Alors que l'économie marocaine affiche une dynamique robuste et que l'inflation atteint son plus bas niveau depuis 2021, Bank Al-Maghrib s'apprête à trancher concernant le taux directeur, et ce, lors du dernier Conseil de l'année. Les signaux conjoncturels plaident pour un statu quo, une décision de prudence destinée à consolider les acquis avant l'entrée du Royaume dans un régime de ciblage de l'inflation en 2026. Au moment où le rythme de l'économie nationale s'accélère et où l'inflation retrouve un niveau historiquement bas, la question du taux directeur revient au centre du débat monétaire. À la veille du dernier Conseil de Bank Al-Maghrib de 2025, prévu le 16 de ce mois, les anticipations se resserrent. Selon l'analyse de BMCE Capital Global Research (BKGR), «l'hypothèse d'un statu quo est davantage privilégiée» dans un environnement qui reste porteur mais encore fragile. Derrière cette décision attendue, se dessine une stratégie plus large, visant à préserver des marges de manœuvre avant l'entrée dans un régime de ciblage de l'inflation en 2026. Une économie en reprise solide mais dépendante des aléas externes BKGR souligne que la croissance marocaine s'inscrit dans une trajectoire ascendante de 3,8% en 2024, puis 4,6% en 2025, tirée par la vigueur des secteurs non agricoles et un cycle d'investissement public soutenu. Pour 2026, la Banque centrale prévoit +4,4%, tandis que BKGR révise ses propres projections à +5% au regard «d'indicateurs globalement bien orientés». Cette dynamique reste toutefois conditionnée à deux facteurs : la normalisation de la demande extérieure et la performance agricole, dont la valeur ajoutée pourrait progresser de +5% en 2025. L'un des arguments majeurs justifiant le maintien du taux directeur réside dans le recul marqué de l'inflation. À fin octobre 2025, elle est tombé à +0,1%, son plus bas niveau depuis mars 2021. L'inflation sous-jacente recule également (-0,2% sur un an). BKGR met cependant en garde. Plusieurs risques pourraient inverser la tendance. Les perturbations persistantes en mer Rouge allongent les trajets maritimes de plus de 7.400 km, augmentant les coûts logistiques. Les marchés agricoles restent sensibles aux chocs climatiques. Enfin, la seconde décompensation du gaz butane, si elle était appliquée, exercerait une pression plus forte que la première sur les ménages et les prix intérieurs. Des finances publiques mieux calibrées Côté budget, BKGR relève un déficit contenu à -55,5 MMDH à fin octobre, meilleur que les prévisions de la Loi de finances. Cette trajectoire permet à Bank Al-Maghrib (BAM) d'anticiper un déficit de -3,9% du PIB en 2025, puis -3,4% en 2026. Cette amélioration participe à stabiliser les anticipations, réduisant la probabilité d'un resserrement monétaire. La baisse du taux débiteur moyen se poursuit : 4,85% au troisième trimestre, soit -36 points de base sur un an. L'encours global des crédits progresse de +4,9 pour dépasser 1.188 MMDH. Le marché obligataire confirme également la détente, même si les dernières semaines montrent un léger aplatissement de la courbe, en lien avec des pressions budgétaires temporaires. Pourquoi le statu quo domine le scénario central Malgré une inflation faible et un besoin croissant de financement pour les projets structurants, BKGR souligne que BAM «devrait théoriquement opter pour une baisse». Mais l'institution pourrait privilégier la stabilité pour ne pas fragiliser une reprise encore exposée aux chocs externes et pour se donner de la visibilité avant la bascule vers le ciblage de l'inflation. Le statu quo permettrait à la Banque centrale de «préserver une marge de manœuvre appréciable» pour 2026, année charnière pour la nouvelle architecture monétaire. Une décision prudente, mais stratégique En définitive, tous les indices laissent présager que BAM reconduira son taux directeur à 2,15%, après huit baisses successives intervenues depuis 2024. Cette position, que BKGR qualifie de «statu quo de raison», n'est ni un frein à la croissance ni une posture attentiste. Elle vise à consolider les acquis, à renforcer la crédibilité de la transition monétaire et à maintenir un équilibre délicat entre soutien à l'activité et maîtrise des risques. Un consensus divisé, mais une tendance claire pour 2026 Le sondage mené par BKGR auprès d'investisseurs institutionnels montre des anticipations partagées pour la réunion de décembre : 50% penchent pour une baisse et 50% pour un statu quo. En revanche, les projections pour 2026 convergent nettement : 80% des sondés estiment que le taux directeur cible sera de 2% ; 70% anticipent une seule baisse en 2026 ; 100% prévoient de privilégier le marché actions dans leur allocation. Sanae Raqui / Les Inspirations ECO