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Préférer lire Henri Thomas
Publié dans Le Soir Echos le 16 - 11 - 2011

C'est une question à laquelle échappe difficilement un critique littéraire et qui est immanquablement posée à tous ceux dont on connaît l'appétit de lecteur : quel est votre écrivain préféré ? Or, plus on a lu d'écrivains de grand talent, moins cette question a de sens. Sauf, pour moi, à redire que Mohamed Leftah est mon écrivain préféré parmi les auteurs marocains de langue française et Mohamed Zafzaf, celui des nouvellistes et romanciers marocains de langue arabe dont m'impressionne le plus la finesse d'observation des comportements humains, des tensions, des émotions, des rêves et des rages.
Aujourd'hui, cependant, je voudrais vous présenter un ouvrage que je fréquente assidûment depuis trois ans, un gros volume qui parut en 2008 aux éditions Claire Paulhan : Carnets 1934-1948 du poète et romancier Henri Thomas, dont l'édition a été établie par sa fille Nathalie avec une préface enthousiaste de Jérôme Prieur et des notes remarquablement détaillées dues à Luc Autret.
Ma passion de lecteur pour l'œuvre de Thomas est déjà vieille de plusieurs dizaines d'années et s'est poursuivie bien au-delà du décès de l'auteur. Une de mes grandes joies fut de lui porter en 1990 mon essai Avez-vous lu Henri Thomas ? que venaient de publier les éditions du Félin. Mais que signifie préférer lire Henri Thomas, entre tant d'autres ? La réponse, je la trouve entre mille autres lieux d'une œuvre qui compte plus de soixante volumes (essentiellement chez Gallimard) dans cet autoportrait datant du 31 juillet 1942 : « Je suis passé hier soir devant une glace de magasin, et c'est elle qui m'a sauvé en me situant à mes propres yeux dans le monde des passants, dans le tableau de cette soirée. Mal vêtu, chemise pas changée de plus d'une semaine, pas rasé, l'air fatigué, obsédé, même un peu hagard, et en s'approchant bien, on pouvait voir des cheveux gris à mes tempes. Tel était ce rôdeur. Sachez aussi qu'il est marié, qu'il traduit des livres qu'il n'aime pas, qu'il a des crises de paresse anéantissantes, qu'il est sournois, que, que – etc. »
Thomas était alors marié à une amie d'Antonin Artaud et il composa, au décès d'Artaud, un des plus beaux poèmes de XXe siècle français, du moins selon mon goût.
Face à l'autoportrait sans complaisance de 1942, Jérôme Prieur se demande dans sa préface aux Carnets 1934-1948 : « Ecrire son Journal, est-ce pour avouer sa double vie, ou pour la faire exister ? ».
Les Carnets d'Henri Thomas ne sont pas les marges aléatoires de l'œuvre mais les braises non éteintes d'un feu que l'œuvre refaçonne et désensable : « Ce Journal, note Prieur avec justesse, est un chantier. Chantier de construction, chantier de démolition, chantier sans fin ».
Lauréat du Prix Médicis en 1960 pour son roman John Perkins puis du Prix Fémina en 1961 pour Le Promontoire, Henri Thomas est demeuré, peu on prou un écrivain pour écrivains. Lisons-le, écrivant le 23 juillet 1936 : « Dominer l'expérience, ce n'est pas que question d'intelligence, mais de volonté ; (j'éprouve fortement qu'intelligence et volonté ont partie liée). Je sais qu'il faut toujours s'alimenter à la vie, se fier au renouvellement perpétuel ; autrefois, parce que je n'avais pas ouvert les fenêtres, je ne croyais pas à l'existence du grand souffle vivant ; maintenant, j'en suis baigné et même renversé… ».
Tout récemment, lors d'une interview, J.M.G Le Clézio faisait l'éloge du poète Jean Grosjean, lequel a donné l'une des plus belles traductions françaises du Coran. C'est ce même Jean Grojean qui constatait dans La Nouvelle revue française « Les cinq continent nous inondent de vedettes de tous ordres pour mon empêcher de lire Henri Thomas. Les cinq continents savent ce qu'ils font : Henri Thomas est dangereux, il cherche la vérité. Il est sur la piste. Il y est presque seul, mais ça lui est presque égal ».
Les grandes admirations nées de la fréquentation des œuvres sont des dettes imprescriptibles. Je sais tout ce que je dois à la lecture des romans d'Henri Thomas qu'il s'agisse du Parjure, d'Une saison volée, de La Nuit de Londres ou du Goût de l'éternel.
Thomas nous parle depuis une conviction obscure dont il tire une lumière qui ne l'éclairera pas seul. Alors, nous lisons dans Le Migrateur : « Ce sont les morts qui s'inquiètent des vivants, qui les sentent perdus. » Et dans Compté, pesé, divisé : « Il faudrait être à la fois intensément soi-même et détaché de soi, flottant sur la vie, pour atteindre à l'expression universelle de la vie ».
Quelque vingt ans avant sa mort, Henri Thomas écrivait, dans une lettre à Georges Auclair : « Je suppose que l'idée d'un avenir fut assez tardive et qu'elle commence à mourir : nous allons nous retrouver dans la situation des pauvres inventeurs du feu – un immense passé et l'impossibilité de penser à l'avenir ».
Allons, l'avenir commence aujourd'hui, en lisant Mohamed Leftah, Mohamed Choukri, Henri Thomas ou le merveilleux poète arménien Armen Lubin, cet ami de Thomas qui écrivait : « N'ayant plus de maison ni logis, / Plus de chambre où me mettre, / Je me suis fabriqué une fenêtre, / Sans rien autour».


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