Directeur du développement chez Network International Le paiement différé entre dans sa phase d'adoption, porté par l'essor du commerce en ligne et l'entrée en lice d'opérateurs technologiques. La prochaine étape consistera, selon Rachid Allay, directeur du développement chez Network International, en une seconde phase d'ajustement, sous la supervision de Bank Al-Maghrib. Celle-ci sera suivie d'un cycle de consolidation appelé à fixer les standards du marché. Qu'est ce qu'on entend au juste par paiement fractionné ? Le paiement fractionné, aussi appelé paiement en plusieurs fois ou BNPL (acronyme de "Buy now pay later", signifiant "Acheter maintenant, payer plus tard"), permet d'acquérir un bien ou un service et d'échelonner le règlement sans disposer immédiatement de la totalité du montant. Par exemple, pour un achat de 1.200 DH en quatre échéances, un premier versement intervient au moment de la transaction, puis trois paiements suivent, selon l'échéancier convenu avec le commerçant. Quelle valeur ajoutée apporte cette solution par rapport à la panoplie de produits proposés par les crédits à la consommation ? Pour le consommateur, elle offre un accès immédiat à un bien ou un service, avec un effort financier lissé dans le temps. Côté commerçant, elle accélère la conversion et élargit la base de clientèle. À l'international, les enseignes qui proposent le BNPL constatent souvent une hausse du panier moyen, de l'ordre de 15% à 20%, un constat propre à l'e-commerce. Le CMI avait, dès 2012-2013, exploré un dispositif proche du BNPL. Pourquoi n'a-t-il pas abouti ? L'idée était visionnaire, mais plusieurs préalables faisaient défaut à l'époque. Le taux d'équipement en cartes et en TPE demeurait faible, la confiance du public dans les usages digitaux n'était pas au niveau actuel, et le cadre réglementaire n'était pas encore stable. Et pour ce qui a trait à la gestion du risque, les outils aujourd'hui courants de scoring quasi instantané fondés sur l'open banking, les API et l'IA n'étaient pas suffisamment matures pour soutenir un déploiement massif. Quels sont les principaux risques liés à cette activité ? Le premier risque tient au défaut de paiement. Vient ensuite le risque d'empilement lorsqu'un même client cumule plusieurs plans de paiement sur des plateformes différentes. S'y ajoutent des risques opérationnels et technologiques liés à la gestion des données et aux processus de recouvrement. D'où la limitation imposée par le régulateur à quatre échéances, à savoir un acompte suivi de trois paiements. Elle vise précisément à contenir l'exposition et à préserver la qualité du portefeuille. Comment se structure actuellement le paysage BNPL ? Je dirais que l'écosystème prend forme. Aliapay a obtenu en 2024 une non-objection pour opérer sur ce créneau. Les acquéreurs et établissements de paiement, historiquement le CMI, Naps et Barid Bank, proposent l'option via TPE et passerelles e-commerce. En arrière-plan, des opérateurs technologiques comme Network International fournissent l'infrastructure, la gestion des flux et les briques logicielles, côté commerçant. Le tout évolue sous la supervision de Bank Al-Maghrib, garante de la confiance, de l'équilibre concurrentiel mais aussi de la protection du consommateur. Côté marchands, l'appétit vient d'abord des segments à panier moyen, sensibles à l'échelonnement, comme l'électronique, l'équipement de la maison, la billetterie premium et certains services. Quelles perspectives d'évolution à terme pour le secteur ? Le marché se développera en trois temps. D'abord, une phase d'adoption, avec la montée en charge des premiers déploiements ; ensuite, une phase d'ajustement, où les pratiques s'alignent sur un cadre prudentiel plus précis, notamment via Taqsit 2.0. Interviendra enfin une phase de consolidation, avec des standards bien établis pour mieux contenir les risques de défaut. En quoi Taqsit 2.0 change-t-il la donne pour le paiement différé ? Le programme apporte plus de clarté et de cohérence au processus dans sa globalité. Il clarifie les conditions d'offre, balise le parcours client, de l'éligibilité au recouvrement, et fixe des garde-fous sur l'information, la solvabilité et le suivi des échéances. Il permet l'interopérabilité entre fintechs, acquéreurs et établissements de paiement, tout en répartissant mieux les responsabilités. Il favorise ainsi un cadre plus lisible pour les enseignes avec une offre, in fine, plus transparente pour le consommateur. Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ECO