Othman Khalil Elalamy Directeur adjoint à la DAPS. Les ECO : Avec un taux de sinistralité élevé sur les assurances «non vie», la rentabilité technique du secteur est souvent dépendante de la performance des placements sur les marchés financiers. Quel est votre appréciation de la situation ? Othman Khalil Elalamy : Tout d'abord, il importe de signaler que les ratios de sinistralité ont des tendances différentes selon les branches d'assurances. Certaines branches connaissent des ratios plus élevés que d'autres. C'est le cas notamment de l'assurance «accidents de travail», de l'assurance «accidents corporels» et de certaines sous catégories de l'assurance automobile (TPV). D'autres branches sont encore à des ratios de sinistralité maîtrisables. C'est le cas de l'assurance incendie, risques techniques etc. Pour les assurances qui connaissent des ratios de sinistralité très importants, le redressement devrait se faire principalement par le tarif. Dans ce cadre, il est à rappeler que la tarification en matière d'assurance est devenue libre pour l'ensemble des catégories d'assurances à partir de 2006 et donc l'application de tarifs suffisants est de la responsabilité des entreprises d'assurance. Il reste néanmoins à préciser que, pour les assurances obligatoires, les critères de tarification sont fixés par voie réglementaire et les entreprises d'assurance sont tenues de communiquer à l'Administration les tarifs qu'elles appliquent. Quels impacts aura la baisse du marché action sur la rentabilité et par ricochet sur la tarification des compagnies d'assurance ? Dans le contexte actuel et malgré la baisse des rendements financiers des placements des entreprises d'assurance, celles-ci continuent à réaliser des résultats nets satisfaisants. Au titre de l'exercice 2012, le résultat net réalisé par le secteur des assurances est de 3,11 MMDH. Rapporté aux fonds propres qui s'élèvent à 29,78 MMDH, ce résultat donne un taux de rendement avoisinant 10,4%. Ce taux reste encore important, ce qui signifie que le secteur des assurances dispose encore d'une marge de manœuvre avant de recourir à l'augmentation tarifaire. De plus, et eu égard au caractère très concurrentiel du marché de l'assurance, l'augmentation tarifaire dans l'état actuel des choses n'est pas chose aisée et reste donc un dernier recours. Les banques sont en train de converger vers le référentiel Bâle III. Qu'en est-il pour le secteur des assurances? Il est à signaler à cet égard qu'un projet de loi portant amendement du code des assurances a été mis dans le circuit d'approbation le mois dernier. Ce projet de loi prévoit, entre autres, l'instauration du principe de solvabilité basée sur les risques encourus par l'entreprise d'assurances et de réassurance. Les modalités de la mise en œuvre de ce principe seront fixées par voie réglementaire en concertation avec le secteur des assurances. Sur ce plan et même si la directive européenne «Solvency2» sera une référence pour nous, eu égard à l'étroitesse des relations de notre pays avec l'UE (poids dans les échanges, statut avancé...). Il faut préciser que le dispositif de la solvabilité basé sur les risques à mettre en place doit tenir compte des spécificités du marché marocain d'assurance et sa mise en application devra se faire de manière progressive et concertée. Quelle est la situation du contrat-programme relatif au secteur des assurances ? Les différentes mesures envisagées par le contrat-programme sont identifiées par le département ministériel et leur mise en œuvre a été entamée au lendemain de la signature de ce contrat. Toutefois, et eu égard aux changements qu'ont connus les différents départements avec la nomination du nouveau gouvernement, les discussions ont été momentanément interrompues en attendant l'installation de nouvelles équipes. Néanmoins et depuis la signature de ce contrat-programme, plusieurs mesures sont entrées en vigueur. Elles concernent essentiellement la révision de l'arrêté du ministre de l'Economie et des finances et de la privatisation n° 1548-05 du 6 ramadan 1426 (10 octobre 2005) relatif aux entreprises d'assurances et de réassurance pour introduire des modifications, portant notamment sur les règles prudentielles applicables aux assurances et sur la révision des méthodes d'évaluation des actions non cotées admises en représentation des provisions techniques, l'entrée en vigueur à partir de janvier 2013 de la convention d'indemnisation corporelle automobile directe des accidents corporels et la mise en place d'un médiateur en assurance à l'instar de ce qui est actuellement appliqué dans le secteur bancaire. À cet égard, les discussions sont très avancées sur un projet de convention qui sera signé très prochainement entre les entreprises d'assurances, l'instauration de l'obligation de certaines assurances de construction (Tous risques chantier et responsabilité civile décennale), l'élaboration d'un projet de dispositif relatif à l'assurance Takaful et d'un projet d'amendement du Code des assurances dont les principales nouveautés portent sur l'instauration du principe de la marge de solvabilité basée sur les risques, l'amélioration de la gouvernance des entreprises d'assurance et de leur transparence. Ces projets ont également été mis dans le circuit de l'approbation, etc... Quelles sont les mesures qui sont prévues pour l'année 2013 ? Les principales mesures prévues par le contrat-programme et qui seront entamées durant l'année 2013 concernent d'abord l'instauration de l'obligation d'assurance responsabilité civile pour les établissements recevant du public, l'amélioration des procédures d'expertise médicale et la normalisation des pratiques relatives à l'indemnisation des victimes. Les discussions sur cette mesure ont coïncidé avec l'ouverture du débat sur la réforme globale de la justice. Ces éléments seront étudiés dans ce cadre avec pour objectif de créer un nouveau dispositif légal plus juste et transparent pour l'ensemble des citoyens. Les mesures également prévues pour 2013 comportent l'encouragement du financement des priorités économiques. À cet effet, les discussions ont été entamées avec la direction générale des impôts (DGI) et ont porté sur les mesures proposées par le secteur des assurances pour l'encouragement de l'épargne à long terme. Le chantier de l'assurance maladie obligatoire est également à l'ordre du jour. L'objectif est de faire participer le secteur des assurances dans la conception et le déploiement du système de couverture de santé du royaume. Dans ce cadre, une commission sera constituée et aura en charge l'optimisation du déploiement de ce système. La dernière mesure qui sera entamée en 2013 est le renforcement de la formation du secteur. À ce titre une commission a été constituée pour l'élaboration d'un plan de formation du secteur à l'horizon 2015. Quelles sont les perspectives du secteur de l'assurance au Maroc ? Il importe de signaler qu'avec la crise enregistrée au niveau de plusieurs pays avec lesquels le Maroc entretient des relations économiques étroites, certains secteurs ont connu un fléchissement dans leur niveau de performance. C'est le cas notamment du secteur des assurances, qui a vu son taux d'évolution de chiffre d'affaires régresser pendant les années 2009 et 2010 en passant d'un taux à deux chiffres à un taux avoisinant 5% (4,5% et 5,7% respectivement). Cette évolution a connu une légère reprise en 2011 et 2012 puisque le taux d'évolution du chiffre d'affaires avoisine 9% (9,24% et 8,92% respectivement). Néanmoins, nous envisageons qu'avec la promulgation du projet de loi portant amendement du code des assurances qui instaurera l'obligation d'assurance tous risques chantier «TRC» et la responsabilité civile décennale «RCD», ainsi qu'avec la mise en place d'un cadre légal pour l'assurance Takaful, le secteur des assurances va enregistrer une progression remarquable en matière de chiffre d'affaires. Sur le plan prudentiel, la mise en place de la solvabilité basée sur les risques permettra aux opérateurs de ce secteur de bien maîtriser les risques qu'ils encourent et de disposer d'une solidité financière leur permettant de faire face à ces différents risques et de développer leur activité avec plus de sérénité. Le directeur des assurances a été nommé président du conseil d'administration d'Africa Re. Le continent africain présente une bonne opportunité pour les assureurs. Quelle valeur peut apporter cette nomination aux assureurs marocains? Tout d'abord, nous avons appris avec une grande satisfaction la nomination de notre directeur Hassan Boubrik en tant que président de l'Africa Ré, 1re société africaine de réassurance. Cette nomination montre la confiance dont jouit le Maroc, qui est très respecté sur la scène africaine. Rappelons que le marché marocain de l'assurance se classe 2e en Afrique en termes de primes émises derrière l'Afrique du Sud. Par ailleurs, il y a lieu de préciser que les opérateurs marocains de l'assurance ont commencé à s'intéresser aux opportunités offertes par le continent africain en matière de couverture des différents risques, même si l'Afrique est de plus en plus difficile à pénétrer du fait qu'elle devient un centre d'intérêt pour plusieurs hubs financiers tels que les places financières de la Turquie, de Dubaï et de Singapour. Au moins deux groupes marocains sont actuellement installés dans une vingtaine de pays africains, soit à travers l'achat d'entreprises d'assurance déjà existantes, soit par la création de nouvelles entreprises, suite aux agréments obtenus. Même si l'Afrique reste en retrait par rapport aux autres continents en matière d'assurance et notamment en ce qui concerne le taux de pénétration, les perspectives de développement de ce continent sont extrêmement prometteuses et indubitablement, le secteur des assurances accompagnera ce développement, d'où l'intérêt pour les entreprises marocaines d'être présentes sur le continent africain pour l'accompagner dans son développement en partageant leur savoir-faire et leur expérience.