La situation pourrait, à première vue, paraître assez paradoxale. Les récentes sorties, assez musclées parfois, des diplômés-chômeurs, ont partiellement remis sur la table la question de l'efficacité du système national d'enseignement et de formation supérieure. Parce que les besoins du marché du travail en compétences s'accentuent d'année en année, l'insertion professionnelle des jeunes diplômés d'établissements de formation est devenue un véritable boulet pour les pouvoirs publics, presque une décennie après l'adoption de la Charte sur l'éducation, censée poser les jalons d'une effective ouverture de l'école sur son environnement. La situation n'est certes pas aussi alarmante que pourraient le supposer les éternelles manifestations devant le Parlement, mais au regard des défis qui se profilent à l'horizon, elle est devenue une réelle préoccupation du gouvernement. Le département de l'Enseignement supérieur et de la formation des cadres s'apprête en effet à lancer une étude visant à appréhender la problématique de l'insertion professionnelle des diplômés. L'étude, dont l'avis d'appel d'offres vient d'être publié, concerne le cas des lauréats des établissements supérieurs à accès régulé et devra se baser sur les évolutions qu'a connues le secteur, ces dernières années, suite à la mise en œuvre de plusieurs actions visant à faire coïncider les formations dispensées avec les réels besoins de l'économie nationale. Ce choix est loin d'être fortuit, puisque ces établissements qui se distinguent par le caractère professionnalisant de leurs filières de formation, constituent une importante niche pour les besoins sectoriels de l'économie nationale. Relevant de diverses tutelles et régis par autant de statuts juridiques distincts, ils contribuent grandement à l'effort national de formation des compétences humaines nécessaires pour accompagner les grands chantiers structurants et les différents programmes sectoriels de développement lancés ces dernières années pour soutenir la croissance (Plan Emergence, Maroc vert, Numéric 2013,...). Malheureusement, ces centres de formation qui ne relèvent pas des universités n'ont pas été, de ce fait, concernés par le programme d'urgence 2009-2012, bien que diverses actions aient été menées dans le cadre de leur mise à niveau, conformément aux dispositions de la charte. Cette politique a permis d'atteindre des résultats assez probants, puisque sur la dernière décennie, le nombre d'établissements à accès régulé est passé de 33 à 49 avec, sur la même période, une évolution des effectifs des diplômés qui a plus que doublé, passant de 3.751 à 7.706 lauréats, dans près de neufs spécialités différentes. Il s'agit donc d'évaluer le degré de réponse du système national de formation dans le sillage des changements qui s'opèrent au niveau du monde du travail et par la même occasion, de porter une appréciation sur la qualité des formations dispensées. À terme, des propositions seront émises sur la base des résultats de l'étude, dont le champ s'étend sur l'ensemble des lauréats de deux promotions (2007/2008 et 2008/2009), pour la création d'une structure permanente de suivi de l'insertion des diplômés au niveau de ces établissements, appelés aussi établissements de formation des cadres. La piste méditerranéenne Avec cette nouvelle donne, le gouvernement entend donc suivre dans le temps l'adéquation des formations dispensées avec les réels besoins du marché du travail. Cette vision s'inscrit dans le cadre des perspectives méditerranéennes relatives à la formation professionnelle, destinée à relever le défi de l'employabilité dans la région. À ce niveau, force est de reconnaître que les statistiques parlent d'elles-mêmes, puisque pas moins de 80 millions d'emplois devront être créés de 2010 à 2015 pour maintenir le taux de chômage à son niveau actuel, qui reste d'ailleurs et pour ne rien arranger, l'un des plus élevés du monde. Selon un diagnostic du secrétariat de l'Union pour la Méditerranée (UPM), le système de formation professionnel en vigueur jusque là dans les pays du sud de la Méditerranée demeure «encore trop étatiste et construit sur l'offre». Or, de nos jours, former, «c'est d'abord répondre aux exigences des standards internationaux d'une économie mondiale où la qualification devient un paramètre essentiel», comme le souligne Yannick Prost, responsable adjoint chargé de l'enseignement supérieur, de la formation et de la recherche à la mission UPM de la présidence de la République française. S'appuyant sur les travaux d'experts, il a relevé, dans une tribune libre, la difficulté dans nos pays, de l'adaptation des filières à l'évolution des marchés, «notamment par manque de connaissance des besoins du marché». Cela explique, du coup, que «les pénuries de main-d'œuvre sur certains métiers en tension coexistent avec un important chômage des jeunes, habitués à se diriger vers les filières générales, en espérant décrocher un emploi dans l'administration». Ce cas de figure cadre avec la situation au niveau national et que le gouvernement entend désormais prendre en charge. L'une des pistes préconisées par l'UPM, concerne en effet, la réorientation qualitative et sectorielle du dispositif de formation, à travers l'amélioration des mécanismes de connaissance des marchés du travail. La structure qui sera mise en amont de l'étude renvoie à l'idée d'un outil d'observation qui, selon Yannick Prost, est de nature à permettre «d'agréger les données nationales et d'établir la cartographie des déficits et excédents de main d'œuvre par compétence et secteur économique». Il s'agit là d'un levier important, afin que soit résolu ce cauchemar des diplômés-chômeurs qui a hanté bien des gouvernements.