Encore une fois, la question des droits de l'homme et les recommandations de l'Instance équité et réconciliation (IER) refont surface. Quatre ans après la présentation, le 30 novembre 2005, du rapport final de cette instance au Roi Mohammed VI, l'AMDH n'a pas manqué d'émettre un communiqué où elle émet des réserves sur le dossier des violations des droits de l'homme. Plus encore, l'association conteste la légitimité du Conseil consultatif des droits de l'homme (CCDH) sur ce dossier. Pour Khadija Ryadi, présidente de l'AMDH, ce dernier «n'a pas le pouvoir, ni la compétence pour appliquer les recommandations de l'IER». Ahmed Herzenni, le président du CCDH est directement visé ! En fait, selon l'AMDH, l'approche du traitement de ce dossier est restée fragmentaire et les recommandations finales de l'IER que présidait feu Driss Benzekri ont été vidées de leur «sens positif». Plus encore, l'association considère que le CCDH n'a jamais consenti à désigner du doigt les responsables au niveau des institutions de l'Etat, qui ralentissent sciemment ou non l'application des recommandations de l'Instance. Pour étayer son propos, l'association cite le cas de l'affaire Ben Barka, une affaire qui reste en suspens depuis 40 ans et où l'Etat doit lever le voile sur les informations qu'il détient. De plus, elle considère que le vide juridique actuel fait, qu'aujourd'hui encore, le pays assiste à des violations graves, contraires aux droits universels. Les exigences de l'AMDH En fait, dans son dernier communiqué, l'AMDH n'y est pas allé de main morte et ce qu'elle exige pour la résolution de ce dossier repose essentiellement sur quelques fondamentaux, notamment le devoir de révéler l'ampleur des violations, leurs résultats et leurs conditions, tout en fixant les responsabilités dans leur perpétration : responsabilité des individus et des appareils exécutifs de l'Etat impliqués. Sur ce volet, Khadija Ryadi ne comprend pas «pourquoi l'impunité sévit toujours, alors que la poursuite judiciaire des responsables des violations graves est plus que primordiale sur ce dossier». Pour rappel, et dès l'annonce de la décision de créer l'IER en 2003 sur la base de la plateforme élaborée par le CCDH, l'AMDH avait annoncé la couleur : la création de l'IER est une initiative positive, Néanmoins, pour l'association, l'approche de l'IER «comporte des insuffisances essentielles qui ne permettront assurément pas la clôture du dossier des violations graves, une fois les travaux de l'IER achevés».D'ici le prochain «anniversaire» de la remise du rapport de l'IER, le CCDH aura sûrement son mot à dire... Le dossier reste ouvert La position de l'AMDH sur les violations des droits de l'homme n'a pas réellement changé. Comme l'annonçait, il y'a plus d'un an, Abdelahamid Amine, «le processus de règlement du dossier des violations graves des droits humains par l'Etat, y compris celle de l'IER, reste incomplet, pas seulement du point de vue de l'AMDH, mais pour l'ensemble des victimes et des mouvements des droits humains, et pour l'Etat lui-même qui n'a pu déclarer sa clôture». Pourquoi ? Pour le vice-président de l'AMDH, ce dossier reste ouvert à plus d'un titre : le CCDH continue encore à prendre en charge ce dossier. De plus, les récentes violations des droits de l'homme, notamment la répression des libertés d'expression (presse, rassemblements, manifestations, activités syndicales,...) ne démentent pas l'idée que les institutions de l'Etat n'augurent rien de bon sur ce dossier. Selon l'AMDH, l'action pour le règlement du dossier des violations graves doit aller dans le sens d'une redynamisation de l'instance de suivi des recommandations et surtout œuvrer à son élargissement à d'autres organisations des droits humains. Le CCDH fuit ses responsabilités Les Echos : Qu'est-ce qui justifie la sortie de l'AMDH en ce moment précis ? Khadija Ryadi : Notre communiqué fait suite à une évaluation globale de la situation des droits de l'homme, quatre années après la présentation du rapport final de l'Instance équité et réconciliation (IER, ndlr) au Roi Mohammed VI. Quelle est votre position par rapport au CCDH ? Le CCDH n'a ni la compétence, ni le statut et encore moins le pouvoir pour appliquer les recommandations de l'IER. Nous l'avons déjà dit et répété et le communiqué de l'année dernière du bureau central de l'AMDH en est d'ailleurs la preuve. En fait, le CCDH fuit ses responsabilités et à aucun moment il n'a osé désigner, de manière directe, les instances qui ralentissent l'application de ces recommandations. Considérez-vous que les instituions de l'Etat n'ont pas suivi à la lettre les recommandations de l'IER? Les institutions législatives et exécutives du pays sont les premiers responsables de ce dossier. On ne peut résoudre la question de «l'impunité», s'il n'y a pas de volonté politique qui suit. Et je suis certaine que pour la plupart des recommandations, notamment sur certains points d'achoppements comme «le pardon de l'Etat», les associations des droits de l'homme qui adhèrent à notre position ne sollicitent rien de plus que cette même volonté.