Leila Myara Berrada; Nouvelle présidente de l'AFEM Les Echos quotidien : Comment évaluez-vous l'AFEM aujourd'hui et comment évaluez-vous le poids de l'association dans le monde des affaires ? Leila Myara Berrada : Tout d'abord, je tiens à rappeler que l'Association des femmes entrepreneuses marocaines (AFEM) a été créée en 2000, comptabilisant aujourd'hui 12 années d'existence, à l'issue desquelles l'association est devenue un interlocuteur incontournable pour les pouvoirs publics, les centres de décision et les opérateurs économiques. Pour y parvenir, l'AFEM a dû traverser plusieurs étapes, durant lesquelles chaque présidente a apporté sa pierre à l'édifice. Aujourd'hui, en devenant la quatrième présidente de cette organisation, je m'inscris dans la droite ligne des femmes qui ont cru dans les capacités des femmes et leur énergie, à une époque ou il n'y avait qu'une poignée de femmes aux commandes d'entreprises. Pour revenir à l'association en tant que telle, les 500 membres qui la composent témoignent justement de son influence dans le monde des affaires. Toutes ces femmes sont là pour véhiculer leurs doléances, défendre leurs intérêts. À titre indicatif, les femmes siègent aujourd'hui dans beaucoup de conseils d'administration de grandes entreprises et d'institutions, telles que CGEM, AMDI, ANAPEC. Comme vous pouvez le constater, le terrain est balisé. Quels objectifs se fixe l'association dans le contexte actuel ? Comme vous le soulignez, le Maroc traverse en effet une époque charnière de son histoire, avec l'avènement d'un nouveau gouvernement, la mise en œuvre de stratégies et de programmes nationaux, de chantiers structurels, sans oublier la conjoncture internationale. À l'AFEM, nous pensons que le grand défi est de bien pouvoir monitorer et piloter tout cela. Dans ce cadre, la femme doit se repositionner pour trouver sa place, se distinguer, être un acteur incontournable et un vecteur de développement économique. Plus concrètement, la mission de la femme sera d'encourager les femmes à créer des entreprises et améliorer la performance, ainsi que la compétitivité des entreprises existantes. Le contexte est, je tiens à le souligner, assez difficile. Bien que la Constitution ait mis l'accent sur la parité hommes/femmes, rien n'est encore concrétisé. Pire encore, nous avons même constaté une régression aux dernières législatives et lors de la nomination aux postes ministérielles avec une seule femme au gouvernement. Cependant il n'y a pas que du négatif puisque l'élection de Meriem Bensalah à la tête de la CGEM est très rassurante quant au statut de la femme et à son implication dans la société. Comme vous devez sans doute le savoir, la nouvelle patronne des patrons est membre fondatrice de l'AFEM et nous espérons avoir plusieurs synergies à créer dans ce sens. En parlant d'élections justement, vous êtes candidate unique tout comme Meriem Bensalah il y a quelques semaines... En fait, je n'étais pas tout à fait seule dans la course. Il y avait d'autres candidatures pour finalement parvenir à un consensus à l'image de ce qui s'est passé à la CGEM récemment. Mais ce que je souhaiterais souligner, c'est que ma candidature est à mon sens un peu légitime, dans le sens où j'ai gravi tous les échelons de l'AFEM après l'avoir intégrée en 2011. J'ai depuis ce jour œuvré sans relâche dans toutes les commissions, j'ai été mentor dans le bureau précédent et j'ai accompagné la secrétaire générale dans toutes ses missions. J'ai par la suite décroché le poste de SG chargé de développement, un poste transversal qui touche à plusieurs domaines. En me présentant j'ai pris en compte toutes les considérations de disponibilité et de sacrifice que le poste de présidence requiert. D'ailleurs, je tiens aussi à souligner que j'ai eu le soutien et les encouragements de Soraya Badraoui, actuelle présidente de l'AFEM. J'ai eu l'occasion durant l'exercice de mes fonctions au sein de l'association de m'enquérir de tous les dossiers, en plus du système de management de qualité que je pratique depuis 3 ans ce qui conforte ma candidature. Quelle stratégie de développement comptez-vous suivre ? Ce que je peux d'ores et déjà affirmer, c'est qu'il y aura une continuité dans le travail entrepris depuis des années. À titre d'exemple, nous allons renforcer les projets en cours, tels que ceux attenant à l'incubation de 200 jeunes femmes entrepreneuses dans les différentes régions du royaume. Si nous voulons parler de rupture, celle-ci se traduira davantage dans notre mode d'action, puisque j'estime que dans le contexte actuel, rien ne doit plus se faire sans nous et aucune décision ne doit être prise sans nous. Plus concrètement encore, la communication sera un des axes stratégiques de notre travail à l'AFEM. D'après les statistiques, les femmes constituent 12% des chefs d'entreprise (15.000) et c'est donc un désquilibre qui nous pousse à améliorer notre attractivité, à proposer des projets innovants et singuliers. La première mesure sera de proposer un guichet unique pour aider les femmes à gagner d'autres marchés, améliorer leurs performances, décrocher des financements, accéder à des informations fiables par rapport aux programmes nationaux mis œuvre. Dans un deuxième temps, nous souhaitons orienter les entreprises vers la voie de l'innovation, notamment dans le green business, les nouvelles technologies, l'offshoring. Vous parliez d'incubation dans plusieurs régions. Est-ce là une stratégie régionale que suit l'association ? Tout à fait. Nous envisageons de mettre en place un programme d'accompagnement de la régionalisation avancée. Actuellement, l'AFEM compte 7 bureaux régionaux et nous devrons à l'avenir nous mobiliser davantage pour dynamiser nos différentes représentations à travers le pays. Toujours dans cette optique, nous prévoyons de créer de nouvelles synergies avec les unités régionales de la CGEM et les acteurs locaux pour stimuler la création d'entreprises avec à leur tête des femmes. Rappelons que notre principal objectif reste l'amélioration de la représentativité de la femme aux postes de décision, ainsi que l'aider à s'ériger en force de proposition. Les chantiers de la nouvelle présidente Hier, l'association marocaine des femmes chefs d'entreprises tenait son assemblée générale à Casablanca. Affairées, elles l'étaient car il s'agissait de procéder à la nomination de la nouvelle présidente de l'AFEM. Candidate unique, c'est finalement Leila Myara Berrada qui succédera à Soraya Badraoui aux commandes de l'Association et ce, pour un mandat de trois ans. Celle-ci devra relever plusieurs défis aujourd'hui, à l'heure ou les opérateurs économiques font face à un contexte difficile et doivent assurer la compétitivité nécessaire à leur développement. S'agissant de Leila Myara Berrada, son plan d'action devra s'inscrire dans la continuité des principales orientations tracées par ses prédécesseurs. La dynamisation et le renforcement des régions sur les volets de la formation, l'aide à la certification et la formation pour des entreprises socialement responsable font parties des priorités de cette association créée en 2000. Pour les actions destinées au tissu productif, l'AFEM en général ambitionne de multiplier les rencontres de sensibilisation à travers le développement des partenariats avec les universités marocaines. Et ce, pour encourager et promouvoir la création d'entreprise, au même titre que l'incitation des femmes professionnelles de l'informel à basculer vers le formel. Sur un autre registre, un autre stratégique pour l'Association consiste à pérenniser les incubateurs. Les nouveaux efforts consistent, en fait, en en la généralisation de l'expérience de Casa Pionnières dans les régions de Rabat, Fès et Tanger comme priorités, et ce parallèlement à la pérennisation et autonomie financière des incubateurs.