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L'ami Ferrari
Publié dans Le temps le 15 - 06 - 2011

Le néocadre s'inflige le récit de vie de Fouad, heureux propriétaire d'un bolide rutilant.
«C'est un peu comme une force collective tu vois, un mouvement général, une révolution biologique, il n'y a rien de plus naturel en fait. La destruction de l'autre, voila ce que c'est une bonne destruction bien grasse, un réflexe humain, un réflexe d'évacuation, de rééquilibrage. Et puis tu vois, non seulement je l'accepte mais je la pratique par moment, un peu comme tout le monde, comme une torture tolérée, presque saine, je m'en accommode en fait, il est toujours très intéressant de balancer sur quelqu'un qui réussit, du coup, je le fais, je ne m'en excuse pas.» C'est Fouad, et Fouad a reçu des coups, de sérieux coups, il s'est relevé pour prêter le flanc à une nouvelle salve d'agressions, et puis encore, inlassablement, il s'est relevé, il a fait de son mieux, il fait toujours de son mieux. Ce n'est pas facile de posséder une Ferrari à 29 ans. C'est plus une violence qu'on ne peut l'imaginer. Cela vous place dans le faisceau agrégé d'un million d'yeux hagards, envieux, féroces, cela vous catalogue d'élément à évacuer. Et, comme deux et deux font quatre et que Homer Simpson est clairement un homosexuel refoulé, vous vous faites évacuer. C'est ce qui arrive à Fouad. Siphonné, pasteurisé, laminé, en piteux état de déchéance matérielle et mentale, il gamberge des théories sur sa chute...
«Je me la suis achetée à 29 ans, voilà, à 29 piges, j'avais payé comptant une Ferrari, je l'avais dédouanée, customisée, j'avais gravé mes initiales sur le capot, sur le cuir des sièges, j'avais reçu une casquette en édition limitée de Maranello avec le cheval cabré Brodé dessus et mon prénom bien sûr. Une petite lubie mégalo sans plus. Il y a de la normalité à se célébrer quand la providence vous célèbre. C'est simple, personne dans mon entourage ne possède une Ferrari. Ça vous classe ce genre de truc, ça vous positionne, ce puits à charges vous propulse dans une strate humaine d'air raréfié ; alors, vous gonflez d'hélium comme un ballon de baudruche. Et quand vous roulez à 250 Km/heure sur l'axe Casa-Marrakech et que le portable d'une demi-mondaine raisonne de sonorités moyen-orientales grasses de vulgarité, vous pouffez, vous voltigez d'amour-propre «Ouais, je l'ai fais, et je vous encorne tous bande de loosers pathétiques», et le vrombissement du moteur agit comme un stimulant sur la demi-mondaine qui glousse, glisse, et glose votre prénom à 25 répétitions la minute, une bouteille d'Hennessy sur les genoux. Ouais, c'est bon d'avoir plus de fric que la banque centrale du Botswana. Le hic c'est que ça ne dure pas, en fait ça dure aussi longtemps qu'une séquence musical, montage haché d'une comédie romantique ricaine. Tu sais, le segment Fast forward ou «I'm walking on sunshine» en fond sonore, les deux amoureux se balancent des tomates devant l'étal d'un marchand de légumes ravi qu'on ruine sa ressource vivrière. Ensuite, les emmerdes, les rumeurs, les créditeurs, la traque, la dérive. Mais bon, je la conserve cette Ferrari, je ne la lâche pas, bientôt j'y passerai mes nuits.
Le quart d'heure de gloire
L'avantage avec une Ferrari c'est que tu peux débarquer devant la villa de n'importe quel inconnu, tu klaxonnes, on ne te connaît pas, mais on t'ouvre volontiers la porte du garage, on t'invite à bouffer, voire à passer la nuit. Cette caisse c'est mon assurance contre la belle étoile. Je n'ai plus guère qu'une poignée de piécettes dans la poche, mais mes draps sont amidonnés et mes lits invariablement King size. Du coup, c'est ce que je fais à présent, je m'invite grâce à ma caisse. Je m'invite chez des inconnus, je leur vends du rêve et accessoirement un peu de cannabis. C'est si pratique de distiller les promesses mensongères quand on plane au-dessus de la morale. Et il faut les voir tous ces gens, il faut les voir se frotter les mains devant toutes les possibilités que je suis censé présenter, ils proposent des joint-ventures, des partenariats juteux, vous flanquent leur patrimoine à la face, ils se font valoir, tentent d'obtenir une reconnaissance, une légitimité de partenaire et bien que je ne cesse de marmonner des «hum, hum, hum» poreux, insipides, insignifiants, ils s'enhardissent, disent vouloir investir dans mon projet, m'accompagner, associer leur destin à celui d'un propriétaire de Ferrari. Cette bagnole est ma tour de Babel, une satanée plaie. Mais je la traîne volontiers cette plaie, je la traîne comme on traînerait le souvenir d'un bon coup, le souvenir d'un bonheur, d'une minute d'extase. Enfin bref...»
Le néocadre se demande ce que Fouad attend de lui. Il a très vite sa réponse.
«T'as un matelas pour moi ce soir ?» demande-t-il au néocadre.
- Tu me fais faire un tour en Ferrari ?
- Ouais ouais, soupire Fouad, ça devrait pouvoir se faire.
Il allume un pétard...
Réda Dalil


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