Consultant en stratégie industrielle Les tarifs décidés en 2025 par l'administration Trump ont bousculé les chaînes d'approvisionnement, sans faire décrocher la Chine. D'après Eurostat, les exportations chinoises d'habillement vers l'Union européenne progressent de 7,2% entre janvier et octobre 2025, signe manifeste d'un redéploiement massif sur le marché européen, où le Maroc continue de répondre présent par la rapidité de l'exécution. Entretien avec Redouane Lachgar, consultant en stratégie industrielle. Depuis les vagues tarifaires décidées par l'administration Trump, quels effets concrets observez-vous sur les chaînes d'approvisionnement textile mondiales, et où se situe le Maroc dans ces réallocations? Les tarifs imposés en 2025 par l'administration Trump ont profondément perturbé les chaînes d'approvisionnement mondiales, avec notamment une chute de 27% des importations américaines de textiles et d'habillement chinois sur les neuf premiers mois de 2025. Selon les données Eurostat, ce choc a conduit la Chine à réorienter massivement ses flux vers l'Europe, où ses exportations d'habillement ont progressé de 7,2% entre janvier et octobre 2025. Ce déplacement a saturé certaines routes alternatives, Vietnam 10,7%, Cambodge 16,1%, entraînant des renégociations de prix à la hausse et des délais allongés. Le Maroc reste une opportunité grâce à la proximité, mais les statistiques Eurostat montrent une quasi-stagnation de ses exportations vers l'Union européenne, à -0,2% sur la même période. Les donneurs d'ordre arbitrent entre réactivité, volumes et résilience géopolitique, tandis que la dépendance européenne à la Chine reste forte malgré les discours sur la diversification. Comment la Chine a-t-elle adapté sa stratégie face à la guerre tarifaire ? Face aux tarifs américains, la Chine a accéléré la réorientation de ses flux vers l'Europe. Les données statistiques montrent une croissance de 7,2% de ses exportations d'habillement vers l'Union européenne entre janvier et octobre 2025, malgré la pression sur le marché américain. Pékin a renforcé son avantage technologique, robotique, IA, optimisation logistique, et mobilise le transport aérien tactique pour sécuriser les délais. Cette adaptation lui permet de consolider ses positions sur le marché européen, où les principaux pays importateurs continuent d'augmenter leurs achats chinois, Allemagne 11,1%, France 8,0%, Espagne 16,0%, selon Eurostat. Comment expliquer que la Chine continue de peser sur le pourtour méditerranéen alors que certains pays de la région affichent des coûts salariaux bas ? Les statistiques mettent en évidence un contraste net. Entre janvier et octobre 2025, la Chine progresse de 7,2% sur le marché européen de l'habillement, tandis que le Maroc est à -0,2%, la Tunisie à -3,3% et la Turquie à -11,2%. L'explication ne tient plus aux seuls salaires. Dans les pôles chinois, le salaire minimum dépasse souvent 260 à 350 dollars, un niveau comparable au Maroc. L'avantage vient de l'échelle, de l'intégration verticale, matières premières, tissus, accessoires, et de l'automatisation et de l'IA, qui compensent la hausse des coûts du travail. Dans le détail, l'avantage compétitif se joue-t-il davantage sur l'échelle industrielle ou sur la maîtrise des intrants, notamment tissu, accessoires, chimie ou énergie ? L'avantage se joue avant tout sur la maîtrise des intrants et de la chaîne d'approvisionnement. La Chine domine parce qu'elle contrôle l'ensemble de la chaîne, des matières premières aux produits finis, ce qui lui permet une flexibilité et une rapidité élevées. L'échelle compte, mais la maîtrise des intrants et des flux fait la différence face à des pays dépendants des importations chinoises de tissus et d'accessoires. Les acheteurs occidentaux ont-ils changé de logique vers plus de multi-sourcing, et quel impact anticipez-vous de la hausse annoncée de 5% du SMIG au Maroc ? Une logique de multi-sourcing plus marquée apparaît, mais la dépendance à la Chine reste forte en Europe, 7,2% globalement, 11,1% en Allemagne, 16,0% en Espagne. La diversification progresse, Vietnam et Cambodge notamment, mais lentement. Concernant la hausse de 5% du SMIG marocain en janvier 2026, portant le salaire à 3.422,72 MAD, elle accentue la pression sur les marges si elle n'est pas compensée par des gains de productivité. L'impact sur l'emploi pourrait être négatif à court terme dans les segments low-cost, et positif à moyen terme en cas de montée en gamme. Face aux hubs asiatiques, le Maroc doit accélérer l'automatisation et l'optimisation logistique pour rester compétitif. Quel enseignement tirez-vous du changement de régime observé à l'échelle mondiale ? L'enseignement principal tient au basculement du critère de compétitivité. Les bas salaires ne suffisent plus, la performance industrielle globale devient déterminante. La Chine, malgré des tarifs américains punitifs et des salaires comparables à ceux du Maroc, gagne encore du terrain en Europe, 7,2% sur janvier à octobre 2025, grâce à l'IA, la robotique et une chaîne d'approvisionnement intégrée. Pour les pays méditerranéens, l'enjeu consiste à transformer la hausse structurelle des salaires, comme le SMIG marocain, en levier de modernisation. Sans accélération vers une industrie plus automatisée, l'écart avec l'Asie continuera de se creuser. Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ECO