Avec son tout premier Plan directeur des déchets verts (PDDV), la ville de Marrakech engage une réforme ambitieuse de sa gestion des résidus végétaux. Porté par la commune avec l'appui du PNUD, ce plan structure une nouvelle filière d'économie circulaire à l'échelle locale, autour de la valorisation des biomasses urbaines, dans un contexte de pression environnementale accrue. Chaque année, les espaces verts publics et privés de Marrakech produisent entre 35.000 et 45.000 tonnes de déchets verts. Ces résidus, issus de la taille des haies, de l'élagage des arbres, de la tonte ou de la floriculture, étaient jusqu'ici ramassés avec les ordures ménagères puis enfouis, sans valorisation. Ce traitement non différencié représente non seulement un coût élevé pour la collectivité, mais aussi un risque pour l'environnement en termes d'émissions de gaz à effet de serre et de dégradation des sols. Face à ces enjeux, la commune de Marrakech, en partenariat avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), prépare l'élaboration et la mise en œuvre d'un Plan directeur structurant, à l'horizon 2030. Ce projet est soutenu techniquement par les ministères de la Transition Energétique, de l'Intérieur, et de l'Environnement, ainsi que par les services déconcentrés de l'Etat, la wilaya de Marrakech-Safi et plusieurs opérateurs territoriaux. Le plan a pour ambition de construire une filière territoriale de valorisation des déchets verts, inscrite dans une logique d'économie circulaire. Il repose sur un diagnostic technique complet : cartographie du gisement par arrondissement, typologie des producteurs (hôtels, golfs, services de la ville, écoles, ménages), analyse des pratiques actuelles, identification des points noirs logistiques. Ce diagnostic a permis de mettre en lumière l'absence d'infrastructures dédiées au tri, au broyage ou au compostage des déchets végétaux. La stratégie retenue prévoit la création de plusieurs plateformes de traitement de proximité. Ces unités accueilleront des broyeurs, composteurs et équipements de criblage adaptés. Le compost produit sera utilisé pour enrichir les sols urbains ou agricoles, ou distribué à bas coût aux agriculteurs périurbains. Le plan envisage aussi la production de paillage végétal pour l'entretien écologique des jardins. Ce système permettra d'alimenter les espaces verts municipaux, de soutenir l'agriculture locale et de réduire la dépendance aux fertilisants chimiques. Sur le plan de la gouvernance, le PDDV introduit un modèle collaboratif inédit. Ainsi, un Groupement d'intérêt écologique local (GIEL) réunira les services de la commune, les opérateurs privés de la gestion des déchets, les établissements touristiques, les coopératives, les associations de quartier, et les producteurs agricoles. Cette instance aura pour mission d'assurer la coordination opérationnelle, la mobilisation des financements, l'évaluation des impacts et la sensibilisation des citoyens. Elle définira aussi un cadre contractuel pour les engagements de tri, de logistique ou d'achat de compost. Un volet réglementaire est également prévu. Le plan recommande l'adoption d'un arrêté communal rendant obligatoire le tri à la source des déchets verts pour certains acteurs (hôtels, golfs, administrations), assorti de mécanismes incitatifs pour les structures respectueuses des exigences. Une concertation nationale est envisagée pour aligner les normes locales avec les référentiels du Plan national des déchets ménagers, ainsi qu'avec les standards internationaux du Codex alimentarius ou de l'Union européenne. L'objectif est de valoriser plus de 80 % des déchets verts à l'horizon 2030, réduire de 40 % les coûts d'enfouissement, créer des dizaines d'emplois verts et renforcer la résilience urbaine. Une première phase pilote sera lancée dès 2026 dans trois arrondissements prioritaires, avant une montée en puissance progressive. Sami Nemli / Les Inspirations ECO