Les diplômés chômeurs crient victoire. Le tribunal administratif de Rabat ordonne leur intégration sans concours dans la fonction publique comme le stipule l'accord du 20 juillet 2011, signé par Abbas Fassi, alors premier ministre. Ils sont 19 plaignants à exiger, depuis plus d'un an et demi, du cabinet de Benkirane d'honorer les engagements de son prédécesseur. Cependant, les manifestations dans les rues ont été vaines. Les diplômés chômeurs ont donc décidé de recourir aux institutions judiciaires pour faire valoir leurs « droits légitimes ». Le tribunal administratif de Rabat leur donne gain de cause et ordonne l'exécution et l'application de l'accord du 20 juillet 2011. Le juge administratif condamne également le gouvernement à payer une indemnité financière aux plaignants en prenant en compte la date de signature de l'accord. Pour rappel, en 2011, afin de calmer la rue et éviter une explosion sociale alors que le Printemps arabe battait son plein dans différents pays arabes, Abbas El Fassi, alors premier ministre, a annoncé des mesures sociales exceptionnelles dont le recrutement dans la fonction publique. Un accord a été ainsi paraphé entre Abbas El Fassi et les coordinations des diplômés chômeurs. Il stipule l'intégration directe et sans concours des diplômés chômeurs dans l'administration. Plus de 3 000 jeunes au chômage sont concernés. L'avènement du PJD à la tête du gouvernement change la donne. Abdelilah Benkirane refuse d'appliquer l'accord arguant que « le recrutement direct dans la fonction publique est anticonstitutionnel ». Il brandit l'article 31 de la Constitution qui stipule que « L'Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales oeuvrent à la mobilisation de tous les moyens à disposition pour faciliter l'égal accès des citoyennes et des citoyens aux conditions qui leur permettent de jouir du droit à l'accès aux fonctions publiques selon le mérite ». Des voix se sont elevées pour dénoncer la position du PJD. Le PAM a même appelé le chef de gouvernement à respecter l'engagement pris par le secrétaire général du parti de l'istiqlal, qui était son principal allié dans la majorité (avant l'annonce de la décision de Hamid Chabat de se retirer du gouvernement). Une question s'impose : Le gouvernement exécutera-t-il la décision de justice ? Ou fera-t-il appel ? La position du gouvernement n'est pas claire. Lors d'un point de presse organisé jeudi dernier à l'issue du conseil de gouvernement, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement Mustapha El Khalfi a déclaré que « le gouvernement respecte les décisions de justice. Cependant, en ce qui concerne cette affaire, le gouvernement n'a pas encore pris de position parce que la procédure judiciaire est en cours ». Mustapha El Khalfi a ajouté que « le chef de gouvernement a déjà affirmé au Parlement que les concernés peuvent recourir à la justice ». L'affaire des diplômés chômeurs met le cabinet de Benkirane à l'épreuve. «juridiquement, le gouvernement a droit de faire appel de la décision du tribunal administratif de Rabat, mais du point de vue politique, ce serait une erreur politique », souligne Mohamed Ziane, avocat des diplômés chômeurs avant de poursuivre : « Le gouvernement Benkirane doit saisir cette occasion pour d'abord réhabiliter la confiance des citoyens dans la justice et pour prouver qu'il y a une autre alternative aux manifestations dans les rues et les sit-in devant les ministères et le Parlement pour faire valoir ses droits. C'est le recours aux institutions judiciaires ». Cette affaire risque de tourner mal face à la crise politique si le gouvernement de Benkirane campe sur ses positions. Dans les prochains jours, le tribunal administratif de Rabat connaîtra certainement une affluence record. Les autres diplômés chômeurs qui représentent plus de 3 000 jeunes, procéderont au dépôt de leurs plaintes pour profiter de cette décision judiciaire. Ils ne jetteront pas facilement l'éponge et semblent déterminés à aller jusqu'au bout pour faire valoir leurs droits jugés « légitimes ».