«Les journées internationales ne servent à rien, on parle de vous pendant une journée, après vous retombez dans l'oubli». Le ton est donné. Ni en colère ni résignée, Fatima Lemrini Elouahabi parle de son handicap avec beaucoup de lucidité. «J'ai eu la poliomyélite à six mois, ça ne m'a pas empêchée de suivre mes études de médecine et d'être à mon compte aujourd'hui. Mais, il y en a d'autres avec des handicaps lourds qui, eux, ne peuvent rien faire de tout ça. » Pour elle, malgré quelques améliorations, le bilan est plus que mitigé. «Ce qui a changé ce n'est pas tant le regard des autres, c'est le regard des handicapés sur eux-mêmes. On n'est plus à l'époque où on cachait les handicapés des voisins. C'est grâce notamment aux associations d'aide aux handicapés», nous explique celle qui a été à la tête de l'association marocaine des déficients moteurs. Plus de tabous... et encore Pour elle, le point noir ce sont les lois qui ne sont pas appliquées. En effet, le 10 décembre 2008, le Roi Mohammed VI annonçait la ratification de la Convention internationale sur la protection des personnes handicapées. Cette ratification est effective depuis avril de cette année. Il aura fallu trois ans pour que le Maroc, parmi les 20 premiers signataires de la convention en 2006, se décide à ancrer concrètement la convention dans son corpus juridique. «Depuis mars 2008, le ministère du Développement social, de la famille et de la solidarité a lancé un débat national sur le projet de loi concernant les personnes handicapées. En février 2009, suite à ce débat, notre département a déposé un projet de loi au Secrétariat général du gouvernement. Il nous est revenu avec des suggestions que nous avons prises en compte, le texte a été modifié et sera présenté au prochain Conseil de gouvernement», nuance Rachid El Guenouni, directeur de la prévention et de l'intégration sociale des personnes handicapées au sein du ministère. Il était temps. «Sortir est un calvaire. Rien n'est pensé pour les handicapés. Il n'y a pas de rampe d'accès au niveau des administrations, les trottoirs n'en parlons-pas et avez-vous déjà remarqué un quelconque feu rouge sonore au Maroc?», s'indigne Elmrini. Des chiffres vieux de cinq ans 5,12% des Marocains seraient touché, selon les estimations du département concerné, mais qui datent de 2004 . El Guennouni se défend en disant que « lors du prochain recensement, il y aura une question sur le handicap. C'est vrai qu'avant 2004 jamais la question du handicap n'avait été prise en compte. Nous n'avions aucune statistique nationale sur le handicap ». Les chiffres de 2004 font état de plus de 1.500 000 personnes handicapées au Maroc, une famille sur quatre serait directement touchée. Handicap International Maroc se mobilise Cette ONG a la particularité de ne pas agir directement auprès des handicapés afin de ne pas se substituer à ses partenaires locaux. C'est donc avec les acteurs marocains qu'opère l'organisation, afin d'aider ces derniers à renforcer leurs capacités. Handicap International travaille sur trois axes principaux : le développement de services de proximité pour favoriser l'insertion des personnes handicapées, le renforcement des capacités des professionnels médicaux, sociaux et éducateurs, et la mobilisation de tous les acteurs locaux pour favoriser la participation sociale des handicapés. Leur projet « accompagnement au projet de vie des Personnes en Situation de Handicap» s'étale sur la période 2008-2011. En collaboration avec l'Amicale marocaine des handicapés, l'objectif n'est pas de prendre en charge l'handicapé, mais de lui laisser le libre choix de son projet de vie. Pour la journée internationale du handicap, l'ONG va signer un accord cadre avec le ministère de Nouzha Skalli.