Avec l'ouverture du Morocco Mall à Casablanca, dont il est inutile de rappeler qu'il est désormais accessible au grand public, les franchiseurs de tous les secteurs se frottent les mains... et ils ne sont pas les seuls. Les professionnels de la détaxe, au nombre de deux au Maroc, ne pourraient être plus enthousiastes. Loin de considérer le marché marocain de la détaxe comme rodé, ils espèrent au contraire que l'arrivée du «plus grand centre commercial d'Afrique» dynamisera un secteur au demeurant plutôt moribond. Pour rappel, la possibilité pour les visiteurs résidant à l'étranger venus au Maroc de se faire rembourser la TVA sur leurs achats effectués pendant leur visite remonte à 2008, et ce depuis l'application d'un décret publié au Bulletin officiel du 1e janvier 2007 modifiant le Code général des impôts. Suite au lancement d'un appel d'offres par la Direction générale des impôts (DGI), les deux prestataires choisis pour ce segment étaient le suédois Global Blue et l'irlandais Premier Tax Free. Bien que les chiffres ne soient pas publics, les deux prestataires ont accepté de nous délivrer séparément leurs propres indicateurs, une façon de sonder le marché. Bataille de chiffres Ainsi, d'après les chiffres fournis par Saad Sefrioui, administrateur-DG de Morocco Tourist Refund, ce dernier aurait réalisé un chiffre d'affaires de 2,65 MDH à fin novembre dernier, représentant la commission de 3 à 5% qu'il s'adjuge suite au remboursement de la TVA. Au final, cela correspond à un volume d'achat avant détaxe de 88 MDH. Toujours à fin novembre de cette année, la société Premier Tax Free a traité près de 6.000 bordereaux de remboursement. Pour sa part, Global Blue en aurait traité environ 4.000. Pour Jean-Marc Leroy, consultant au sein de Global Blue, «en nombre de transactions, le marché marocain de la détaxe se répartit à 60/40 entre notre concurrent et nous». «En valeur, nous sommes plutôt à égalité», poursuit Leroy. Quant au montant du panier moyen, il varie de 10.000 DH à 15.085 DH. L'écart continue lorsqu'il s'agit de regarder de près le nombre de boutiques affiliées à l'un et à l'autre. Alors que Global Blue déclare un «portefeuille» d'environ 900 commerçants, Premier Tax Free est en tête de course avec 1.526 magasins affiliés. Néanmoins, les deux entreprises s'entendent en tout cas pour dire que la moitié des remboursements sont effectués au profit de visiteurs français ou de Marocains résidant à l'étranger (MRE). Suivent, dans ce classement, les visiteurs sub-sahariens, du Moyen-Orient et du reste de l'Europe. De la même façon, Casablanca, Marrakech et Rabat forment le trio de tête du plus grand nombre d'enregistrements de bordereaux chez les deux prestataires. «Nous avons connu une très bonne croissance cette année, conformément à nos objectifs. Notre service de détaxe est maintenant vulgarisé dans le monde du shopping au Maroc», se réjouit Sefrioui. Pour autant, Leroy n'est pas d'accord. «Il est normal quand on part de zéro d'afficher des taux de croissance phénoménaux», confie-t-il. «Mais le potentiel du Maroc va bien au-delà de ces quelque 10.000 bordereaux», conclut-il. Jean-Marc Leroy, Consultant auprès de Global Blue. «Le service détaxe n'a pas été pris en main» Les Echos quotidien : À la lumière du marché de la détaxe en France, que vous connaissez très bien, comment estimez-vous le marché marocain ? Jean-Marc Leroy : Le service est présent. Néanmoins, il n'a pas été pris en main, aussi bien par les prestataires que par les commerçants. Le marché est aujourd'hui sous-exploité. 9 millions de touristes visitent le Maroc chaque année. Ils sont tous éligibles à la détaxe, même les MRE. En France, 70 millions de touristes génèrent près de 2,5 millions de bordereaux auprès des deux sociétés sur le marché, alors même que les autres Européens sont exclus de la détaxe. Proportionnellement parlant, le Maroc devrait donc enregistrer au moins 200.000 bordereaux. Or, nous en sommes très loin. Comment expliquez-vous cette sous-exploitation du service ? Ce n'est pas une question d'offre car les enseignes du luxe et de l'habillement sont aussi présentes qu'en France. Tout le monde a ses responsabilités. Il n'y a pas assez de communication, que ce soit dans les hôtels, les spots publicitaires invitant à visiter le Maroc ou les aéroports marocains où la signalisation est carrément absente. On ne se sert pas de cet argument. De plus, je considère que le minimum d'achats pour bénéficier de la détaxe, fixé à 2.000 DH, est trop élevé. La DGI a convenu que ce minimum allait baisser. Enfin, il faut former les commerçants, affiliés ou non, qui vivent ça comme une corvée. Quelle est la stratégie de développement de Global Blue au Maroc ? Je ne peux pas en dire plus mais nous allons changer de stratégie. Nous allons mettre en place la même qualité de service que Global Blue délivre à l'international et qui en fait le leader mondial de la détaxe, avec 80% du marché. Nous sommes convaincus que le Morocco Mall va faire bouger le marché. Point de vue Saad Sefrioui, Administrateur-DG de Premier Tax Free. Pour nous, l'ouverture des malls est très importante. Nous avons déjà un partenariat au niveau marketing avec Al Mazar, qui est devenu un lieu de shopping incontournable à Marrakech. L'ouverture du Morocco Mall est un élément très important pour le développement du shopping au Maroc. Il va faire du pays un hub du shopping et notre service de détaxe est un outil fondamental dans le processus de shopping. C'est une valeur ajoutée pour le Maroc par rapport aux autres pays d'Afrique et du Moyen-Orient. Sans oublier les Espagnols ou les Français qui ne peuvent pas bénéficier de la détaxe dans leur déplacement en Europe. C'est pourquoi nous avons d'ores et déjà ouvert un desk d'information au Morocco Mall. Nous avons également l'exclusivité des magasins et avons développé un vrai partenariat car nous avons le même objectif, celui de faire du Maroc une plateforme du tourisme mondial.