S'il reste encore des cas inquiétants dans le portefeuille du Trésor, les entreprises publiques ne sont plus aujourd'hui un problème, mais des leviers de la mise en œuvre des politiques sectorielles. De l'ONEE à l'ONCF en passant par la Société des autoroutes du Maroc (ADM), l'Etat actionnaire a décaissé 61 milliards de dirhams au profit de ses entreprises en 2024. Qu'elle est loin l'époque où la situation de quelques entreprises publiques avait poussé à la création d'une task-force interministérielle pour réfléchir à des solutions d'urgence. Ce comité avait alors pour mission de trouver des financements pour sauver celles qui étaient le plus mal en point, et qui ne tenaient que grâce à la perfusion du budget de l'Etat. Mais dans le Maroc de 2025, les transferts financiers qu'assure l'Etat à ses entreprises accompagnent la mise en œuvre des plans d'investissement et de modernisation des infrastructures du pays. Dans quelques cas (rares), ils visent à compenser les obligations de service public assignées à l'entreprise et assurer sa viabilité financière face aux chocs externes. En 2024, l'Etat a ainsi versé 61,12 milliards de dirhams aux entreprises dont il est actionnaire. Un peu plus d'un dirham sur quatre (27%) était destiné aux entités exerçant une activité marchande. En dix ans, de 2015 à 2024, ces transferts ont enregistré un taux de croissance annuel moyen de 9,84%. «L'augmentation sensible de ce soutien financier au cours des dix dernières années s'explique par de nouvelles missions d'intérêt général transférées aux EEP, notamment ceux n'exerçant pas une activité marchande, ainsi que par la création de structures spécialisées pour la mise en œuvre sectorielle ou territoriale de politiques publiques», explique le ministère des Finances. Soutien multiforme L'appui du budget de l'Etat peut prendre la forme de subventions d'équipement et de fonctionnement, des transferts qui remontent en flèche à la faveur de l'accélération de chantiers d'infrastructure portés par les entreprises publiques (autoroutes et infrastructures liées à l'organisation de la Coupe du monde de football 2030). Le Trésor peut opter aussi pour des dotations en fonds propres ou en apports d'argent frais afin d'assurer la continuité du service public. Les principales augmentations de capital intervenues ces deux dernières années concernent l'ONEE – qui a reçu 4 milliards de dirhams (MMDH) en 2023 après les 5 milliards versés l'année précédente -, l'ONCF (2 MMDH), Royal Air Maroc (1,5 MMDH) et Crédit Agricole du Maroc (1 MMDH). Les transferts à la Société marocaine d'ingénierie touristique (SMIT) se rapportent aux fonds octroyés au titre du programme Forsa pour 1,2 MMDH et au titre de l'accompagnement de l'Etat des programmes de développement touristique pour 400 millions de dirhams (MDH). Outre l'injection directe des fonds, le Trésor peut garantir par sa signature les emprunts levés par ses entreprises sur le marché. Soutenir l'effort d'investissement Afin de laisser des marges de manœuvre à ses entreprises, l'Etat s'est engagé à revoir sa politique de remontée des dividendes. L'Etat actionnaire s'engage à ce que les caisses publiques n'aspirent pas tout le bénéfice. Sa politique tiendra compte de plusieurs facteurs clés, entre autres, le plan d'investissement de l'entreprise, sa situation de trésorerie, son niveau d'endettement, sa capacité à distribuer des dividendes, ainsi que sa conformité aux exigences réglementaires, éventuellement. L'argent que reçoivent des poids lourds du secteur public vise à «soutenir l'effort d'investissement, compenser les charges liées aux obligations de service public ou, encore, sécuriser la viabilité financière d'entités stratégiques touchées par des chocs exogènes». Sans cette enveloppe, l'ONEE ne pourrait pas mener à terme son plan d'équipement 2025-2030 estimé à 72,3 MMDH ! Pareil pour l'ONCF afin de réaliser les travaux de réalisation de la ligne à grande vitesse entre Kénitra et Marrakech. Ce programme, d'un coût global de 96 MMDH, vise une modernisation sans précédent de l'écosystème ferroviaire. De son côté, la Société des autoroutes du Maroc (ADM) est engagée dans un gigantesque programme d'extension et de mise à niveau de son réseau. Le protocole conclu avec l'Etat, au printemps 2025, devrait lui permettre de sécuriser, du moins partiellement, les 16,9 MMDH que nécessiteraient ces investissements. En matière d'infrastructures aéroportuaires, l'ONDA (transformé en S.A), a lancé un plan de modernisation et d'extension des capacités de plateformes aéroportuaires ciblant en priorité les villes devant accueillir la Coupe du monde. Au regard de la qualité de sa signature, la société gestionnaire des aéroports du Maroc devrait trouver, sans grosses difficultés, les 38 MMDH nécessaires pour financer son programme. De gros chèques au bénéfice du Trésor Au titre de ses participations ou sous forme de redevances diverses, le Trésor reçoit de l'argent bienvenu, pour financer la forte hausse des dépenses courantes de l'Etat. L'an dernier, ces montants ont atteint 16,61 MMDH. Les principaux contributeurs sont l'Agence nationale de la conservation foncière (6 MMDH), OCP SA (5,8 MMDH) et Bank Al Maghrib (2,87 MMDH). À fin octobre 2025, le compteur affichait un montant de 16,08 MMDH, en hausse de 18,4%. Ces recettes proviennent essentiellement de l'OCP (6,2 MMDH), Bank Al-Maghrib (4,1 MMDH), et l'Agence de la conservation foncière (4 MMDH). Le Projet de loi de finances 2026 prévoit le versement d'un montant de 19,52 MMDH au titre des produits provenant des entreprises publiques (hors produits de cession d'actifs et de privatisation). Les prévisions pour les années 2027 et 2028 tablent sur des recettes, respectivement, de l'ordre de 17,43 MMDH et 17,6 MMDH. Le portefeuille public se compose, à fin septembre 2025, de 267 entreprises réparties comme suit : 217 établissements publics et 50 sociétés anonymes à participation directe du Trésor. Abashi Shamamba / Les Inspirations ECO