Sahara : John Bolton se prononce sur l'avenir de la MINURSO    Afrique du sud : Ramaphosa mobilise les siens pour briser l'isolement du Polisario    CHAN 2024 (groupe A) : Le Maroc bat la Zambie    Moroccan team triumphs over Zambia 3-1 in CHAN Group A clash    Rabat accueille la première édition d'«Africa Shield» consacrée à la lutte contre la prolifération d'armes de destruction massive    Le Maroc importe 61 700 tonnes de blé rouge dur d'hiver américain, selon des données actualisées    Avocat: le climat fausse la bonne note du secteur    DST du Maroc... Héros de l'ombre et artisans de la sécurité dans le silence    En Alaska, Trump et Poutine discuteront "en tête-à-tête" de l'Ukraine, selon Moscou    Pékin achève la première répétition générale des célébrations du 80e anniversaire de la victoire du peuple chinois pendant la Seconde Guerre mondiale    "Le Point" évoque dans un dossier majeur une «entreprise méthodique d'éradication politique et culturelle» conduite par le régime algérien en Kabylie    France: la mortalité routière a augmenté de 23% en juillet    Turquie : plus de 410.000 Syriens retournés volontairement depuis la chute d'Al Assad    Le Maroc réoriente son argumentaire sur le Sahara occidental vers le développement économique après ses gains politiques incontournables, révèle le centre américain World Politics Review    Barça: l'absence longue durée de Ter Stegen validée par la Liga    AS : Achraf Hakimi remporte la « première » bataille pour le Ballon d'Or    Après la rencontre de l'Alaska, un sommet trilatéral avec Zelensky sera « très important » pour un accord sur l'Ukraine    Saisie record de cocaïne au large des Canaries grâce à la coopération du Maroc    Moussem Moulay Abdellah Amghar : La "tbourida féminine" séduit le public    La Tbourida au cœur du dialogue citoyen    Supercoupe d'Europe : Le PSG renverse Tottenham grâce à une remontada in extremis et aux tirs au but    CHAN 2024 : Angola–RDC, un match qui intéresse les Lions botolistes    Pollution plastique: Paris juge « inacceptable en l'état » le projet de traité international    Liberté d'expression au Maroc : Les observations des Etats-Unis    El conductor que atropelló a la pequeña Ghita en la playa de Sidi Rahal recibe una condena de 10 meses de prisión    Libertad de expresión en Marruecos: Las observaciones de Estados Unidos    Incendie à Chefchaouen: trois sur quatre principaux foyers maîtrisés, l'extinction du foyer restant en cours (ANEF)    Enseignement supérieur : Le ministère de tutelle met en garde contre l'escroquerie de "Bawaba Study"    Températures prévues pour le vendredi 15 août 2025    France : les Marocains toujours en tête des étudiants étrangers, les ingénieurs indétrônables    La canicule pourrait coûter 0,3 point de PIB à la France    Soufisme au Maroc : Surprenant retournement à la tête de la tariqa Boutchichya    Spéculation immobilière : élus et fonctionnaires dans le viseur des autorités    L'Afrique et le Japon : Co-créer un avenir grâce à la jeunesse, à l'innovation et au partenariat    À Rabat, le bureau africain spécialisé de l'ONU contre le terrorisme, un pôle d'excellence qui a fait ses preuves    Des associations de MRE dénoncent l'exploitation d'enfants des camps de Tindouf en Italie    Mohammed Ihattaren se relance au Fortuna Sittard    Le tribunal de Berrechid condamne à dix mois de prison ferme l'auteur de l'accident ayant grièvement blessé une fillette à Sidi Rahal    OM : Azzedine Ounahi refuse de retourner au Panathinaïkos    Le Maroc reste la première nationalité étrangère affiliée à la sécurité sociale en Espagne malgré une légère décrue    Bitcoin : Nouveau record au-dessus de 124.000 dollars    Le Maroc classe la demeure historique Dar El Haj Thami El Mezouari El Glaoui au patrimoine national    Tourisme en images – EP3. Les immanquables de Marrakech-Safi    L'ambassade de Chine au Maroc félicite le Marocain Saïd Oubaïa pour sa médaille d'or en karaté aux Championnats du monde 2025 à Chengdu    Quand les mensonges se brisent sur le mur infranchissable du renseignement marocain    Festival Voix de Femmes à Tétouan : Du 14 au 16 août (concerts) et du 18 au 20 septembre (actions sociales)    Soufisme : Un appel à la paix depuis Fès pour déconstruire la radicalisation    Salon du livre de Panama : Inauguration du pavillon du Maroc, invité d'honneur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



« C'est pas la même chose »
Publié dans Le Soir Echos le 30 - 04 - 2012

Dans le premier spectacle de Gad Elmaleh, à la fin des années 1990, une des personnages, Mme Tazi, explique à son interlocutrice, éberluée, que son fils et « Abderrazaq el Merhaoui », « c'est pas la même chose ». Il faut être Marocain pour comprendre la portée de ce jugement péremptoire. Le « pas la même chose », de Mme Tazi, les Marocains, instinctivement, savent qu'il n'est pas économique, ou pas seulement. El Merhaoui peut être riche, et le fils Tazi en faillite, mais « c'est pas la même chose ». Cette situation – une différence ethnoculturelle factice qui s'ajoute sans se confondre à une différence socioéconomique – est aujourd'hui très rare dans le monde. Mais elle n'est pas inédite. Dans l'Angleterre du XIXe siècle, et encore un peu aujourd'hui, les « proles » enrichis ne fréquenteront jamais les clubs des aristocrates, qui restent ouverts aux nobles endettés et enguenillés.
Pourquoi une telle configuration n'existe plus au Moyen-Orient, ou plus près de nous en Algérie ou en Tunisie ? Il y a sans doute d'abord la prégnance culturelle de schémas mentaux propres à la société marocaine. Le mélange de confrérisme, de chérifisme et de culte des saints, particulièrement insistant au Maroc, a des effets politiques spécifiques. Mais la raison ultime à cette exception sociologique marocaine tient aux révolutions des années 50 et 60 que connaissent alors les pays arabes. L'égypte (1952), la Tunisie (1957, fin du Beylicat), l'Irak (1958), le Yémen (1961), l'Algérie (1962), ensuite plus tard la Libye (1969), ne se débarrassent pas seulement d'un maître pour le remplacer par un autre. Il est faux de considérer ces révolutions comme de simples coups d'Etat militaires, remplaçant la couronne par le képi. C'est passer à côté de ce qui fit leur force auprès des populations. Ce qui a disparu d'Egypte après 1952, ce ne sont pas les Khédives, dont le rôle, après tout, était déjà déclinant, si tant est qu'il fut important un jour. Ce qui a disparu, ce sont les effendis et les pachas, les beys et les khawagas, tout cet ensemble ambigu constitué d'anciens fonctionnaires ottomans, de bourgeoisies binationales tenant les postes économiques importants, de grands propriétaires terriens. Toute une faune que décrivent les romans de Lawrence Durrell (Quatuor d'Alexandrie) et les comédies musicales égyptiennes de l'époque.
Les marxistes égyptiens des années 30 et 40 déploraient l'inexistence d'une conscience de classe en Egypte, mais il faisait bien remarquer, comme d'ailleurs les observateurs de l'Algérie coloniale, que cela était dû à la superposition à la pure différence économique, d'une différence culturelle : raciale en Algérie, ethnoculturelle en égypte. Cette révolution sociale ne s'est pas produite au Maroc. Au lendemain de l'indépendance, la ferveur qui auréolait Mohammed V, sa proximité des masses paysannes, auraient pu briser la superbe d'élites urbaines apeurées par le danger des réformes agraires, avides de récupérer les positions abandonnées par les colons et les classes moyennes juives qui commençaient leur émigration. Mais cela n'eut pas lieu. La guerre froide, et la droitisation du régime à Rabat cristallisèrent autour de la petite bourgeoisie des médinas de Fès, de Rabat ou de Tétouan, une aura de différence ethno-sociale qu'elle fit tout pour conserver : endogamie matrimoniale, prise de participation dans des secteurs stratégiques, et politique culturelle de différenciation systématique (marginalisation et arabisation de l'enseignement public, ségrégation urbaine, néo-traditionalisme religieux, etc.) Mme Tazi a raison : une bonne, un jardinier, « c'est pas la même chose ». Pas seulement à cause du niveau de vie. Ce fut l'erreur de la gauche marocaine, de négliger tant les aspects culturels qui solidifiaient cette situation. « C'est pas la même chose » au point où un jardinier, une bonne, enrichis, ne rentraient pas dans le milieu dont parle Gad Elmaleh. Ce qui leur manquait, c'était une notion commune et unifiée de la citoyenneté, celle que les pays arabes ont forgée dans les années 50, et celle que le Maroc, désormais, doit à son tour construire, dans le respect de son histoire et de son exception.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.