volet sur lequel il faut agir est d'ordre social. Pour l'ancienne ministre des Finances française, la classe moyenne est un gage de stabilité politique et sociale. D'ailleurs, «tous les soulèvements qu'a connus le monde arabe ont été sur instigation de la classe moyenne parce que cette frange de la population s'est beaucoup appauvrie ces dernières années», indique Lagarde. Et sur ce registre, le royaume est loin d'être un bon exemple: «la part des richesses de la classe moyenne s'est réduite en comparaison avec les années 1970 alors que le pays a enregistré des taux de croissance importants ces dernières décennies. Cela veut dire que les richesses ont été inégalement réparties», fustige la patronne du FMI. Pour elle, l'Etat doit garantir les facteurs d'ascension sociale, seule garantie d'une stabilité sociale. L'Etat, une «clé de voute» D'ailleurs, Christine Lagarde attribue à l'Etat de nouvelles fonctions. «L'Etat est très présent, dans des secteurs où il n'a pas à être normalement. À titre d'exemple, l'Etat prend en charge 90% des emplois, alors que le secteur privé fait travailler le reste. Cette proportion doit être inversée, parce que les finances publiques ne peuvent pas supporter une telle charge», estime la DG du FMI. Et d'ajouter: «Pis encore, dans la culture qui s'est installée au Maroc, la fonction publique est un idéal. Les jeunes préfèrent enchaîner les sit-in devant le Parlement pour décrocher un poste dans l'administration plutôt que de solliciter le privé. Cela ne conduit pas à dynamiser l'économie». Lagarde «conseille» à l'Etat de se retirer de certains secteurs et de s'engager dans d'autres: éducation, santé, soutien ciblé des populations.... En cela, il ne s'agit pas de réduire les dépenses, mais de les orienter afin qu'elles profitent à ceux qui en ont besoin.