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Salim Jay : Dada L'Yakout était quelqu'un
Publié dans Le Soir Echos le 07 - 06 - 2010

Choisissant de rédiger l'autoportrait sans complaisance d'une femme à la vie volée qui contribua grandement à la formation de sa sensibilité d'enfant, sa Dada L'Yakout, Nouzha  Fassi Fihri a réussi un beau livre. 
Ma promesse à l'auteure, rencontrée à la faveur d'un Salon du livre, consista en l'assurance que je n'évoquerais pas les importantes responsabilités nationales de plusieurs membres de sa famille lorsque je rendrais compte de son ouvrage. Cette promesse tenue, j'avoue avoir lu Dada L'Yakout (Le Fennec, 2009) sans parvenir à oublier la voix délicieusement chantante de la romancière. On est presque au music-hall lorsque Nouzha  Fassi Firhi vous dit l'heure. Une autre des astreintes que je rencontre au moment de saluer son livre tient au fait qu'elle est l'épouse de mon ancien professeur d'arabe au lycée, un homme plein d'humour et de bienveillance. 
La bienveillance, c'est tout ce dont fut privée Yakout. Nouzha  Fassi Fihri fait entendre tantôt suavement, tantôt avec âpreté le cri de révolte et le besoin de douceur de cette victime de la férocité des hommes. Ce qui nous est conté, c'est l'enlèvement d'une petite-fille et sa réduction à l'état d'esclavage. La lumière sera au bout du chemin, mais quel calvaire avant que des enfants ne l'adorent tandis que leurs parents taquinent affectueusement la servante devenue l'un des piliers de la famille. Jamais cependant, Yakout n'abdiquera. Faute d'avoir connu la liberté, elle en mesure mieux que personne la valeur. Ce qu'a vraiment réussi Nouzha  Fassi Fihri, c'est un exercice d'empathie sans limites. On partage vraiment la conscience que la victime a de ce qu'on lui a fait subir d'intolérable presque tout au long de son existence et les capacités de résilience d'un être bafoué nous sont révélées finement. 
 La société marocaine s'est rarement interrogée avec profondeur sur l'histoire de l'esclavage en son sein. Certes, on connaît l'incontournable ouvrage de Mohammed Ennaji «Soldats, domestiques et concubines» (Balland/Eddif), mais le thème apparaît rarement aussi central que dans ce roman littéralement habité par la douleur d'une femme arrachée aux siens dès la petite enfance et qui s'est vue privée de la découverte de l'amour : ayant été violée à de multiples reprises dans les familles d'accueil qui usaient et abusaient d'elle comme d'une chose. C'est un Maroc ancien, certes, que nous raconte Nouzha  Fassi Fihri en recomposant le récit que faisait Yakout de sa vie. Ce Maroc là, elle en produit une fresque convaincante, sachant aussi bien dire la fulgurante beauté des paysages au fil des saisons, l'imbroglio des sentiments, la peur qui tenaille, la révolte impossible et cependant manifestée, les jalousies et les tendresses, le précipice où Yakout a souvent le sentiment d'être jetée à jamais et la sauvegarde à laquelle elle parvient de tout ce qui fait la dignité personnelle. 
 Particulièrement réussies sont les évocations du comportement des femmes entre elles, de leurs querelles et de leurs alliances. Les portraits d'hommes brutaux ou aimants sont toujours précis, parfois narquois, parfois vengeurs, jamais dupe, Yakout, et même pas dupe de ses propres turpitudes qu'elle relate loyalement. 
Toutes les traditions ancestrales sont évoquées de façon vivante. La plus belle des traditions traverse tout le roman, et c'est, au fond, ce qu'il convient d'appeler l'amour de la vie. Une phrase résume fort bien ce credo : «Et nous oublions nos tourments dans le plaisir de fêter ensemble le lever du jour». Certains épisodes sont carrément tragiques, d'autres loufoques. Tout le roman libère une parole justicière mais dépourvue de hargne et c'est une leçon d'amour des autres que Dada L'Yakout offre aux enfants à qui elle fait confidence des soubresauts d'une existence dévouée de force aux autres. 
 On se sentirait presque indiscret de lire à haute voix le roman de Nouzha  Fassi Fihri. C'est dire que la voix de Dada L'Yakout retentit en nous intimement. On en vient tout naturellement à tenter de la dessiner devant nos yeux. On voudrait pouvoir lui épargner les malheurs qui surviendront à la page suivante ; on voudrait l'embrasser pour la remercier de sa fantaisie et de sa bonté, de son courage et de sa force. Peu de romans provoquent ainsi l'impression d'avoir fait la connaissance de quelqu'un, et qui n'était pas n'importe qui.


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