L'UE réaffirme sa non-reconnaissance de la pseudo "rasd"    Driouich visite des unités industrielles halieutiques et deux chantiers navals Souss-Massa    Afrique-Europe : le Maroc au cœur du nouveau partenariat    CPS de l'UA : Le Maroc souligne l'urgence d'une réponse urgente et coordonnée pour la protection des enfants affectés par les conflits armés    CNSS. Un mois pour déposer les certificats de scolarité non vérifiés    Catalogne : entretiens maroco-espagnols pour renforcer la coopération bilatérale    Inflation. L'IPC recule de 0,6 % en octobre    Violences au Nigeria : le Kwara ferme ses écoles après une attaque mortelle    Ligue 1: Première apparition de Pogba avec Monaco après 26 mois d'absence    Centres de diagnostic d'Akdital : Un projet mort-né !    RDC: 89 civils tués par les rebelles ADF en une semaine dans l'Est    L'architecte Rachid Mihfad actualisera les plans d'aménagement interne de sept ports    L'Académie Mohammed VI, fer de lance d'un football marocain en plein essor    Elections : Laftit veut couper court aux « accusations gratuites » en ligne    Banques : Le déficit de liquidité se creuse à 137,7 MMDH    Olive : le Maroc adopte la Déclaration de Cordoue    A Ceuta, Pedro Sánchez appelle à renforcer la coopération avec le Maroc    Le Maroc inclus dans un nouveau contrat américain de soutien aux F-16 de 304 millions de dollars    France : Un chef du renseignement nie tout lien entre LFI et islamistes mais pointe l'ultradroite    Le Parti populaire espagnol à Gran Canaria soutient le Polisario    Forum Africa Logistics : une nouvelle plateforme pour la connectivité du continent    1⁄4 de finale CDM U17 /Jour J pour '' Maroc–Brésil'' : Horaire ? Chaînes ?    Morocco shines with three medals at Islamic Solidarity Games in Riyadh    Edito. Une sacrée soirée    JSI Riyad 25 / Jeudi : trois nouvelles médailles mais une place perdue au tableau du classement    CDM (f) Futsal / ''Maroc-Argentine'' : le score passe à 6-0 après la reprise pour l'Albicéleste    Saint-Gilles : Vers un départ de Sofiane Boufal cet hiver    Climat : ces initiatives du Maroc à la COP30    Marruecos: La SGTM presenta su oferta pública en la bolsa de Casablanca    Grippe aviaire : premier foyer dans un élevage de poulets dans l'Ouest français    Températures prévues pour samedi 22 novembre 2025    Morocco–EU deal : Labeling of Sahara products fails to convince MEPs    Morocco pursues diplomatic outreach to Tanzania, despite its recognition of the «SADR»    ONU Maroc lance un concours de rap et de slam pour sensibiliser les jeunes sur les violences numériques    Expo : «Les origines de la vie» ou le Big Bang du vivant    Australie: Meta va bloquer l'accès des moins de 16 ans à Facebook et Instagram le 4 décembre    Mr. ID dévoile ASKI, une immersion artistique au cœur des musiques du Sud marocain    Le Bloc-Notes de Hassan Alaoui    Guelmim : Un total de 117 ans de prison après les émeutes suivant les manifestations de GenZ    Près d'une femme sur trois a subi des violences conjugales ou sexuelles dans sa vie, selon l'OMS    L'armée pakistanaise annonce avoir tué 23 insurgés à la frontière afghane    Indice mondial du savoir 2025 : le Maroc face au défi du capital intellectuel    Rabat accueille la 12e édition du Festival Visa for Music    « Santa Claus, le lutin et le bonhomme de neige » : un spectacle féerique pour toute la famille au cœur du pôle Nord    Patrimoine : le caftan marocain en route vers l'UNESCO    Attaques jihadistes. Alerte maximale au Nigeria    Be Magazine : Rabat se fait une place méritée dans les grandes tendances du voyage    Festival International du Film de Marrakech: la composition du jury de la 22e édition dévoilée    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Salwa Al Neimi et Marguerite Duras : deux passions suspendues
Publié dans Le Soir Echos le 21 - 01 - 2013

Cent morts par jour, cela semble le tribut ordinaire de la tragédie syrienne dans une indifférence universelle. Dès lors, comment lire aujourd'hui la poétesse et romancière Salwa Al Neimi dont on connaissait déjà La Preuve par le miel (Robert Laffont, 2008), cette méditation sur le plaisir et la liberté, endiablée par la lecture des grands textes érotiques de la littérature arabe (traduit par Leïla Tahir, 2013) ? Si l'on a le cœur serré par l'ordalie que subit la Syrie, que reste-t-il d'audible dans une scène de jalousie : « Dès qu'il m'avait vue, il n'avait pu s'empêcher de lancer une attaque sur tous les fronts. Il est impossible de discuter avec un tireur embusqué qui cherche ouvertement à vous assassiner, de lui expliquer pourquoi vous passez sur ce trottoir. La violence de sa jalousie m'avait anéantie ». Les termes guerriers pour évoquer une joute entre amants, comment les entendre autrement que les échos du verbiage narcissique lorsque des meurtres sont perpétrés à la chaîne et que des blessés sont défigurés, des familles entières dépecées et que les balles sifflent dans les décombres ? Presqu'île arabe publié à Beyrouth en 2012 sous le titre Shibh al-Jazira al-Arabiya a été écrit entre 2009 et 2011. Le livre contient des propos plus graves que les seuls aveux de détresse dans le conflit amoureux. L'exilée syrienne écrit avec amertume et colère : « Cette patrie est la leur. La patrie est à eux. La partie est leur propriété. Ils n'ont que la patrie à la bouche. Nous ne la leur avons pas cédée, mais ils nous la soufflent au visage comme un poison qui nous tue. » Ailleurs, Salwa Al-Neimi constate : « Il faut que la blessure soit béante pour que les spectateurs s'y intéressent et que le pays s'élève au rang de matière consommable. » C'est ainsi qu'elle interprète le sort de l'exilé irakien racontant : « – J'ai vécu vingt ans en Hollande comme un vagabond. (...) Dès que je proposais une pièce de théâtre, elle était jetée à la poubelle. Cela a duré jusqu'en 2003 et l'occupation de L'Irak. (...) Tout a changé.» Presqu'île arabe est le roman du droit à l'absence d'illusions. La traductrice aurait gagné à ne pas écrire « haltons » qui est un affreux barbarisme tandis que « faisons halte » s'imposait. Il n'empêche que Presqu'île arabe émerge de la production romanesque comme une myriade d'affects venant affronter l'impassibilité du lecteur.Fille d'une chrétienne et d'un musulman, la narratrice explorait la névrose politique de sa mère mais avec tendresse : « Je ne colle à elle comme un petit chat et je n'adhère pas à sa ligne dogmatique ». Salwa Al Neimi n'adhère d'ailleurs à nulle ligne dogmatique : elle écrit tantôt pour s'inventer, tantôt pour inventorier ses intuitions, ses convictions et ses rêveries. Alors ? « Le ciel ne m'a pas engloutie. Il n'a pas même été l'hôte de mes débris. Le ciel ne m'a jamais engloutie, la terre non plus. Suspendue entre les deux, je poursuis ma chute.
» Il y a de moins belles façon de tomber des nues face à l'opacité du monde en sauvegardant le droit imprescriptible de chacun à ne pas être broyé par la fausse parole et à faire retentir les plus intimes convulsions et convictions. Cela s'appelle la liberté intérieure, sans quoi la liberté s'apparente à des grimaces avantageuses ou pas. Le plus intrépide dans Presqu'île arabe, c'est la manière bravache dont Salwa Al Neimi médite, elle qui est Parisienne depuis des années, sur la relation que les exilés entretiennent avec le pays d'origine et avec le pays d'accueil. L'idée de suspension de la personne qui affecte tout le vécu de la romancière de Presqu'île arabe dans sa vision panoptique des effets d'une société militarisée continuera certainement de hanter les lecteurs. Ils feront provision de propos lumineux comme aussi d'assertions drastiques, voire grotesques, et de confidences rarement exemptes d'égomanie en découvrant les entretiens recueillis par la journaliste italienne Leopoldina Pallotta della Torre à la faveur de ses rencontres avec Marguerite Duras. Le fruit de ces échanges qui portaient sur la vie et l'œuvre de l'auteure de L'Amant parait sous le titre La Passion suspendue (Seuil, 2013, traduit de l'italien et annoté par René de Ceccatty). S'il y a prouesse, c'est d'abord le fait du traducteur qui restitue miraculeusement la ligne mélodique des intuitions comme des exaltations et des exaspérations de Marguerite Duras. Que dit-elle ? « Ceci, par exemple : « C'est l'oubli, le vide, la mémoire véritable : celle qui nous permet de ne pas succomber à l'oppression du souvenir, des souffrances aveuglantes et que, heureusement, on a oubliées ». On est saisi par le pouvoir de révélation que possédait Marguerite Duras, son art de décanter les enchantements et les désenchantements. Voici qu'elle prodigue soudain des clés dont chacun pourra user, voulant se découvrir. Bien sûr, les proclamations de pythie auxquelles la romancière se livra si volontiers dans les dernières années de son existence nous laissent souvent consternés quand elles n'apparaissent pas loufoques mais qu'à cela ne tienne, la lecture de La passion suspendue nous fait pénétrer dans l'atelier d'un peintre du vivre dont la palette est déroutante et souvent éclairante car l'artiste menait une lutte contre la censure de l'expérience et du désir. L'antidote à l'adhésion requise est, si l'on veut, fournie en notes avec une réfutation de Duras par Philippe Sollers. Inversement, Duras y va de sa volée de bois vert à l'encontre de l'auteur de Femmes dans sa conversation avec Leopoldina Pallotta Della Torre.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.