Accidents de la route : Un projet de loi sur les indemnisations des victimes adopté    Recettes de voyages : la France, premier contributeur pour le Royaume en 2024    Climat et compétitivité : le Maroc à l'épreuve de la résilience    Industrie manufacturière: Les entreprises anticipent une hausse de la production au troisième trimestre    Exclusif. Agriculture : les produits frais cartonnent à l'étranger    Solaire. Le Maroc, 4e importateur africain    Conseil de la Ligue des Etats arabes : ouverture des travaux de la 164e session au Caire avec la participation du Maroc    Aid Al-Mawlid. SM le Roi, Amir Al-Mouminine, va présider ce jeudi une veillée religieuse    Frontière Soudan–Tchad. Le couloir humanitaire d'Adré prolongé jusqu'à janvier    RDC.Constant Mutamba : De la Justice... aux travaux forcés    Grand stade de Tanger : STAM-VIAS et Lamalif retenus pour les travaux de voirie et d'éclairage    Drame à Lisbonne. Le Portugal en deuil    Agadir : Qui est le nouveau président de l'université Ibn Zohr    La victoire de la Chine sur le fascisme en images à Rabat    Pékin annonce des entretiens Xi Jinping-Kim Jong Un et réfute les accusations de conspiration de Trump    Portugal : deuil national après le déraillement meurtrier d'un funiculaire à Lisbonne    Le Maroc voit l'établissement d'un groupe d'amitié parlementaire à l'Assemblée nationale équatorienne    Qualifications du Mondial-2026 (7è j/Groupe E) : Face au Niger, les Lions de l'Atlas cherchent à maintenir le cap    Le Maroc instituera des comités judiciaires dans les stades pour traiter les infractions lors du Mondial 2030    LdC : l'OM écarte Amine Harit et inscrit Nayef Aguerd et Bilal Nadir dans sa liste européenne    Ligue des champions : Amine Harit écarté par l'OM    «La position marocaine a gagné en respectabilité et en ampleur à Pretoria» : une recherche du PCNS explore le glissement du discours sud-africain sur le Sahara    Le Caire : Bourita s'entretient avec son homologue égyptien    Ecosse : un chef de gang arrêté au Maroc condamné à six ans de prison pour trafic de drogue    Affaire Jerando : un complice condamné à cinq ans d'emprisonnement pour diffamation et chantage    Les températures attendues ce jeudi 4 septembre 2025    Le temps qu'il fera ce jeudi 4 septembre 2025    Nasser Zefzafi autorisé à assister aux funérailles de son père    Buraïda, capitale saoudienne des dattes, célèbre le patrimoine et la créativité lors d'un carnaval mondial    Le Maroc et l'Azerbaïdjan approfondissent leurs relations culturelles lors d'un entretien à Rabat en vue du 11e Salon international du livre de Bakou    Honolulu, capitale d'Hawaï, accueille une exposition consacrée au Maroc culturel des années 1930    Buraïda, capitale saoudienne des dattes, célèbre le patrimoine et la créativité lors d'un carnaval mondial    Tan-Tan: Lancement de l'opération de sélection et d'incorporation des appelés au service militaire au sein du 40è contingent    Belgium Moving Toward Recognizing Morocco's Sovereignty Over the Sahara by the End of 2025    La Chine réplique à Washington : la lutte antidrogue est une priorité nationale et nous ne sommes pas la source du chaos mondial    L'ONMT co-construit sa stratégie avec les professionnels du secteur    Tarfaya: La forteresse "Casa del Mar", un chef-d'œuvre architectural à forte charge historique    Lutte contre la corruption : Le Sénégal protège ceux qui dénoncent    Biens publics : l'INPBPTM dénonce un détournement de fonds    Togo. Une croissance solide, mais des défis à l'horizon    Régionales 2025. Le Cameroun fixe la date    Benjamin Bouchouari en Turquie pour signer son prochain contrat    L'Boulevard 2025 : Une 23e édition qui met 37 groupes à l'affiche    Maroc : Le festival Tanjazz tient sa 23e édition du 18 au 20 septembre 2026    Œuvres d'art : Tanger accueille une vente aux enchères publique de Monsieur C    Cinéma : le FIFM lance un programme pour structurer son soutien    Le Grand stade de Marrakech, un joyau architectural qui fait peau neuve    Gad Elmaleh signe «Lui-même» son retour à Casablanca    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Les milices privées reniables d'Erdoğan déstabilisent le Moyen-Orient
Publié dans L'observateur du Maroc le 26 - 01 - 2021

Par Dr. Hay Eytan Cohen Yanarocak et Dr. Jonathan Spyer
A l'heure où l'administration Biden s'apprête à prendre ses fonctions, une bonne partie du discours portant sur les mauvais acteurs du Moyen-Orient se concentre à juste titre sur l'Iran. Mais sous le couvert du chaos qui a englouti la région depuis l'échec du printemps arabe, émerge un autre acteur problématique, nécessitant un endiguement. Il s'agit de la Turquie du président Recep Tayyip Erdoğan, qui pose un défi à ses voisins, exaspérés par les privilèges et les protections dont elle bénéficie en tant que membre de l'OTAN.
Ce n'est un secret pour personne que le régime d'Erdoğan est devenu de plus en plus autoritaire au cours de la dernière décennie, et en particulier depuis le coup d'Etat raté en 2016, qui a illustré l'antipathie entre une armée aux racines laïques et un régime islamiste. Pour contourner ce problème, Erdoğan a discrètement mis en place un réseau de milices privées entièrement composé de combattants importés de Syrie, dans un geste remarquablement effronté et cynique. Leur rôle est de faire avancer son grand plan de rétablissement de pouvoir sur d'anciens territoires de l'empire ottoman, allant des territoires palestiniens, à la Syrie en passant par le Caucase et aussi loin que le Cachemire, selon certains rapports.
Cette stratégie est utilisée à la fois pour la répression interne et pour les aventures du gouvernement turc, hors réseau, à l'étranger. En tant que tel, elle a sûrement des implications non seulement pour la stabilité au Moyen-Orient mais aussi pour l'avenir de la démocratie fragile de la Turquie. Dans les deux cas, son impact est fortement négatif.
Au cours des cinq dernières années, la Turquie a lancé des interventions armées dans le nord de la Syrie et le nord de l'Irak, a offert son soutien au groupe terroriste du Hamas. La Turquie d'Erdogan s'est également confrontée avec ses voisins grecs et chypriotes dans l'est de la Méditerranée et a fourni un soutien militaire aux alliés du Qatar, L'Azerbaïdjan et la Libye. Tout cela au prix de l'instabilité et du chaos.
Dans toutes ces interventions (à l'exception du contexte naval en Méditerranée orientale), la structure parallèle créée par Erdoğan aux côtés des forces de sécurité officielles de l'Etat a joué un rôle essentiel.
Sa fonction centrale a été de fournir au président turc un vaste bassin d'effectifs étrangers par procuration, disponibles, organisés, formés, facilement déployables et facilement recyclables/jetables. Un moyen d'affirmer sa puissance tout en disposant d'une possibilité plausible de nier les faits.
En s'appuyant sur ces milices/proxies, Erdoğan cherche à minimiser les critiques du public dans le pays contre ses campagnes militaires extraterritoriales.
S'il pouvait justifier la mobilisation des forces armées turques dans les pays voisins comme la Syrie et l'Irak – pour des raisons de sécurité intérieure -, il lui est plus difficile de persuader le public turc d'envoyer des soldats dans un champ de bataille lointain comme la Libye. Le président turc est capable de marquer des points en Libye et dans la région du Haut-Karabakh (l'enclave longtemps disputée entre Azéris et Arméniens) presque sans aucune victime turque. En fait, la politique étrangère turque fait partie des relations publiques d'Erdoğan.
Les incursions des drones (véhicules aériens sans pilote) «made in Turkey» en Syrie, en Libye et dans le Caucase, l'inauguration des bases de l'armée turque à travers le Moyen-Orient et le déploiement de l'armée turque (en qualité d'observateur) dans la région du Haut-Karabakh se situent dans le même contexte. En prenant des mesures aussi audacieuses, Erdoğan adresse un message clair à sa circonscription: la Turquie, l'Etat successeur de l'Empire ottoman, reprend sa place légitime en tant que puissance régionale avec une influence dans le traditionnel arrière-pays de l'empire. Et c'est la raison pour laquelle les adversaires cherchent à la déstabiliser. Une telle politique étrangère «néo-ottomane», intimement liée aux pulsions islamistes, est également motivée par des préoccupations intérieures. Le partenariat d'Erdoğan avec le Parti du mouvement nationaliste (MHP) le pousse évidemment vers une position plus dure envers le PYD kurde en Syrie, et le PKK (le Parti des travailleurs kurdes en Turquie). De même, cette alliance politique aux racines nationalistes explique le soutien inconditionnel de la Turquie aux Azéris (groupe ethnique turc) contre l'Arménie.
Alors, quels sont les composants de cette structure ?
Au centre se trouve la relation entre le président Erdoğan et un groupe d'officiers supérieurs de l'armée turque. Ces derniers ont été démis de leur fonction pour leur soutien à la politique islamiste, puis ramenés à l'activité par des canaux informels. Le brigadier général (res.) Adnan Tanrıverdi, 76 ans, qui a été nommé conseiller à la sécurité nationale d'Erdoğan après l'échec de la tentative de coup d'Etat de 2016, est une figure centrale de cette configuration.
Tanrıverdi, officier d'artillerie de formation, a fondé la société de conseil militaire privée SADAT en 2012 en collaboration avec 22 autres anciens officiers expulsés de l'armée pour activités islamistes. SADAT, le seul cabinet de conseil en défense privé en Turquie, est l'organe central responsable de l'expansion des guerres irrégulières et par procuration, et de la mobilisation des militants islamistes pour servir les intérêts de l'Etat turc.
Le réservoir d'effectifs que la Turquie exploite provient entièrement de l'une des populations les plus désespérées : les réfugiés syriens, forcés de quitter leur pays ou résidant dans le petit coin assiégé au nord de la Syrie sous contrôle turc.
SADAT, en coopération avec l'Armée nationale syrienne (SNA) contrôlée par la Turquie, était responsable du recrutement et de la formation des combattants issus de cette population et des milices islamistes syriennes du nord. Le SNA, appelé également «Armée syrienne libre turque» (TFSA), est le produit d'une tentative turque de transformer un certain nombre de milices rebelles syriennes en une force militaire semi-régulière. Elle compte aujourd'hui entre 80 et 100 000 combattants.
Une fois recrutés, les combattants syriens sont transportés en Turquie via les postes-frontières de Kilis et d'Antakya, munis de la citoyenneté turquet. Et avec l'étroite coopération des autorités turques, ils sont transportés par avion vers les différents fronts de guerre où la Turquie exige leur engagement. Ils sont ensuite déployés comme chair à canon utile, jetable et reniable.
SADAT qui a attiré l'attention de l'establishment israélien de la sécurité, semble également être le canal du soutien turc au mouvement islamiste Hamas – qui a pris le contrôle de la bande de Gaza en 2007 et a été désigné par les Etats-Unis et l'UE comme une organisation terroriste.
En 2018, le service de sécurité israélien Shin Bet a accusé SADAT de transférer des fonds au Hamas. Un universitaire turc du nom de Cemil Tekeli a été arrêté par les forces de sécurité israéliennes, accusé de blanchiment d'argent, puis expulsé. La photo de Tekeli avec Tanrıver a ensuite été publiée dans le journal israélien « Makor Rishon« . Tekeli a admis au cours de son enquête que la Turquie contribuait activement au renforcement militaire du Hamas via SADAT. Il est apparu qu'un employé de la SADAT a même organisé la visite de responsables du Hamas à un salon d'armes en Turquie en 2015, où ils ont exprimé leur intérêt pour les drones.
Cette structure non officielle aide également Erdoğan à mener sa répression interne. Les vigiles du quartier nouvellement armés (Bekçi) – ou la version turque des gardiens de la révolution iraniens – agissent à nouveau contre toute menace potentielle dans les rues. Et les membres de la garde présidentielle spéciale d'Erdoğan (connue sous le nom de «Takviye» ou «Renforts») font également partie des «clients» de SADAT.
Le gouvernement turc entretient également des relations avec des formations paramilitaires plus anciennes telles que l'organisation ultra-nationaliste des Loups Gris. Cet organe est l'aile jeune du Parti du mouvement nationaliste (MHP), l'un des partenaires de la coalition d'Erdoğan. Il a été récemment interdit en France, et bientôt en Allemagne.
Toutes ces activités sont particulièrement néfastes si on tient compte des troubles qui ont balayé le Moyen-Orient au cours de la dernière décennie. L'un des principaux résultats a été l'affaiblissement grave (et dans certains cas la quasi-disparition) des structures officielles de l'Etat. En Syrie, en Libye, au Liban et en Irak, les institutions officielles ont été remplacées par une réalité chaotique de milices, d'anarchie et de désordre. Les populations de ces pays ont été les principales victimes.
La Turquie, bien qu'elle soit membre de l'OTAN, candidate à l'adhésion à l'UE et prétendument alliée des Etats-Unis, est actuellement l'un des principaux facteurs de maintien et de déstabilisation de la région.
Cette situation doit cesser. Les milices, les groupes terroristes et l'extrémisme islamiste sont tous des éléments que le Moyen-Orient doit contrer pour parvenir à la stabilité et à la reconstruction. Le réseau paramilitaire mis en place par Erdoğan, en partenariat avec les officiers militaires islamistes de la SADAT et les jihadistes du nord de la Syrie, est actuellement l'un des principaux obstacles à cette possibilité. L'interdiction des Loups Gris ultra-nationalistes, violents et d'extrême droite en France est un bon début. Mais les gouvernements occidentaux doivent aborder cette question d'une manière plus décisive avec Ankara. On doit aussi en finir avec les proxies d'Erdoğan.

***
Cette contribution est basée sur une recherche initiée par JISS en Israël et Trends in the UAE, un premier effort conjoint visant à mettre en œuvre les accords d'Abraham entre Israël et un certain nombre de pays arabes clés. Les auteurs sont des chercheurs chevronnés au Jerusalem Institute for Strategy and Security (JISS).


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.