Président de la Fédération nationale des minotiers L'avis du Conseil de la concurrence sur le secteur meunier met en lumière les fragilités structurelles de l'ensemble de la filière céréalière. Entre irrégularité de la production nationale, dépendance accrue aux importations, dualité persistante du marché meunier et mécanismes de régulation devenus obsolètes, le diagnostic dresse un tableau sans concession. Il appelle à une refonte profonde des politiques agricoles, de la gouvernance meunière et du système de subvention, afin de préserver un produit aussi essentiel que symbolique et de rétablir les conditions d'une souveraineté céréalière durable. Abdelkader Alaoui, Président de la Fédération nationale des minotiers, nous donne son avis sur la question. Entretien. Comment accueillez-vous le rapport du Conseil de la concurrence ? Très positivement. C'est un travail sérieux, exhaustif, qui aborde toute la chaîne, allant de la production nationale, stockage, stocks stratégiques, gouvernance jusqu'aux mécanismes de soutien. Il constitue une base solide pour repenser l'ensemble du modèle, dans un contexte où le système actuel a atteint ses limites. Ce rapport du Conseil tombe à point nommé et ouvre la voie à une réforme profonde dont la filière a réellement besoin. La farine subventionnée représente-t-elle un avantage pour les minoteries ? Il y a beaucoup de confusion sur ce point. Les minoteries ne perçoivent aucune subvention. Nous ne sommes qu'un intermédiaire entre l'Etat et le consommateur. Le coût de revient a été fixé en 1988 à 325 dirhams le quintal et n'a jamais été révisé. Nous avançons la différence entre ce coût et le prix réglementé, puis l'Etat nous compense. C'est une compensation, pas une aide au secteur. La filière meunière fait face à une surcapacité structurelle. Comment expliquez-vous ce phénomène ? La surcapacité trouve son origine dans la mise en place du contingent de farine nationale. La capacité d'écrasement des minoteries ne dépassait pas 35 millions de quintaux. Or ce contingent était attribué en fonction de la capacité déclarée, des régions et des populations cibles. Chacun souhaitait obtenir sa part du marché, ce qui a poussé de nombreux opérateurs à augmenter ou à déclarer davantage de capacités. Avec la libéralisation de 1996, cet effet s'est intensifié et de nouveaux moulins ont été construits, d'autres ont étendu leurs lignes. Résultat, nous avons atteint près de 100 millions de quintaux de capacité, alors que la demande réelle en blé tendre est de moitié. Pourtant, le contingent de farine nationale n'a cessé de diminuer... En effet. Depuis une dizaine d'années, il a été réduit pour atteindre aujourd'hui environ 6,3 millions de quintaux, destinés en priorité aux zones vulnérables et montagneuses. Mais à ce stade, le mal était déjà fait. Ce contingent ne représente plus que 12% de l'activité réelle des minoteries. Pour certains moulins, il équivaut à moins de 1% de leur capacité. Ce décalage a fragilisé de nombreuses unités : plusieurs ont fermé, d'autres tournent à 40 ou 50% de leur potentiel. Le Conseil de la concurrence évoque également un fort déséquilibre régional... Absolument. La sécheresse a réduit la part du blé local, qui ne représente plus grand-chose dans nos écrasements. Aujourd'hui, 90% du blé utilisé est importé. Les moulins proches des ports d'approvisionnement (Casablanca, Agadir, Safi, Nador, Laâyoune) sont logiquement avantagés, car ils supportent des coûts de transport beaucoup plus faibles. À l'inverse, des minoteries situées, à titre d'exemple, à Fès, Meknès ou au centre du pays, historiquement implantées dans des bassins céréaliers, ont vu leur compétitivité s'effondrer. Comment un moulin situé dans ces régions, peut-il rivaliser avec un moulin installé à proximité immédiate d'un port… Maryem Ouazzani / Les Inspirations ECO