La CAN donne à voir la sophistication du dispositif sécuritaire marocain. On voit certains visiteurs du Royaume venus spécialement suivre cette compétition continentale s'arrêter pour mieux observer des éléments de la Brigade spéciale du BCIJ positionnés dans certains endroits stratégiques. Cagoulés, leurs uniformes sont impressionnants autant que leurs véhicules. C'est par cet aspect visible du travail de ces forces antiterroristes qu'a démarrée l'interview de Cherkaoui Habboub. Rappelant que le Bureau central des investigations judiciaires dont il est le directeur est le bras judiciaire de la DGSN, spécialisé dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, Habboub explique cet organe est pleinement mobilisé en toute circonstance. «Le BCIJ contribue à assurer la pleine sécurité de la CAN dans laquelle nous souhaitons pleine réussite à notre Equipe nationale, et avait contribué à assurer la sécurité dans des manifestations sportives internationales comme la Coupe du monde au Qatar ou encore les Jeux Olympiques à Paris, etc.», souligne Habboub. Affirmant que l'objectif premier demeure la préservation de la quiétude et la réussite totale de la CAN comme c'était le cas pour d'autres événements, le haut responsable explique que l'action du BCIJ repose sur le renseignement, la coordination opérationnelle et une vigilance de tous les instants, avec un engagement sincère et sans concession. La sécurisation de la CAN est assurée d'une manière pleinement souveraine. « Elle est 100 % Made in Morocco, comme l'a été la construction des stades », affirme Cherkaoui Habboub. La coopération internationale, ajoute-t-il, reste centrée sur l'échange de renseignements. En parlant de coopération, l'interviwé met en exergue son versant Sud-Sud qui se traduit, de la part du Maroc, par un fort appui à la formation des pays africains partenaires. Le BCIJ, rappelle-t-il, a organisé des sessions de formation, des ateliers et des simulations grandeur nature. La CAN constitue, selon lui, « un prélude stratégique aux préparatifs de la Coupe du monde 2030 ». Sur le terrain, la coordination constitue la clé de voûte du dispositif. « Elle est assurée de manière horizontale et verticale entre l'ensemble des services de sécurité, sous la direction de M. le directeur général du pôle DGSN-DGST, Abdellatif Hammouchi, qui veille à mettre rigoureusement en pratique les Hautes Orientations de SM le Roi Mohammed VI », précise Cherkaoui Habboub. Le message est sans équivoque : « Pas de relâche. Il n'y a pas de moitié-moitié quand on a la responsabilité d'assurer la sécurité de sa patrie et de ses concitoyens, notre engagement est total. On le sait, la quiétude ne peut régner que lorsque la sécurité est solidement assurée ». Le directeur du BCIJ met en avant ce qu'il qualifie de « clés du succès », fruit d'un saut qualitatif opéré ces dernières années : renforcement des ressources humaines par le recrutement de compétences pointues, amélioration substantielle des moyens matériels et montée en puissance de la formation, avec l'ouverture de nouveaux centres spécialisés. « Notre travail est mené sans répit ni relâche, sur la base du renseignement qui nous parvient des services centraux de la DGST», précise-t-il. Sahel : une menace persistante La vigilance est permanente, notamment face aux menaces en provenance du Sahel, présenté par le directeur du BCIJ comme « une source sérieuse de danger pour toute l'Afrique », étant « une zone stratégique exploitée par Daech ». À l'appui de ce constat, Cherkaoui Habboub avance des chiffres précis : 103 cellules terroristes ont été démantelées par le BCIJ depuis sa création, dont 93 liées à Daech. Il rappelle aussi, dans le même sens, que 130 Marocains ont quitté le pays pour rejoindre des organisations terroristes en Somalie. Il alerte également sur l'évolution des itinéraires empruntés par certains profils radicalisés : « Si la Turquie était auparavant un passage classique, les flux transitent désormais par le Mali, puis la Somalie via l'Ethiopie, profitant du manque de contrôle rigoureux dans certaines régions. » Une évolution qu'il juge particulièrement dangereuse. Le directeur du BCIJ attire enfin l'attention sur l'implication croissante de mineurs dans des activités terroristes. « Depuis la création du BCIJ, 54 mineurs ont été présentés à la justice, dont 13 pour la seule année 2025 », précise-t-il. Un phénomène mondial qui appelle, selon lui, à une responsabilité accrue des familles. « L'usage incontrôlé d'internet, y compris certains jeux vidéo, peut devenir un vecteur d'endoctrinement. Sans tomber dans la psychose, les parents doivent surveiller ce que consomment leurs enfants en ligne. » L'isolement prolongé d'un enfant de 12 ou 13 ans, enfermé des heures durant dans sa chambre, doit, selon lui, constituer un signal d'alerte. Mais le plus grand danger est ce qu'il se passe à Tindouf que Habboub décrit comme étant une « zone de libre-échange terroriste ». Le directeur du BCIJ prévient, encore une fois, de « l'implication du Polisario dans des activités terroristes est avérée », rappelant que lors du sommet contre Daech tenu à Marrakech, il a été clairement établi que « le séparatisme et le terrorisme sont les deux faces d'une même pièce ». À cela s'ajoute la question du financement du terrorisme, nourri par la vente d'armes, les trafics illicites, la criminalité en ligne et les rançons d'otages. « Dans les zones faiblement contrôlées, les groupes terroristes ne manquent pas de ressources », note-t-il, tout en rassurant : « Pas de crainte, le réseau de vigilance capte, même si le risque zéro n'existe pas. » Le Maroc, poursuit-il, multiplie les partenariats dans le cadre d'une coopération internationale efficiente contre le terrorisme et la criminalité organisée transnationale, notamment avec les Etats-Unis, l'Espagne et la France. « La sécurité du Maroc compte autant que celle de tout un chacun dans le monde », souligne Cherkaoui Habboub, rappelant que la lutte contre le terrorisme ne s'arrête pas aux frontières. Au-delà de l'action opérationnelle, le Royaume mène une stratégie préventive en amont, fondée sur la promotion d'une pratique religieuse apaisée et apaisante. « Il n'y a ni calcul ni opportunisme, mais un engagement ferme et sincère, aussi bien envers nos partenaires internationaux que nos frères africains », insiste-t-il. Pour Cherkaoui Habboub, la sécurité reste un levier fondamental : « Elle amène la stabilité, et la stabilité permet le développement. » C'est dans cette logique que le Maroc intensifie sa coopération avec les pays africains frères. Si le Royaume dispose aujourd'hui d'un corps sécuritaire solide, conclut-il, celui-ci connaît une remise en forme continue, portée par la stratégie conduite par M. Abdellatif Hammouchi, alliant modernisation, anticipation et adaptation permanente aux nouvelles formes de menaces.