Le Congrès des députés espagnol a approuvé, jeudi, une proposition de loi historique visant à octroyer la nationalité espagnole aux Sahraouis nés durant la période coloniale au Sahara marocain. Portée par la formation politique « Sumar », cette initiative législative a reçu le feu vert de l'hémicycle. Elle ambitionne de faciliter la naturalisation des personnes nées dans les Provinces du Sud sous administration espagnole avant le 26 février 1976, ainsi qu'à leurs descendants directs (enfants et petits-enfants). Fondé sur des impératifs historiques et humanitaires, le texte entend réparer des situations juridiques héritées de la période suivant le retrait espagnol du territoire. Si le projet a été accueilli favorablement par certaines formations qui y voient une « justice historique », il a suscité de vifs débats au sein de la classe politique, d'autres voix émettant des réserves quant aux implications diplomatiques et administratives de cette mesure. Concrètement, le texte prévoit que les demandes de naturalisation pourront être déposées dans un délai de deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, période prorogeable d'une année sur décision du ministère de la Justice. Le parti propose également une fenêtre de cinq ans pour permettre aux petits-enfants de solliciter la nationalité une fois celle-ci obtenue par leurs aïeux. Pour Bahi Larbi Ennass, directeur du Centre Al Salam d'études politiques et stratégiques, ce dossier a longtemps piétiné. Initialement porté par Podemos en 2023, il a été repris par Sumar en 2024 pour finalement franchir un cap décisif. Contacté par Hespress, l'expert précise que le vote en plénière « ne constitue qu'une étape procédurale permettant d'ouvrir le débat sur les détails de la loi ». Faute de consensus sur la mouture finale en commission, le dossier retourne en plénière pour l'examen des amendements avant son transfert au Sénat. Selon Ennass, l'adoption définitive semble acquise, l'opposition étant numériquement faible : « Le rejet se limite au PSOE et à Vox, dont le cumul des voix ne suffit pas à bloquer le processus ». L'expert souligne qu'une partie de l'échiquier politique estime que « l'héritage colonial exige un traitement historique », l'Espagne n'ayant pas permis à ces populations, considérées administrativement comme « Espagnoles » jusqu'en 1958, de définir leur statut avant son retrait. Il s'agit donc pour ces forces politiques de répondre à une « responsabilité historique ». Concernant les clivages partisans, Ennass note que « la majorité de la droite, de la gauche et des nationalistes basques et catalans soutiennent le principe ». Le Parti Socialiste, quant à lui, « ne s'oppose pas au fond, mais émet des réserves techniques et juridiques sur la mise en œuvre ». Pour le spécialiste, ce projet marque « une transformation forte dans la perception du Sahara par une partie de l'institution politique espagnole » et témoigne d'une volonté parlementaire de « réviser certains détails liés à l'après-retrait ». De son côté, Hamana Maalainine, journaliste et vice-président de la commission des affaires étrangères du Mouvement Sahraoui pour la Paix (MSP), analyse ce vote comme la continuité « des intentions de la coalition Sumar, alignée sur les thèses du Polisario ». Toutefois, il relève que ce vote intervient à un moment particulier, alors que Madrid vient de réitérer son soutien à la résolution 2797 de l'ONU sur l'autonomie marocaine. Pour lui, ce timing « reflète la volonté du gouvernement socialiste de maintenir son appui constant au plan d'autonomie pour les Provinces du Sud, loin des calculs partisans ou des pressions extérieures ». Interrogé sur les perspectives, le journaliste insiste : « L'essentiel, quelles que soient les évolutions, demeure la constance du soutien gouvernemental espagnol à la crédibilité du projet d'autonomie porté par le Roi Mohammed VI ». En conclusion, Hamana Maalainine assure que cette décision parlementaire « n'affecte pas le fond stratégique des relations maroco-espagnoles », mais offre plutôt « une occasion de clarifier les positions et de réaffirmer l'engagement commun envers des solutions pacifiques et diplomatiques ».