Après Casablanca, Mohammedia et Tanger, c'est la ville de Tétouan qui a dû faire face à des crues soudaines qui se sont transformées en torrents violents et destructeurs causant d'importants dégâts matériels. Selon les autorités locales de la préfecture de Tétouan, cette situation est due à des précipitations qui ont atteint 100 mm entre 7h00 et 16h00, entraînant une augmentation du débit de certains cours d'eau et des inondations au niveau de plusieurs canaux d'évacuation. Un bulletin spécial émanant de la Direction générale de la météorologie avait annoncé de fortes averses orageuses de niveau de vigilance orange, du lundi au mardi, dans la ville de Tétouan et ses environs (M'Diq-Fnideq) ainsi que dans les provinces d'Al Hoceima, Chefchaouen et Fahs-Anjra. Selon plusieurs témoignages, photos et vidéos publiés ou diffusés sur les réseaux sociaux, les crues ont envahi des quartiers entiers, créant une situation de panique au sein de la population locale. Les pluies ont également paralysé la cité et rendu toute intervention de secours ou de sauvetage très compliquée. Comment peut-on expliquer ces inondations intenses et surprenantes qui touchent notre pays de temps en temps? Pour plusieurs spécialistes, ces inondations n'ont rien de surprenant vu le climat semi-aride de notre pays et sont liées directement aux changements climatiques comme c'est le cas dans d'autres pays méditerranéens. Selon un rapport établi par Zurich Assurances Maroc, notre pays a enregistré pas moins de 35 épisodes d'inondations entre 1951 et 2015, tout en précisant que les crues ne sont pas une nouveauté au Maroc où, traditionnellement, elles étaient accueillies positivement en tant que source d'irrigation providentielle pour les cultures. «Cependant, ces dernières années, la forte urbanisation, la croissance de la population et les effets probables du changement climatique font de ces crues une véritable source de risque pour un nombre toujours plus important de personnes et d'infrastructures vitales», indique le rapport. Dans une récente édition de Libé, nous avons indiqué que les inondations représentent 70% des catastrophes naturelles qui touchent notre pays. Face à ce constat, on se demande si le lundi noir à Tétouan, la catastrophe qui a touché dernièrement Tanger et celle de Casablanca, le mois dernier, pouvaient être évités. Autres questions et non des moindres, qu'en est-il des divers instruments déployés depuis 2009, principalement en vue d'améliorer les capacités d'intervention ? Quid du Plan national de lutte contre les inondations (PNI) qui a répertorié 391 zones inondables parmi les huit principaux bassins des grandes rivières du pays ? Qu'en est-il du Centre de veille et de coordination (CVC) qui n'intervient qu'une fois la crise confirmée ? Qu'en est-il également des cellules de crise qui ont été créées en 2009 dans l'ensemble des provinces ? A vrai dire, tous ces dispositifs ne servent pas à grand-chose. En effet, la succession des événements tragiques liés aux inondations a été souvent une occasion pour les autorités gouvernementales d'envisager des projets de mise à niveau des infrastructures endommagées ou de celles dites de protection. Quant aux actions de prévision et de préservation, elles sont quasiment absentes. Selon le document de Zurich Assurances Maroc, l'accent a été longtemps mis sur la gestion des situations d'urgence lorsqu'elles se produisent plutôt que sur la prévention des risques avant la survenue des catastrophes et aucune politique en la matière n'est intégrée aux programmes de développement initiés. Même les budgets mis en place n'accordent pas les moyens nécessaires à la réduction des risques de catastrophes. Pis, ledit rapport a observé que les autorités ne tirent pas d'enseignements des inondations passées. Evoquant le cas de celles de Guelmim et de Sidi Ifni en 2014, le document en question a indiqué que les informations tirées d'événements tels que les inondations de novembre 2014 ne sont pas capitalisées et sont généralement perdues. « Une fonction dédiée doit être mise en place en vue d'examiner les événements passés, de les analyser, d'en tirer les bonnes conclusions et de les utiliser pour améliorer le système global de gestion des catastrophes dans le pays. La création d'un centre dédié à ces fins permettrait de disposer d'une source d'apprentissage impartiale et ouverte », a-t-il souligné. Et d'ajouter : « Des efforts pourraient également être déployés dans l'établissement de cartes de risque et la collecte de données et/ou d'informations confirmées sur ce qui s'est passé. Dans le cadre de la compilation des informations pour cette étude, nous nous sommes rendu compte qu'il existe une quantité impressionnante de données – photos, vidéos, rapports sur les événements, etc. Cependant, ces données demeurent dispersées». Pour faire face à ces inondations dévastatrices, ledit document recommande au-delà de la construction et du recouvrement post-catastrophe qui sont toujours très coûteux et lourds à réaliser, d'intervenir sur les causes sous-jacentes des problèmes pour mettre en place des solutions à long terme. « Une ouverture au changement est nécessaire. Une logique «matérielle» axée uniquement sur la mise en place d'infrastructures de protection physique supplémentaires n'est pas en mesure à elle seule de protéger la population des effets des catastrophes naturelles. Elle doit être complétée par une approche «dynamique» capable de relayer les diverses actions de gestion des risques à l'échelle nationale et locale», a conclu le rapport.