À l'heure où nous mettons sous presse, nous ne savons pas encore si le projet de loi de finances sera déposé ce jeudi au Parlement. En fait, depuis quelques semaines, le terme du délai légal, que beaucoup croyaient être le 20 octobre, a pesé de son urgence sur les travaux du Conseil de gouvernement tenu hier mercredi et qui avait à l'ordre du jour le dépôt du projet de loi de finances lors de la session ordinaire qui se tient en ce moment. «Le délai légal du dépôt du projet de loi de finances est le 22 octobre et non le 20 octobre», précise Khalid Naciri, ministre de la communication et porte parole du gouvernement qui soutient que le projet sera remis au Parlement avant ce délai. Cela correspond au délai légal de 70 jours avant la clôture de l'exercice fiscal le 31 décembre. Dans les faits, le gouvernement a donc jusqu'à samedi pour effectuer ce dépôt. D'ailleurs, une source proche du dossier laisse entendre que le projet de loi de finances ne sera effectivement déposé que demain vendredi. Toujours est-il que ce dépôt est imminent et surtout que jamais projet de loi de finances n'aura été autant sujet aux supputations et aux rebondissements. Le dernier date d'hier où l'on a appris qu'en Conseil de gouvernement, la mouture initiale du texte a connu une modification de taille. Exit le fonds de solidarité sociale ! Ce qui représentait la mesure phare du projet de loi de finances 2012 passe donc à la trappe, avec toutes les taxes qui y étaient liées, y compris la taxe sur le ciment. «Ces mesures vont être ajournées et laissées à l'appréciation du prochain gouvernement», défend une source officielle. Les lobbys qui ont mené bataille contre ces mesures ont donc finalement eu gain de cause. Le veto des lobbys En effet, ce fonds de solidarité qui devait être doté d'un budget de 2 milliards de dirhams s'est littéralement transformé en fonds de la discorde, eu égard à son mode de financement. Les banques, les assurances ainsi que les opérateurs de télécommunications devaient être significativement mis à contribution à travers des taxes de solidarité. On comprend donc aisément que ces derniers se soient rangés en ordre de bataille pour faire barrage à cette contribution forcée. Il est encore plus aisé de comprendre que le gouvernement, en fin de mandat et surtout en proie aux divisions de la majorité qui le forme, ait capitulé. En fait, ce recul n'est pas sans rappeler celui qui a marqué le dépôt du projet de loi de finances lui-même, il y a moins d'un mois. En effet, le 20 septembre dernier, le projet de loi de finances a été adopté en Conseil de gouvernement. Le lendemain, il était déposé au Parlement, qui tenait alors sa session extraordinaire. Puis, coup de théâtre, le projet avait été retiré le jour même. Depuis, le flou a régné en maître sur les tenants de ce dossier brûlant. La majorité semblait même péricliter vu les divergences d'opinion qui se sont alors faites jour. Une commission a ensuite été formée pour sauver la face. L'hypothèse d'une mouture minimaliste s'est imposée peu à peu, dans le souci de ne pas hypothéquer la marge de manœuvre du prochain Exécutif. Finalement, de minimaliste, la mouture déposée se sera surtout épurée d'un fonds de solidarité encombrant vu le contexte. Le reste des mesures serait resté inchangé, à en croire les sources officielles. «Il n'y a pas de changement dans les orientations du projet de loi de finances», argue Khalid Naciri. Il aurait difficilement pu en être autrement, vu que ces orientations doivent être validées en conseil des ministres présidé par le roi. Surtout, comment imaginer une loi de finances amputée des budgets consacrés à la multitude de chantiers en cours et notamment les plans sectoriels. De fait, même les autres mesures nouvelles ont été épargnées par le toilettage d'urgence que le projet a subi. Ainsi, à titre d'exemple, le porte-parole du gouvernement explique que les mesures visant la création de 26.000 emplois seront maintenues. On est tenté de faire la nuance entre une loi de finances minimaliste, telle que certains la pronostiquaient et une mouture finalement tout juste épurée de sa mesure phare. «Le gouvernement avait l'obligation de déposer le projet de loi de finances dans le délai légal. Maintenant, la balle est dans le camp du Parlement», argue Khalid Naciri. Qui votera la loi de finances ? La question qui se pose donc désormais est d'une autre teneur : Le Parlement actuel pourra-t-il voter cette loi de finances ? Si les avis divergent à ce sujet, ils s'accordent à dire que le timing est trop serré pour que l'assemblée actuelle puisse boucler le circuit et arriver au vote avant la séance de clôture de la session d'automne, prévue pour la veille des élections législatives anticipées, le 24 novembre. En effet, le projet doit passer par les différentes commissions parlementaires, pour ensuite être débattu en plénière. Cela semble d'autant moins aisé que la plupart des parlementaires seront forcément occupés à mener campagne dans leurs fiefs en vue d'être réélus. Il faut aussi rappeler que la loi organique des finances n'a pas encore été votée. Le scénario le plus probable serait donc que le Parlement actuel entame une procédure qui ne sera vraisemblablement bouclée que par la prochaine assemblée. Cela a le bénéfice de donner aux prochains élus ainsi qu'au prochain gouvernement toute la latituded'en modifier le contenu, afin qu'il soit en ligne avec la politique générale du nouveau chef de gouvernement. Le projet de loi de finances n'en est donc pas à son dernier rebondissement et marquera de son emprunte la prise de fonction du nouveau gouvernement et pour nos prochains parlementaires, tout porte à croire que le projet de loi de finances représentera leur baptême du feu.