Petite fleur exotique ayant fendu le bitume de la métropole, Zara Samiry capture l'âme casablancaise à coup de clichés et de sonorités. A la voir raconter les prémices de son parcours, il est difficile d'imaginer cette frêle demoiselle un appareil photo à la main, partant à l'affût du moment à capturer dans la jungle casablancaise pour en capter la vie des autochtones. Cette native de la ville blanche a vécu et grandi à Casablanca avant de voguer sous des cieux occidentaux, histoire de voir du pays, d'expérimenter la «ghorba» ou simplement de choisir la voie qui sera aujourd'hui la sienne. Quand on la questionne sur ce qui l'a poussée à choisir la photographie, elle répond: «La photo a toujours fait partie de ma vie. Etant petite, j'avais l'habitude de poser avec ma famille pour toutes les occasions possibles et imaginables ; ces photos n'étaient pas seulement un moyen de préserver nos souvenir, mais aussi un lien fort qui nous unissait. Adolescente, j'ai peu à peu senti ces instants disparaitre et j'ai décidé d'y pallier en étant celle qui se tient derrière l'objectif. Je prenais le petit appareil photo qu'on m'a offert pour me portraitiser, pour assouvir ce sentiment qui a fait le bonheur de mon enfance». De là naîtra Zara la photographe. Pour donner forme à son rêve, elle choisit l'exil, à plus d'un titre. Son BTS développement multimédia puis diplôme supérieur en communication et publicité en poche, elle finit par se tourner vers un Diplôme National Supérieur en Expression Plastique en France. Ses années françaises la pousseront à dépeindre un univers qui lui est désormais familier, celui de ceux et celles qui ont un jour vogué loin de leurs racines. L'exil apparait peu avant, quand elle décide de partir en Inde, à la venture. Elle ne s'autorise quelques centaines d'Euros pour son voyage et elle y découvrira des odeurs et des paysages, se rapprochera du dénuement afin de mieux le capturer, puis y retrouvera des sensations bien familières, des senteurs bien casablancaises. Casablanca, son amour On n'imagine pas le courage de Zara Samiry en la côtoyant le temps de découvrir telle ou telle variante de boisson caféinée chez un barista local. C'est fin 2010 qu'elle décide de rentrer à son port d'attache, avec pour seul bagage un appareil photo. Au fur et à mesure qu'elle dévoile sa personne, elle capture du regard. Pour elle, il ne peut en être autrement, son regard ne cesse de faire des rondes, d'imaginer des clichés. «J'aurais voulu avoir un appareil photo à la place des yeux pour capturer tous ces moment que je rate», dira-t-elle en riant avant de nous raconter son retour à sa ville natale. Quelques gorgées et palabres mondaines plus tard, elle nous présente ce qui est au cœur de son retour à Casablanca, une redécouverte visuelle et sonore de la métropole. Exit les clichés touristiques ou racoleurs. La photographe capture l'essence de la ville sans concessions, la présente à l'état brut, ou parfois l'exacerbe pour mieux en ressortir l'âme. «Je suis née et j'ai grandi ici, il est pour moi important de faire ce travail en premier temps dans ma ville natale, justifie-t-elle. Il va de soi que je transposerai cette expérience sur d'autres villes, mais je dois d'abord rendre hommage à ma ville. C'est un travail de longue haleine et loin d'être de tout repos. Nous savons tous toute la difficulté que le métier de photographe suppose dans notre métropole, surtout pour une femme. Pour mon web-documentaire sur la ville blanche, je rencontre souvent quelques difficultés pour approcher certain quartier.» Mais Zara n'en démord pas pour autant, forte de sa volonté et de son amour pour sa ville natale, elle poursuit son itinérance métropolitaine avec verve. Elle finance elle-même une partie de son documentaire et a ouvert la porte aux contributions de mécènes, afin de préserver «Dans la ville blanche» toute sa dimension personnelle et émotionnelle. «J'ai eu plusieurs expériences en France, mais quelque chose en moi me disait qu'il fallait que je rentre même si cela me coûte beaucoup. La matière qui existe ici pour la photographe que je suis est colossale. Certes le métier de photographe est dur, les conditions ne sont pas toujours propices à une certaine créativité et liberté photographique, mais je persévère et compte sur le soutien de ceux qui sont prêts à m'accompagner pour faire briller la ville blanche.» Son café terminé, la photographe prend congé de nous, avant de s'engouffrer dans la pluie d'un été casablancais. Elle nous laisse alors ce sentiment de chapitre au goût inachevé, nous donnant envie de voir aboutir son art. Yassine Ahrar