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La justice de Mohamed Taieb Naciri
Publié dans Les ECO le 03 - 04 - 2011

Les Echos quotidien : Quelles sont, aujourd'hui, les priorités dans votre chantier de réforme ? Quelle lecture faites vous de ces actions ?
Mohamed Taieb Naciri : Nous essayons de voir l'aspiration de chaque personne qui s'adresse à la justice, qu'elle soit marocaine ou pas. Or, dans un procès, les gens demandent deux choses à la justice. D'abord, la célérité, c'est-à-dire la rapidité de traitement des dossiers, pour en finir avec le reproche récurrent de lenteur de la justice. Ensuite, la qualité de cette justice. Pour rendre des jugements de «bonne qualité», nous avons besoin de magistrats de bonne qualité, qui ont une bonne formation, qui respectent rigoureusement les règles de l'éthique professionnelle, qui rendent des décisions transparentes, c'est-à-dire voir le cheminement de la pensée du magistrat pour s'assurer de sa conformité avec les règles de droit. En rendant la justice rapide et transparente, en définitive, on la moralise. D'ailleurs, le but final de la politique de modernisation est de rendre la justice plus transparente, l'objectif ultime étant sa moralisation.
Comment adapter l'outil législatif pour une justice rapide et morale ?
Sa Majesté a fixé, dans son discours du 20 août 2009, six axes prioritaires pour la justice. Indépendance et modernisation en tête. Pour ce dernier point, nous réalisons déjà un certain nombre d'actions avec l'outil législatif dont nous disposons, mais nous avons constaté que cette législation n'était pas suffisante. Pour atteindre l'objectif de qualité et de célérité, il nous a paru nécessaire de modifier un certain nombre de textes ou d'en proposer de nouveaux. Dans ce cadre, nous avons envoyé au Secrétariat général du gouvernement 27 projets de lois et de décrets. Il faut souligner là que la préparation d'un texte est une tâche ardue, car s'il y a des textes simples, il y a aussi de gros pavés qui demandent beaucoup de temps. D'ailleurs, un texte actuellement en discussion au Parlement a requis dix années de travail : le Code des droits réels.
Vous parlez du discours du 20 août 2009 comme fondamental mais, depuis, le discours historique du 9 mars 2011 donne une autre dimension à la réforme de la justice. Comment cela se traduit-il concrètement ?
Avant le discours du 9 mars, il y avait celui du 8 octobre 2010 devant les représentants de la nation, qui avait consacré une partie non négligeable à la suprématie de la justice, laquelle doit être au-dessus de tous les pouvoirs. SM le Roi avait évoqué à ce moment-là, et pour la première fois, un pouvoir judiciaire. Mais bien entendu, le discours du 9 mars est un événement de taille, dans lequel Sa Majesté a encore parlé de la réforme de la justice, en disant que les attributions du Conseil constitutionnel seront élargies. Nous ne savons pas pour l'instant dans quel sens elles le seront, nous le saurons lorsque cette commission aura remis sa copie. Il est probable que l'on donne au citoyen la possibilité de s'adresser directement au Conseil constitutionnel.
Comment définiriez-vous une justice indépendante ?
Elle ne doit pas être influencée, en tant que pouvoir, par les autres pouvoirs, législatif et exécutif. On vous dit actuellement que ce n'est pas le cas, parce que, à la tête de la justice on retrouve Sa Majesté, président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), au nom duquel les jugements sont rendus, contrairement à d'autres systèmes dans lesquels ils sont rendus au nom du peuple, de la république... On considère donc, puisque Sa Majesté est également chef du pouvoir exécutif, tout comme le ministre de la Justice qui le représente au CSM, qu'il n'y a pas d'indépendance de la justice par rapport à l'exécutif. Ce qui est demandé c'est qu'il y ait cette séparation.
C'est-à-dire que les jugements devraient être prononcés au nom du royaume par exemple ?
Ils pourraient être prononcés au nom du Chef de l'Etat, mais sans que cela porte atteinte à l'autonomie et à l'indépendance de la justice. Le fait que les jugements soient rendus au nom de SM le Roi ne porte pas forcément atteinte à l'indépendance de la justice. L'indépendance, c'est surtout l'autonomie des pouvoirs.
Une campagne d'assainissement est en cours, touchant notamment les collectivités locales. Qu'en est-il des autres dérives, notamment celles relevées par la Cour des comptes ?
La justice n'est pas un rouleau compresseur. Il ne faut pas oublier que la Cour des comptes est déjà une juridiction, qui juge la régularité de la gestion des finances publiques et non les infractions. Elle peut condamner les gestionnaires des deniers publics à des amendes si elle considère qu'ils ont failli à leur mission. Elle peut également considérer que certains actes qui sont commis par ces derniers ne constituent pas seulement des fautes de gestion, mais des fautes qualifiables de crime ou de délit, donc susceptibles d'entraîner des sanctions pénales. Dans ce cas-là, le dossier est transmis au procureur général, qui le transmet au ministre de la Justice «pour suite à donner ». Si ce dernier le juge adéquat, il renvoie le dossier devant le parquet général du procureur concerné, qui peut saisir la juridiction compétente s'il considère qu'il a tous les éléments, ce qui est rarement le cas. Sinon c'est la police judiciaire qui se saisit de l'affaire pour enquête en vue de réunir tous les éléments de preuve pour un jugement, ce qui demande un certain temps.
Justement, dans ce contexte, certains «dossiers» ont beaucoup fait jazer...
Il y a des dossiers qui ont abouti et d'autres qui vont venir. Il s'agit, éventuellement pour bientôt, des dossiers de l'ONDA et du CIH. Mais globalement, il y a un mûrissement des dossiers avant leur transmission à la justice, non pas juste pour donner des individus en pâture à la rue. Pour les communes par exemple, le parquet a récemment estimé qu'il y avait des faits suffisamment graves pour renvoyer les prévenus devant la justice en état de détention.
Que représente, pour vous, la notion de sanction ?
Effectivement, il n'est pas seulement question de se faire rembourser les deniers publics qui ont été détournés. Des sanctions pénales sont nécessaires pour donner l'exemple. Je suis pour la sanction dans ce sens-là.
Qu'en est-il du chantier de régionalisation avancée et quelles sont ses implications sur l'organisation judiciaire ?
Nous voulions anticiper les choses et voir dans quelle mesure l'on pourrait, pour certaines grandes juridictions, être accolés à l'une des douze régions en projet. Mais ce n'est pas simple. Il y a bien entendu des juridictions que l'on aimerait bien supprimer, parce que le volume d'affaires qui y sont traitées ne nécessite pas leur présence. Il s'agit de quelques dizaines de dossiers pour certaines. Mais pour des raisons de sensibilité politique, cela n'est pas évident. Nous sommes, néanmoins, en train de discuter de cette possibilité de regrouper plusieurs centres. Ce qui rendrait les juridictions plus cohérentes, avec des moyens plus importants. Admettons que nous fermions tel centre, il y aura certainement des gens qui crieront au scandale parce qu'on a touché à leur circonscription. La chose n'est pas du tout facile. Et le problème de la carte judiciaire se pose partout dans le monde.
Pensez-vous que la justice soit trop politisée ?
Bien évidemment qu'elle l'est trop. Il y a des intérêts derrière cela et c'est ce qui suscite plusieurs problèmes. Pour une bonne gestion, il faudrait avoir une seule juridiction par région et par compétence, bien structurée et dotée des moyens nécessaires. Mais nous avons tout de même réussi par exemple à faire passer au Parlement un texte qui supprime les juridictions communales et d'arrondissement, comme proposé par les parlementaires. Ce qui est réclamé par la société civile depuis 1974 ! Elles seront remplacées par des juridictions de proximité.
Y a-t-il une différence entre les deux ?
Certainement et elle est essentielle. Ces juridictions communales ont des juges non professionnels, qui sont simplement élus. Là, c'est l'influence de l'Intérieur qui est patente. Et c'est très important.
La justice ne subira pas l'influence du ministère de l'Intérieur. On va donc désigner des juges professionnels pour juger les affaires qui l'étaient par les juridictions communales et d'arrondissement. Cela va vers l'égalité des citoyens. Ces unités de proximité sont gratuites avec une procédure simplifiée, rapide, pour un jugement en un ou deux mois.
À quel horizon ce changement devrait-il s'opérer ?
Le texte de loi a été adopté, il sera bientôt publié au Bulletin officiel. Seulement, il n'entrera en vigueur qu'une fois le texte relatif aux juridictions de proximité le sera. Ce dernier a été adopté par le Conseil de gouvernement, et sera bientôt soumis au Conseil des ministres.
Parmi les nouveaux textes, quels en sont les plus importants ?
Parmi les plus importants, en plus du Code des droits réels, figurent le Code des procédures civiles, un nouveau Code des procédures pénales, la réorganisation judiciaire, la justice de proximité... Bref, beaucoup de choses.
Y a-t-il des critères de suivi de la rapidité de traitement ?
Il y a effectivement des critères que nous tentons de faire appliquer par les magistrats, ce qui sera plus facile à l'avenir, grâce à la possibilité de suivi qu'offre le système d'information.
Quelle importance la formation tient-elle dans la réforme de la justice ?
Pour obtenir un jugement de qualité, il faut un magistrat de qualité. Nous tablons donc énormément sur la formation. Celle des magistrats qui sont recrutés sur la base d'un concours particulièrement exigeant. Les attachés de justice reçoivent, pour leur part, une formation de deux ans à l'Institut supérieur de la magistrature, avant de passer un examen pour être nommés jeunes magistrats en prêtant serment. La dernière nouveauté, pour cette année, consiste en l'introduction de la formation à la déontologie dans le cursus, à travers le Code de l'éthique professionnelle. Les greffiers reçoivent également une formation de plusieurs mois, ce qui ne se faisait pas auparavant. Tout comme les huissiers de justice, les adouls et les copistes.
Qu'en est-il des avocats ? Sont-ils selon vous suffisamment formés ?
Nous pensons effectivement introduire une nouvelle formation pour les avocats, car il n'est pas normal que les avocats, qui sont des auxiliaires de justice, ne reçoivent pas de formation. Ils rentrent dans la profession à la suite d'un examen, disons-le, assez facile. Ce qui fait que chaque année beaucoup d'avocats y accèdent avec leur seule formation théorique à la faculté au bout d'une licence de trois ans. L'avocat ne devrait pas avoir une formation moindre et dévalorisée par rapport à la formation du magistrat qu'il doit éclairer. Il doit avoir un apport important dans la marche de la justice.
Faut-il s'attendre à voir naître des instituts de formation ?
Nous avons décidé d'acquérir un terrain de 5 hectares à Technopolis, sur lequel sera construit un Institut supérieur de la magistrature qui sera un véritable campus judiciaire.
Et concernant les tribunaux ?
La justice doit être rendue dans des lieux convenables, c'est la raison pour laquelle nous avons lancé une politique de construction de complexes judiciaires, qui regroupent plusieurs juridictions : tribunaux de Première instance et Cour d'appel.
La modernisation de l'outil judiciaire est également importante. Comment se déroule-t-elle ?
Le Maroc a bénéficié du soutien européen dans le cadre du programme MEDA pour la modernisation de la justice, financé à hauteur de 80% par l'Union européenne,et le reste par le budget marocain. Il a pour objectif de moderniser les juridictions en les dotant des outils nécessaires de gestion des dossiers devant les juridictions. Matériel et logiciel permettent aux juridictions de gérer les dossiers qui leur sont présentés aussi bien que l'administration judiciaire. Ce qui permet aux différents intervenants de communiquer entre eux et de créer, pour chaque juridiction, un site à travers lequel chaque citoyen peut obtenir des renseignements concernant son dossier, notamment à travers des bornes interactives à l'entrée des juridictions. En saisissant les informations d'identification, il pourrait obtenir tous les renseignements concernant son dossier.
Où en êtes-vous actuellement dans ce processus ?
Jusqu'à présent, nous avons modernisé 40 juridictions dans le cadre du projet MEDA. Actuellement, le ministère exécute, à ses propres frais, la généralisation de l'informatisation à toutes les juridictions du Maroc, soit 107 au total. Jusqu'à maintenant, 95% des juridictions sont équipées, réhabilitées et dotées du réseau. L'étape actuelle concerne l'installation de l'application du système d'information intégré SAGE. Un système qui prendra en charge la gestion des dossiers depuis la caisse jusqu'au jugement. Les affaires pénales, civiles, le parquet... toute la procédure est concernée. Le programme a commencé par les tribunaux de commerce pour ensuite s'étendre aux autres juridictions. Maintenant, nous avons dépassé les grandes villes pour nous attaquer aux autres régions. Nous rapprochons la justice du citoyen, d'abord en rapprochant l'information juridique et judiciaire. Avec les sites dédiés aux juridictions, le citoyen lambda n'est plus tenu de se présenter devant les tribunaux. Moins de perte de temps, donc, mais aussi plus de moralité et moins de corruption.
O.Z


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