Après s'être mesuré à Shakespeare et à son songe d'une nuit d'été dans le documentaire de Sonia Terrab «Shakespeare Al Bidaoui», Ghassan El Hakim continue les défis en s'attaquant à l'œuvre de Mohamed Khaïr-Eddine. L'homme de théâtre marocain a présenté «Le déterreur» le 14 janvier, à la Salle Gérard Philippe de Rabat. Se mesurer aux plus grands ou rien, telle est la philosophie du comédien et metteur en scène Ghassan El Hakim, lauréat de l'ISADAC, l'Institut supérieur d'art dramatique et d'animation culturelle à Rabat et du Conservatoire national d'art dramatique de Paris. Pièces modernes ou grands classiques, cet homme de théâtre marocain et engagé est un oiseau libre qui peut passer du Théâtre du soleil dans «Croisades», une pièce de Michel Azama avec la compagnie israélo-palestinienne Majaz ou monter «Le suicidé» de Nicolaï Erdman en organisant une tournée dans des garages au Maroc. Vendredi dernier, à la salle Gérard Philippe de Rabat, il a repris un classique de la littérature marocaine francophone : l'œuvre d'un artiste «qui fait voler en éclats la plupart des dogmes littéraires». «Le déterreur», paru en 1973, est un roman écrit par Mohammed Khaïr-Eddine, auteur marocain francophone, «inclassable, génial, iconoclaste, méconnu en France bien qu'il ait écrit huit autres romans, tous publiés aux éditions du Seuil». «Le Déterreur» est une oeuvre littéraire majeure qui n'a jamais encore été adaptée pour la scène. Tous ses textes ont été écrit en français, qui n'est pourtant pas sa langue maternelle (le berbère du sud marocain). Il a découvert le français à l'adolescence avec notamment Mallarmé, Rimbaud, Baudelaire... Il s'est approprié la langue de ces grands poètes pour inventer la sienne. À la fois récit autobiographique et fiction hallucinée, pamphlet politique et poétique, «Le Déterreur» raconte les souvenirs, les angoisses, les rêves, d'un homme emprisonné pour avoir déterré des morts afin de les manger et qui attend sa sentence au fond d'un cachot peuplé de rats. Une mise en scène et scénographie de Cédric Gourmelon qui propose de «construire un spectacle qui ne transige pas, mettant en scène un seul acteur incarnant la subtilité poétique et la force de révolte de l'auteur».