Le Maroc doit se préparer à faire face à des lendemains difficiles. Dans une récente déclaration Angela Merkel précise : «L'Euro est en danger, et si nous ne nous prémunissons pas contre ce danger les conséquences pour l'Europe et au-delà de l'Europe seront incalculables. Si l'Euro sombre, l'Europe échoue». Voilà de quoi inquiéter les partenaires économiques de l'Union européenne parmi lesquels se trouve, évidemment, le Maroc. Faut-il prendre à la lettre les propos de la chancelière allemande et se préparer au pire ou afficher une sérénité de circonstance et adopter la politique du wait and see ? A vrai dire, le problème qui risque de se poser au Maroc, au cas où la crise financière de l'Europe s'amplifie et se généralise, est beaucoup plus complexe. De prime abord le Maroc n'a pas trop d'inquiétude à avoir : sa situation financière est saine (le déficit budgétaire ne dépasse pas 3,5%, l'inflation autour de 3% et la dette extérieure est en net recul puisqu'elle se situe autour de 18% et le taux de croissance relativement élevé 5,2%). Au total, et pour rester dans le schéma intellectuel orthodoxe, le Maroc remplit toutes les conditions pour faire face à la nouvelle tempête financière qui se profile à l'horizon. En revanche, la question n'est pas aussi simple. La crise qui menace d'éclater en Europe est autrement plus dangereuse pour l'économie nationale que celle qui vient de se terminer. Dans la crise passée, tout le monde s'est vu contraint et forcé de recourir à une politique anticyclique, en tirant certes à hue et à dia mais en espérant profiter des efforts des partenaires. Maintenant l'enjeu est tout autre : il faut faire face au risque de déflation. Les gouvernements subissent la pression des marchés pour réduire les déficits, les dépenses et la dette. En d'autres termes, il s'agit de réduire la demande interne. Leurs dettes publiques ont explosé au point de susciter les doutes des investisseurs internationaux quant à la solvabilité de certains Etats. Et leurs marges de manœuvre pour refouler le chômage de masse sont limitées. Si, par ailleurs, les pays d'Europe cumulent d'une part, le risque de déflation de la dette et, d'autre part, la menace de généralisation des politiques de désinflation compétitive, plus rien ne soutiendra l'activité. En somme, le Maroc doit comprendre aujourd'hui qu'il est arrimé à une locomotive momentanément en panne. Plusieurs pays européens, pris au piège d'un endettement immodéré, sortent durablement affaiblis de la crise. Un exemple, l'Espagne qui est le deuxième partenaire économique du Maroc est un des pays qui risque de succomber. N'oublions pas : de tous les pays de la zone euro, elle serait le seul, avec l'Irlande et la Grèce, à conserver une croissance négative en 2010 (selon les prévisions de la Commission européenne). Pire, l'austérité exigée par les marchés financiers et la commission européenne risque de dégrader davantage les perspectives d'activité et d'emploi dans un pays qui compte déjà 4 millions de chômeurs. Des lendemains difficiles Le marché européen se crispe, la demande recule, les turbulences conjoncturelles reprennent. La sortie de crise s'avère difficile pour cette région du monde. Les partenaires économiques du Nord comme du Sud de l'Europe ne seront pas épargnés. Ils doivent s'attendre à des répercussions négatives. Le Maroc doit se préparer à faire face à des lendemains difficiles. Dire que la crise est derrière nous et faire mine de croire que la demande externe y pourvoira, c'est oublier les graves secousses qui agitent désormais l'espace géoéconomique qui nous sert de premier partenaire. Outre les répercussions sur les échanges, l'immigration, les investissements directs étrangers et le tourisme, il y aura des répercussions monétaires et financières. Dès lors, il ne suffit pas d'injecter quelques liquidités pour relancer la machine économique. De toute façon, cette possibilité est à écarter dans la situation actuelle. Il faut envisager d'autres solutions pour ne pas se laisser emporter par cette tempête qui vient du Nord. Du fait de ce basculement, on pourrait être tenté de reprendre les interrogations de Hervé Juvin (président d'Eurogroup Institute) qui s'est posé la question : est-ce que l'avenir du Maroc est plutôt du côté de la façade atlantique ? Ou est-ce que cet avenir se fera-t-il en Afrique subsaharienne qui va devenir une zone à fort développement démographique ? Disons, pour être réaliste, que l'Europe restera pour notre pays le plus grand partenaire économique. Toutefois, il doit sortir des sentiers battus et se repositionner sur le marché mondial. Driss Benali Economiste Consultant