La reconnaissance par Israël de l'indépendance du Somaliland marque un tournant stratégique dans la Corne de l'Afrique. Cette décision provoque une vive réaction de la Ligue arabe, qui dénonce une entorse au droit international, tandis que Mogadiscio convoque une réunion d'urgence et que le dossier s'invite ce lundi à l'agenda des Nations unies. Le vendredi 26 décembre 2025, Israël a reconnu le Somaliland comme un Etat indépendant. Cette reconnaissance ravive un conflit historique entre la région auto-proclamée indépendante depuis 1991, et la Somalie, qui le considère comme partie intégrante de son territoire. Cette décision s'inscrit dans une lecture stratégique plus large de la Corne de l'Afrique par Israël. Elle intervient dans un contexte de coopération sécuritaire renforcée, amorcée notamment par un accord conclu en 2022 avec l'Ethiopie, visant à contribuer à la stabilité régionale et à la sécurisation des routes maritimes stratégiques de la mer Rouge, dans un environnement géopolitique marqué par des rivalités d'influence. Le Somaliland est perçu par Israël comme un partenaire présentant des caractéristiques de stabilité institutionnelle et de coopération sécuritaire, notamment en matière de lutte contre le terrorisme. Des échanges exploratoires auraient porté sur l'éventuelle utilisation du port de Berbera à des fins logistiques ou navales, dans le but de renforcer la surveillance des détroits stratégiques de la région. Lire aussi : La Somalie et la Tanzanie renforcent leur partenariat Cette reconnaissance intervient en dehors du cadre du consensus international actuellement en vigueur et s'inscrit dans un contexte de partenariats déjà établis entre le Somaliland, Taïwan et l'Ethiopie, cette dernière cherchant à diversifier ses accès maritimes depuis la perte de l'usage du port érythréen. Crise somalienne : La Ligue arabe et l'ONU saisies En réponse, la Somalie a convoqué une réunion d'urgence de la Ligue arabe le 26 décembre 2025 au Caire, tandis que son parlement condamne l'acte comme une agression contre son intégrité territoriale. La Ligue arabe, par la voix de son Conseil et de ses ministres des Affaires étrangères, a fermement dénoncé ce qu'elle considère comme une violation du droit international et une atteinte à la souveraineté de la Somalie. L'organisation a appelé à l'activation de mécanismes diplomatiques et juridiques au sein des Nations unies. L'Union africaine a exprimé sa désapprobation à l'égard de cette initiative, estimant qu'elle pourrait établir un précédent préoccupant, susceptible d'avoir des répercussions significatives sur la paix et la stabilité à l'échelle du continent africain. L'Union européenne réaffirme son soutien à l'unité somalienne, évitant toute reconnaissance et soulignant les risques de déstabilisation régionale, sans mesures concrètes immédiates. Les Etats-Unis ne semblent pas, à ce stade, accorder une attention particulière à ce dossier, selon une déclaration du président Donald Trump rapportée par le New York Post. L'ONU, via le Conseil de Sécurité tiendra une session exceptionnelle ce lundi pour discuter de cette affaire. Jalons historiques d'une construction politique singulière Le conflit régional s'inscrit dans un héritage historique largement façonné par les découpages et les administrations issus de la période coloniale britannique et italienne. En 1960, le Somaliland, ancien protectorat britannique, s'est uni à la Somalie issue de l'administration italienne pour former un Etat somalien unifié. Cette construction politique a toutefois été fragilisée au fil des décennies, notamment durant la période du régime de Siad Barre (1969-1991), marquée par de profondes tensions internes et de graves violations des droits humains, particulièrement dans les régions du nord. L'effondrement du régime en janvier 1991 a entraîné la désintégration des structures étatiques somaliennes. Dans ce contexte, le Mouvement national somalien (SNM) a proclamé, le 18 mai 1991, l'indépendance du Somaliland à l'issue de la conférence de Burao. Cette dynamique a été consolidée par la conférence de Boorama en 1993, qui a posé les bases d'un cadre institutionnel stable, incluant une constitution, des forces de sécurité, une monnaie propre et un processus électoral régulier, contrastant avec l'instabilité persistante ayant affecté le sud de la Somalie au cours des années suivantes.