«Contre vents et marées». Voilà le nouveau leitmotiv d'El Hossein El Ouardi qui persiste et signe... «S'il faut trancher pour faire avancer les choses, je le ferai». Dans la foulée des blocages qui sévissent dans le circuit de la réforme de la Santé, le ministre de tutelle ne voit que des défis à relever. La gronde des professionnels du secteur d'une part et les difficultés de financement de l'autre, n'arrêteront pas ce chantier. Cette détermination apparente du chef de département laisse donc présager de nouveaux rapports de force, qui verraient la réforme du secteur s'effectuer dans la douleur. Pour le chef du département, la Santé connaît de nombreux disfonctionnements et au regard de la priorité qu'elle représente pour les Marocains, l'heure est à l'action. Une des dernières d'ailleurs a toujours du mal à passer. La récente décision de faire baisser le prix des médicaments fait toujours des vagues auprès des professionnels du secteur, des fabricants aux laboratoires pharmaceutiques, en passant par les officinaux. Tous se sont rangés en ordre de bataille pour faire barrage à cette mesure (www.lesechos.ma). Pour El Hossein El Ouardi, la confiance est de mise et il n'y aurait «aucune inquiétude à se faire». Le dialogue avec les différents syndicats serait pour l'heure bien entamé et pourrait bien aboutir sur un accord applicable dès décembre prochain. C'est à juste titre une des annonces phare, que le ministre de tutelle fait aujourd'hui, «j'ai demandé aux fabricants de faire un geste en soumettant une proposition et ces derniers ont accepté». Par «geste» le ministre entend une «marge», sur laquelle sera fixée la moyenne de régulation des prix des médicaments. Fixés à fin 2012, les délais d'application du prochain accord visent à assurer une période transitoire permettant par là aux officinaux d'écouler leurs stocks disponibles. Plus concrètement, dès janvier prochain, tous les prix «anormalement élevés» seront revus à la baisse. Voilà là, une des premières réalisations qui augure vraisemblablement de la persévérance de la tutelle et de sa détermination à jouer les équilibristes pour soigner les maux de la Santé. Cependant, la bataille ne s'arrête pas là, si convaincre ce segment de la profession est en partie gagné, la bataille s'annonce rude face à la gronde des médecins et des infirmiers. Bataille annoncée Les blouses blanches semblent elles aussi déterminées à hausser le ton pour faire valoir ce qu'ils estiment «des droits inaliénables» (www.lesechos.ma). D'une part, les médecins du secteur public, dont le dossier reste pour le moins épineux. Leurs accords signés avec l'ancienne ministre de la Santé, Yasmina Baddou, sont à ce jour inappliqués et la question de l'accès au statut de fonctionnaire remise en cause. Le même scénario se reproduit chez les infirmiers, dont la bataille s'annonce dans un premier temps en interne avec ceux formés dans le public et les autres issus de la formation professionnelle privée accréditée par l'Etat. Pour El Hossein El Ouardi, il ne s'agira cette fois-ci pas de faire preuve de diplomatie mais de céder à quelques revendications déjà officiellement promises par la tutelle sous l'ère Baddou. Là aussi, jouer la continuité se révèlera difficilement envisageable, mais clairement nécessaire face à des syndicats qui menacent d'ores et déjà d'une nouvelle crise dans les hôpitaux publics et les départements d'urgences, avec un «bis repetita» du printemps 2011 (www.lesechos.ma). Le timming d'un tel scénario serait pour le moins mal choisi, dans la mesure où il interviendrait au moment même où le CNDH tire la sonnette d'alarme sur l'état de la santé mentale des patients marocains, atteints de maladies psychiques et psychologiques necessitant des soins adaptés, dans l'ensemble du royaume. C'est notamment sur ce volet d'ailleurs, que devrait s'articuler le nouveau défi que se fixe El Hossein El Ouardi. Le mental, une priorité «Il va falloir en finir avec les préjugés qui pèsent sur les patients atteints de maladies mentales, pour intégrer dans tous les hôpitaux publics du royaume un service dédié aux soins de ces patients». Une nouvelle brèche que le ministre de tutelle vient donc d'ouvrir en réponse directe au rapport fraîchement publié du CNDH. Pour faire aboutir cette mesure, le ministre annonce à présent une mise à niveau de la formation du personnel amené à traiter cette catégorie de malades, en assurant «la formation d'au mois 30 médecins chaque année». Plus concrètement, une trentaine de praticiens spécialisés devront alors intégrer la fonction publique. C'est sur ce point que le bât blesse, en effet, la situation des médecins dans le secteur public reste à ce jour complexe au regard des revendications en cours. Comment y ajouter alors une autre catégorie et une règlementation dédiée ? Sur ce point, le département de la Santé devra envisager une approche globale qui prend en ligne de compte les priorités, à savoir, régler les dossiers en suspens. Une fois cette mesure fixée, celle-ci devrait permettre de prodiguer des soins adaptés à 26,5% de la population marocaine atteinte de maladies mentales. Dans le détail, 1,4% des Marocains seraient alcooliques, soit près de 300.000 personnes, 2,8% auraient des problèmes d'addiction à la drogue soit près de 600.000 personnes, les deux pathologies touchant par là 2% de la population totale. Pour l'heure, seuls 197 médecins spécialisés exercent dans l'ensemble du royaume, assistés par 753 infirmiers. Pour y remédier, le ministère de la Santé annonce un budget dédié à ce segment fixé à 85 MDH pour l'année 2012. Pour permettre l'aboutissement de tous ces chantiers, c'est justement sur le volet financement que toute l'attention de la tutelle devra se tourner. Cap sur le financement Ce n'est une surprise pour personne, les caisses de l'Etat sont dans le rouge. Si la loi de finances 2012 avait certes prévu un des principaux budgets pour le département de la Santé, le Budget 2013 devra sans doute prendre en ligne de considération la conjoncture économique que le pays traverse actuellement. La question qui se poserait alors, serait de savoir comment assurer le niveau de financement nécessaire à toutes ces réformes assez coûteuses ? Le warning est d'ores et déjà lancé par le Business Monitor International, qui vient de lever le voile sur les budgets requis pour la réforme de la Santé au Maroc, dans un récent rapport publié en fin de semaine dernière. Les détails de ce travail annoncent un besoin de 11,07 MMDH pour la seule politique du médicament en 2012, contre 10,01 MMDH en 2011. En ce qui concerne l'ensemble de la réforme de la Santé, celle-ci devrait nécessiter un investissement de près de 47,01 MMDH en 2012 contre 42,10 MMDH en 2011, soit une augmentation de près de 11,7%. Néanmoins, concernant les dispositifs médicaux, ces derniers représentent un investissement de 2,46 MMDH en 2012 contre 2,19 milliards en 2011. De tels budgets devront donc être assurés non seulement par l'Etat, mais également par les partenaires internationaux et ces derniers répondent présent. Dans l'esprit de la Déclaration de Paris, l'Agence espagnole de coopération internationale au développement (AECID), l'Agence française de développement (AFD), l'Union européenne (UE) et le Fonds des Nations-unies pour la population (UNFPA) viennent en effet d'annoncer la «coordination de leurs démarches d'intervention en appui à la réforme du système de Santé au Maroc». Une bonne nouvelle donc, qui intervient pour soutenir la stratégie coordonnée d'appui au Plan d'action 2008-2012, sous forme d'un programme d'appui sectoriel. Cette décision s'inscrit plus globalement dans le cadre de la mission conjointe de suivi et répond aux exigences de la lettre d'entente signée entre les partenaires (PTF) et le gouvernement du Maroc, pour assurer un «appui au ministère de la Santé afin de mettre en place la réforme du système en alignement avec le plan d'action 2012-2016». Ces derniers éléments viennent donc prendre le pas sur les nombreux blocages que connaît le chantier de la réforme de la Santé. Toutefois, cette dernière pourrait bien aboutir si l'entente entre les parties prenantes de la profession était assurée en interne. Avis de grève Les 18, 19 et 20 septembre prochain seront officiellement journée de grève dans différents secteurs et la Santé ne fera pas entorse à cet appel. Les syndicats ont en effet annoncé de nouveaux mouvements de contestation au courant de la semaine menés principalement pas la fronde des médecins du secteur public qui reviennent à la charge. Après celle du 5 juillet dernier, les praticiens du public sont tout aussi déterminés que leur ministre de tutelle à avoir leur mot à dire. Au menu des revendications, versement des salaires gelés des internistes intégrés dans le public durant les 24 derniers mois, révision du statut des médecins fonctionnaires et ouverture médicale pour tous. L'inquiétude plane pour l'heure su le département des urgences. L'activité y sera-t-elle assurée ? Pour l'heure aucune annonce n'a encore été faite sur un quelconque service minimum assuré.