Après son exposition réussie à la galerie casablancaise Venise cadre, Ahmed Jaride part à Rabat pour investir les cimaises de la galerie Bab Rouah, avec ses nouveaux travaux. Fidèle à son style, il donne à voir l'originalité de son procédé et la particularité de ses matériaux. Après une époque du noir, marquée par une grande réflexion, l'artiste peintre vit pleinement sa nouvelle époque lumineuse, celle du blanc. Ses tableaux aux allures de terres labourées témoignent d'une absence de couleurs bien assumée. L'art de Jaride va au-delà des explosions chromatiques, pour toucher l'âme, le cœur même de l'œuvre. La créativité est ailleurs chez cet artiste mystique. Elle est dans la matière. En archéologue minutieux, Jaride insuffle la vie à ses œuvres à coup de pinceau ou de couteau. Tel un être vivant, la matière palpite, se métamorphose et prend du relief pour dévoiler toute la profondeur de la pensée de Jaride. La couleur qui s'invite discrètement sous forme de traces minimalistes, n'est en fait qu'une piste, un indice de plus, nous guidant dans cette quête artistique et spirituelle. «Je passe mon temps devant ma toile à décortiquer les phrases picturales, à retrancher et à me débarrasser de superflu chromatique, pourvu que je déniche quelques traces ou détecte des empreintes», nous explique l'artiste. Une complexité plus profonde Mais il ne faut pas se leurrer pour autant ! Derrière le minimalisme chromatique apparent, se cache bien une complexité plus profonde. En plus de la «géographie» impressionnante des tableaux, Jaride s'ingénue à planter ici et là des lettres, arabes et latines. Furtives certes, mais qui en disent long sur les différentes influences ayant façonné l'œuvre du peintre. Est-ce une façon de rendre hommage aux maîtres qui ont éclairé, par leurs sages paroles, sa voie vers la pensée mystique? En tout cas, surprendre ces «o», «t» ou «houwa» au fil des œuvres, ravive la curiosité, tout en créant une dynamique autre. Le descriptif des tableaux de Jaride serait également une autre façon de surprendre. «Craie, café, brou de noix, charbon... sur pain»... c'est là qu'on découvre la grande fascination de Jaride pour les matériaux naturels. «Il n'y a rien de plus réellement artistique que la nature. Ma fascination pour les matériaux naturels vient du fait que je cherche à exprimer une certaine fragilité de l'être», dira-t-il tout simplement ! Pour lui, seuls les pigments végétaux et minéraux laissent entrevoir toute la subtilité, la limpidité et la sincérité qu'il veut communiquer à travers ses choix esthétiques. En peintre mystique, Ahmed Jaride fait de l'art sa façon de «percevoir l'impalpable et de voir l'invisible», résume-t-il avec philosophie.