La Cour des comptes pousse la France à accélérer dans la course mondiale à l'intelligence artificielle. Si la recherche progresse, l'adoption par les entreprises reste en retrait. Une refonte de la gouvernance et des moyens est jugée indispensable. Pilotage interministériel renforcé, meilleure articulation au niveau européen et régional… En France, la Cour des comptes a présenté mercredi des pistes pour que le troisième volet de la stratégie nationale pour l'intelligence artificielle (IA) parvienne à «changer d'échelle». «L'IA n'est plus un sujet de la même nature qu'en 2018, au moment où la stratégie nationale avait été lancée. L'enjeu a changé de dimension», a souligné la Cour dans un rapport. Les deux premiers volets de la stratégie nationale ont mobilisé environ 2,4 milliards d'euros de 2018 à 2025. S'ils ont permis de structurer la recherche et la formation supérieure en intelligence artificielle et de développer un écosystème de start-up, la France reste en retard dans la diffusion de cette technologie dans les entreprises et les administrations, au-delà «du cercle des spécialistes», ont relevé les Sages. Peloton de tête «La France n'a pas été dans le peloton de tête dans la course à l'ordinateur, ni dans celle d'Internet ou du smartphone mais, elle l'est en matière d'IA», a souligné Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, lors d'une conférence de presse. Mais face aux Etats-Unis et à la Chine, «très en avance», elle ne doit pas «baisser la garde» et, même «en période de disette budgétaire», accélérer dans ce domaine en améliorant «l'efficacité de notre dépense», a-t-il poursuivi. Pour le troisième volet de la stratégie nationale, lancé en février dernier, la Cour a donc appelé à la création d'un secrétariat général de l'intelligence artificielle directement rattaché au Premier ministre, qui se substituerait à l'actuelle coordination nationale, pour piloter l'ensemble de la politique publique de l'IA. Le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a accueilli favorablement cette recommandation dans sa réponse au rapport tout en précisant que l'émergence d'une telle entité devrait «s'accompagner d'un travail de simplification afin de redéfinir les périmètres et positionnements respectifs des administrations oeuvrant déjà sur ces sujets». Calcul et adoption La Cour préconise aussi l'accroissement des capacités de calcul pour l'IA, en coordination avec l'Union européenne, l'accompagnement de la croissance des entreprises françaises de l'IA, notamment par le levier de la commande publique, et des investissements dans les capacités de stockage souverain des données. «Dans les territoires, notamment les régions, les initiatives publiques en matière d'IA se multiplient de façon non coordonnée», a-t-elle déploré, appelant à un pilotage plus efficace et à l'organisation d'une conférence annuelle sur l'IA avec les représentants de l'Etat et les collectivités locales. La stratégie française doit aussi se centrer sur l'adoption de cette technologie par les entreprises dont la capacité à se saisir «des solutions d'IA fiables et adaptées à leurs besoins est devenu un facteur clé de leur compétitivité sur le marché au niveau macroéconomique», a déclaré Moscovici. Dans cette optique, le gouvernement a déjà dévoilé en juillet son plan «Osez l'IA» pour accélérer la diffusion de l'intelligence artificielle en entreprise. Si ce plan «va dans la bonne direction», il n'a pas «l'ampleur que la Cour préconise», a estimé cette dernière. «Les cinq prochaines années seront un carrefour décisif à cet égard», a conclu Pierre Moscovici.