Once upon a time, opus présenté dans la cadre du Panorama du court-métrage marocain au 9e Festival du court-métrage méditerranéen de Tanger, a conquis le public particulièrement réactif à la vie d'un clown. Entretien sans fards avec la cinéaste Rita El Quessar. Quel est le point de départ de Once upon a time ? Je travaillais en fait, depuis longtemps au sujet des problématiques de l'autre et du masque. L'image du clown classique m'a inspirée celle d'un clown marocain, coincé au beau milieu d'un parc d'attractions, alors que ses rêves ne se réalisent pas. À travers ce personnage, c'est le désirde ne pas vouloir être ce que l'on est, qui m'importait. Il est, de plus, confronté aux rêves des autres : entre un homme qui désire devenir milliardaire et une femme qui caresse l'idée d'être une star. Je souhaitais soulever la question suivante : quels sont les rêves de ce clown ? Si ce n'est celui de ne pas être ce qu'il est. Comment est née cette idée ? Elle provient de mes propres angoisses. Tous mes courts-métrages expriment tour à tour, de façons différentes, mes tiraillements et mes doutes. Le thème récurrent est, indéniablement, la thématique de l'autre. Il existe un proverbe indien bien senti pour expliquer ce sentiment; il dit en fait comment en te contemplant tu n'es pas le reflet mais le reflet de toi ». Et j'en arrive à la conclusion que l'enfer, c'est les autres. La question d'autrui revient souvent dans votre discours, est-ce une fascination ? Oui, une fascination pour l'altérité. Cela me rappelle Platon et le mythe de la caverne : on se projette constamment face au regard de l'autre. On se construit les uns par rapport aux autres, et paradoxalement, les uns contre les autres. Once upon a time est traversé par un puissant univers carnavalesque… C'est un retour sur les traces de mon enfance ; je revisite cette période à travers Once upon a time. Ce titre est aussi un clin d'œil à Sergio Leone. Petite fille, je regardais nombre de films aux côtés de mon grand-père, qui m'a donné envie de faire des films. Nous passions notre temps à regarder des VHS et ceux qui évoquaient le cirque m'ont marquée, inconsciemment. J'aime profondément cet univers : le monde de la marginalité, les ambiances malsaines et déviantes qu'incarnent la magicien, le marginal. L'itinérant doit susciter le rire, car il est hors-norme. En décidant de faire rire, les clowns s'inscrivent dans la dimension émotionnelle. J'adore toujours autant les parcs d'attractions lieux où se situe mon court-métrage. Je voulais également montrer que le clown peut faire peur ; on ignore ce qui se révèle derrière son sourire, au-delà de cette musique de cirque éraillée qui ponctue notamment le film. Pour moi, il y a ma poupée. L'objet, encore lié à l'enfance, telle une obsession. Que disent finalement vos personnages ? Mes personnages sont de grands enfants coincés dans des corps trop grands. On peut penser au complexe de Peter Pan. Que retenez-vous de la réalisation de ce court-métrage ? Faire un film est un exercice qui n'est pas aisé, c'est quelque chose de difficile. Il s'agit d'une perpétuelle guerre contre soi-même, car il faut lutter contre ses peurs, sa crainte de l'échec, son envie de paraître au-delà de son histoire. Lorsqu'un metteur en scène s'accorde plus d'importance que son histoire, elle le rattrape. Il faut éviter l'écueil de la facilité. Un film correspond aussi à une totale mise à nu. Je considère un court-métrage comme une quête, qu'il s'avère bon ou non. Réaliser un film implique aussi un partage, celui de sa vision. Un cinéaste se distingue précisément par son regard et sa capacité à les transmettre au spectateur. Sans omettre l'espace indispensable au spectateur. Un réalisateur tel que Michael Haneke maîtrise cela avec une parfaite mesure.