Détenu durant 3 ans dans ce qu'on a appelé l'Affaire Belliraj, et gracié en avril 2011, Mustapha Mouatassim est aujourd'hui prêt à renouer avec l'activité politique, et n'attend que la permission des pouvoirs publics. Le fondateur du parti Al Badil Al Hadari a bien voulu accorder un entretien au Soir échos… Mustapha Mouatassim soutient que son parti est de tendance islamo-démocrate et qu'il tend la main à tous les démocrates marocains. Le Parti Al Oumma de Mohammed Marouani, autre ancien détenu de l'affaire Belliraj a récemment reçu le récépissé de dépôt de la part du ministère de l'Intérieur pour recréer son parti, où en est Al Badil Al Hadari ? Notre problème n'est pas lié au ministère de l'Intérieur, il l'était avec l'ancien Premier ministre Abbas El Fassi puisque c'est lui qui avait pris la décision de geler les activités d'Al Badil Al Hadari. Le 18 avril dernier, nous avons émis une demande de lever le gel du parti au nouveau chef du gouvernement Abdelilah Benkirane après qu'on se soit assuré que notre parti n'a pas été dissout. Nous attendons donc la réponse de la part de M. Benkirane. Est-ce que vous communiquez souvent avec Abdelilah Benkirane ? Lorsque j'ai déposé le dossier auprès du chef du gouvernement, je l'ai livré au secrétariat. Ceci n'empêche pas le fait que je communique de temps à autre avec M. Benkirane. D'ailleurs, tous les ministres du PJD n'ont pas changé leur numéro de téléphone depuis qu'ils ont été nommés. Vous avez disparu de la scène médiatique nationale, est-ce un choix délibéré ? Non, je n'ai pas disparu. Je participe souvent à des séminaires et des colloques sur différents sujets. J'ai contribué à différentes activités, que ce soit à Agadir, Meknès ou Casablanca. Seulement, lorsque votre discours est indésirable ou qu'il n'obéit pas à une certaine ligne, vous subissez automatiquement un embargo médiatique, alors que j'avais une idée particulière du processus de réformes engagées au Maroc qui ne plaisait pas forcément aux autorités. Pourtant, à votre sortie de prison, vous aviez accordé une interview à un de nos confrères dans lequel vous étiez très complaisant vis-à-vis du processus de réformes politiques et vous vous déclariez optimiste ! Je suis un homme politique, je ne m'attache pas aux illusions, et je connaîs très bien les limites auxquelles je suis confronté. Celui qui fait de la politique a deux choix : ou il choisit d'être optimiste en nourrissant de l'espoir sans pour autant croire aux mirages, ou bien il ne fait pas du tout de politique. La politique est l'art du possible. Êtes-vous inquiété par les services de sécurité ? Non, depuis ma sortie de prison, je n'ai eu aucune inquiétude, et ce même avant mon séjour en prison. De toute façon, au Maroc, on est tous en liberté provisoire. Quoi qu'il en soit je n'ai jamais changé mes idéaux, ni ma manière de penser. Que pensez-vous de l'instance chargée de réformer la justice ? Croyez-vous en une indépendance prochaine ? Je pense que c'est difficile de parler de l'indépendance de la justice, c'est encore prématuré. Mais le fait qu'il y ait une instance constitue à mon sens un pas en avant. Je me réjouis, de même, de la nomination de personnes comme Abderrahim Jamai et Abdelaziz Nouidi, car ce sont des personnes très intègres, et feront très attention aux travaux de l'instance. Mais le travail qui les attend est très difficile. Avez-vous encore un base militante ? N'avez-vous pas souffert du gel de votre parti ? Je vous mentirais si je vous dsais que le parti n'a pas souffert. Nous avons naturellement été impactés par des années de gel de nos activités. Nos différents bureaux locaux ont été fermés, et ce matin encore (vendredi matin), la wilaya de Fès a demandé à réquisitionner les clés du bureau local de Fès. Concernant les militants, un certain nombre s'est désisté du parti, mais en même temps, il y a de nouvelles personnes qui n'attendent que la levée du gel pour participer à la reconstruction de notre projet politique. Justement, quel est votre projet politique ? On dit que vous êtes des islamistes à tendance sociale, est-ce vrai ? On est plutôt des islamo-démocrates et, étant donné cet état de fait, nous tendons la main à tous les démocrates marocains. Concernant le processus de réformes enclenché au Maroc, nous considérons que le pays n'a pas encore entamé, non la transition démocratique, mais le passage vers la démocratie, ce qui est selon moi une nécessité. J'espère personnellement que tout le monde, gouvernants et gouvernés, puissent s'entendre pour arriver à une société démocratique et moderniste, dans son côté créatif du terme. Voilà environ 4 mois que Benkirane est à la tête du gouvernement, quel bilan en tirez-vous ? Il est difficile pour moi de juger le bilan de M. Benkirane. Cela ne fait que 2 jours que la loi de Finances a été enfin validée. Je pense qu'il y a du bon et du mauvais dans les actions du gouvernement. J'espère seulement que les ministres du PJD travaillent à réaliser ce pourquoi les Marocains les ont élus. Il faut qu'ils passent aux actes plutôt que de multiplier les effets d'annonce. Par ailleurs, je souhaite remercier M. Benkirane d'avoir accepté la demande du secrétaire général du CNDH, M. Sebbar, et de m'avoir délivré l'autorisation de pratiquer à nouveau mon métier de professeur universitaire. * Tweet * * *