Dans le débat sur la libéralisation du dirham, l'on entend surtout des voix expertes, des analyses techniques, des références à la liquidité interbancaire, aux filets de couverture et aux paniers de devises. Pourtant, plus encore que toute l'ingénierie financière entourant le sujet, se profile une réforme dont les implications dépasseront largement les cercles économiques. Car le passage progressif, parfaitement piloté, vers un régime de change plus flexible n'est pas sans effets collatéraux. Ce n'est pas simplement une affaire de taux ou de réserve, mais aussi une question de prix, de marges, de survie pour des milliers de petites entreprises. Dans un pays où le tissu productif est composé majoritairement de TPE aux trésoreries fragiles, exposer davantage ces structures au risque de change, sans outils ni accompagnement suffisant, revient à les laisser seules face à la volatilité. Ce débat n'est pas nouveau ailleurs. Des pays comparables ont expérimenté des réformes similaires, parfois dans la douleur. Ignorer ces précédents, ce serait s'exposer inutilement à répéter les mêmes erreurs. Certes, la Banque centrale joue la carte de la prudence. Elle conditionne chaque étape à des préalables concrets et s'assure que le terrain est prêt avant d'avancer. Mais une telle réforme, aussi mesurée soit-elle, risque de creuser l'écart entre ceux qui peuvent anticiper, se couvrir, absorber, et ceux qui, par défaut, subiront. C'est dire que ce qui se joue ici, c'est une réforme monétaire à fort contenu social. En pensant le dirham, il faut aussi penser la rue. Meriem Allam / Les Inspirations ECO