L'exercice du pouvoir change les hommes politiques, dit-on ! À l'évidence, le Chef du gouvernement semble bien parti pour faire exception à la règle. La preuve, en dépit de ses nouvelles responsabilités, Abdelilah Benkirane a conservé l'essentiel des attributs que la presse lui prêtait lorsqu'il était dans l'opposition. Tribun hors pair et adepte des «shows médiatiques», le successeur d'Abbas El Fassi ne laisse jamais indifférent à chacune de ses sorties. Une stratégie qui lui sied à merveille même si, sur certains aspects, l'homme a changé de style et pas seulement à l'égard du port de la fameuse cravate devenue, désormais, une pratique courante à laquelle il semble s'accommoder. Très zen lors de ses apparitions publiques, notamment, lors de la réception des personnalités étrangères, il continue à cultiver les allures d'un homme politique attaché à ses racines, comme il aime l'annoncer à chaque occasion, donnant comme exemple le fait qu'il loge toujours chez son épouse, ou dévoilant dans un quotidien de la place les émoluments qu'il a perçus en trois mois de fonction. Seul changement notable, le Chef du gouvernement s'est manifestement assagi à l'épreuve de l'exercice de ses nouvelles responsabilités. Aux antipodes des critiques virulentes qui constituaient sa marque de fabrique au temps où il était dans l'opposition, Benkirane tient désormais un langage assez modéré, essayant de jouer les médiateurs, quand il le faut, et n'hésitant pas à reconnaître : «les dérapages incontrôlés inutiles» de certains de ses ministres, qu'il n'hésite pas à «rappeler à l'ordre». Même si en de rares occasions, il se fait fort de renouer avec son passé, comme c'était le cas lors de la présentation de sa déclaration de politique générale, lorsqu'il s'en était pris à l'opposition, ou lors d'une conférence de presse, au cours de laquelle, il avait fustigé le comportement «d'une certaine presse électronique». Evaluant le travail de son équipe au sortir du Conseil du gouvernement de ce jeudi, Abdelilah Benkirane a affirmé que «le gouvernement travaille dans des conditions confortables et en parfaite harmonie, soulignant que les divergences qui peuvent surgir entre ses composantes peuvent être surmontées dans un esprit de fraternité». Un nouveau style pour l'homme qui s'est toujours fait remarquer par un discours direct et sans concessions. Une valeur qu'il aurait bien fait de transmettre à certains de «ses ministres qui agissent encore comme s'ils étaient dans l'opposition en multipliant les critiques au lieu d'agir», souligne un spécialiste en marketing politique. Point de vue Mohamed Horani, Président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM). Nous avons un gouvernement qui est sorti des urnes et, depuis le 6 mars dernier, nous avons signé pour la première fois au Maroc un engagement pour un partenariat public-privé responsable. Tous ces éléments font qu'aujourd'hui nous sommes très confiants. Bien entendu, nous devons continuer à travailler ensemble, guidés par des objectifs communs. Ce que nous avons, d'ailleurs, souligné dans la convention qui comporte des objectifs clairs. Maintenant l'heure est au travail afin d'opérationnaliser ces engagements, tout en étant conscient que la tâche du gouvernement n'est pas facile, y compris pour nous. Ce n'est pas pour trouver au gouvernement des excuses, mais juste réitérer la nécessité de multiplier les efforts et poursuivre les réformes. Il y a de grandes difficultés en ce moment, en raison de la situation critique de l'économie mondiale, principalement chez nos partenaires. Il y a, de plus, de grandes attentes sociales chez nos citoyens, ce qui est légitime. Un ensemble de facteurs conjugués à la situation agricole inquiétante cette année, engendrent beaucoup de contraintes. Nous sommes conscients mais nous croyons également en notre capacité à pouvoir relever ces défis. Nous allons assumer, pour notre part, nos responsabilités en continuant à jouer notre rôle de force de proposition, sans confrontation ni complaisance sur les priorités et les orientations stratégiques du pays.