Le Projet de loi de finances 2026 introduit des mesures qui bousculent en profondeur les pratiques des différents secteurs économiques. Immobilier, industrie, services, finances, tous sont concernés par des ajustements majeurs. À la clé, une transformation que le gouvernement qualifie de «structurante», mais qui impose aux entreprises une adaptation rapide et méthodique. Zoom… Parmi les éléments marquants du Projet de loi de finances 2026 (PLF 2026), présenté devant les deux Chambres par la ministre de l'Economie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, figure un ensemble de réformes fiscales et administratives à fort impact. De la généralisation de la comptabilité électronique à l'élargissement de la retenue à la source, en passant par des mécanismes de rationalisation de la dépense publique, l'architecture budgétaire proposée entend accélérer la transformation économique du pays. Mais derrière ces mesures structurantes, portées par un narratif de modernisation et d'alignement sur les standards internationaux, se profilent des défis majeurs d'exécution, notamment au niveau sectoriel. Immobilier et BTP vers un environnement plus traçable et encadré Dans le secteur immobilier, l'introduction de la retenue à la source (RAS) sur les loyers et la création d'un droit additionnel de 2% sur les transactions non tracées constituent une rupture majeure. Cette mesure vise à mieux capter les revenus locatifs, souvent sous-déclarés, tout en décourageant les paiements en espèces dans les transactions immobilières. Les bailleurs sont ainsi invités à anticiper l'impact de cette nouvelle fiscalité sur leur trésorerie, notamment en ajustant leurs déclarations annuelles de l'impôt sur le revenu. Du côté des locataires, notamment les entreprises, il leur incombera d'assurer la retenue, la déclaration et le versement de la RAS de 5% dès juillet 2026, ce qui nécessitera une mise à jour de leurs outils de gestion comptable et de paie. Pour les professionnels de l'immobilier, notamment les notaires, ces évolutions exigent l'adaptation des procédures de clôture des transactions afin de garantir la traçabilité des paiements et éviter l'application du droit additionnel de 2%. Industrie digitalisation, déchets et douanes à l'agenda Le secteur industriel, lui, fait face à une triple mutation. D'abord, la généralisation de la comptabilité électronique dès 2026, qui impose aux industriels de revoir en profondeur leurs systèmes d'information comptable. Un diagnostic de conformité s'impose pour assurer une transition fluide. Deuxième volet : l'autoliquidation de la TVA sur les déchets. Une innovation qui modifie profondément le traitement fiscal de cette catégorie d'achat, en transférant l'obligation de reversement de la TVA à l'acheteur. Cela suppose une refonte des paramétrages comptables et une formation des équipes achats et comptables. Enfin, les ajustements des droits de douane sur certains intrants importés obligeront les industriels à réévaluer leurs coûts de production et potentiellement à revoir leurs chaînes d'approvisionnement ou leurs stratégies de sourcing. Finances et assurance pression fiscale et nouveaux leviers Pour les acteurs du secteur financier et assurantiel, la pérennisation du taux d'impôt sur les sociétés (IS) à 40% consacre une fiscalité élevée mais stabilisée. Les établissements sont ainsi appelés à intégrer durablement ce taux dans leurs prévisions budgétaires et modèles de planification fiscale. Toutefois, le PLF 2026 ne contient pas que des contraintes. Il introduit aussi une opportunité stratégique : la réduction drastique des droits d'enregistrement sur les actes de crédit et de garantie, désormais fixés à un droit unique de 200 dirhams. Une réforme qui allège significativement le coût du financement, et que les banques peuvent mettre en avant comme un levier concurrentiel auprès de leur clientèle. Services la RAS sur la TVA s'invite chez les prestataires Le secteur des services, notamment les cabinets de conseil, les prestataires informatiques et les professions libérales, est directement affecté par l'élargissement de la RAS sur la TVA. Désormais, les entreprises clientes dont le chiffre d'affaires dépasse 50 millions de dirhams seront tenues de retenir 75% de la TVA due par leurs fournisseurs. Cette nouvelle obligation a un effet immédiat sur la trésorerie des prestataires, qui devront attendre le remboursement de leur crédit de TVA pour reconstituer leurs flux financiers. La mise en place d'un suivi rigoureux de la régularité fiscale devient essentielle, notamment pour éviter une retenue à 100% en cas de non-conformité. Un signal fort vers l'avenir fiscal du Maroc Ces mesures sectorielles ne sont pas isolées. Elles s'inscrivent dans une dynamique plus large, où le PLF 2026 pose les jalons d'une réforme fiscale ambitieuse et cohérente. Trois grandes tendances se dégagent clairement. La première est celle de la digitalisation intégrale. L'obligation de comptabilité électronique, qui entre en vigueur en 2026, n'est qu'une étape. Le législateur prépare déjà le terrain à une généralisation de la facturation électronique, avec à la clé une administration capable de pré-remplir les déclarations à partir des flux observés en temps réel. La deuxième est celle de l'écofiscalité. L'introduction d'une taxe carbone est explicitement annoncée dans les documents d'orientation. Les entreprises des secteurs les plus émetteurs – énergie, transport, industrie – devront anticiper et quantifier leur empreinte carbone pour ne pas être prises de court. La troisième mesure est celle de l'extension des mécanismes de retenue à la source. La logique du PLF 2026 laisse entrevoir un recours accru à ce levier, jugé efficace pour sécuriser les recettes fiscales et lutter contre l'économie informelle.