L'Observateur du Maroc et d'Afrique : Où en est aujourd'hui l'UM6P en termes de développement et d'implantation au Maroc ? Amina Lahbabi : L'Université Mohammed VI Polytechnique a été inaugurée en janvier 2017 par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, à Benguerir, au cœur de la Cité verte Mohammed VI. Depuis, elle s'est développée à un rythme soutenu. Aujourd'hui, nous comptons plus de 7 200 étudiants répartis sur différents campus au Maroc et à l'international. L'aventure a commencé à Benguerir, mais très vite, l'UM6P a connu une extension rapide et stratégique. Nous sommes désormais présents à Rabat, Laâyoune, Mazagan (où se trouve notre centre de recherche en chimie), mais aussi à Khouribga, Youssoufia et Tétouan, avec des campus thématiques alignés sur les besoins du territoire et les priorités nationales. Chaque implantation a du sens : à Laâyoune, par exemple, nous développons des travaux en agriculture biosaline. Notre vision est claire : être une université ancrée dans les réalités marocaines tout en ayant une vocation internationale. L'université s'ouvre aussi à l'international. Quelles sont les prochaines étapes? Absolument. L'internationalisation est un axe stratégique. Elle repose sur trois piliers : la formation exécutive, la recherche et l'entrepreneuriat. Nous avons lancé en 2024 deux campus à l'étranger : l'UM6P France et l'UM6P Canada. Ce sont des plateformes qui nous permettent de connecter l'UM6P à des écosystèmes scientifiques, économiques et éducatifs internationaux. Et ce n'est qu'un début. Nous préparons actuellement une nouvelle implantation en Amérique du Nord : UM6P US-Mexico), prévue pour la fin 2025. Ces ouvertures nous permettront de consolider notre présence en Amérique du Nord et en Amérique latine, mais aussi de servir de passerelles avec l'Afrique. Car notre ADN reste profondément africain. Qu'en est-il de l'expansion à l'échelle continentale ? Aujourd'hui, plus de 12 % de nos étudiants sont internationaux, issus de 42 nationalités, majoritairement d'Afrique subsaharienne. Mais notre engagement va au-delà de l'accueil. Nous sommes présents dans plus de 20 pays africains, à travers des partenariats structurants avec des institutions locales et des réseaux comme CGIAR ou RUFORUM. Cette dynamique vise à créer une valeur partagée, à co-développer des solutions avec les acteurs africains, et surtout à former une nouvelle génération de leaders du continent. Nous lançons cette année, avant l'été, la Digital Farming School à Yamoussoukro, en Côte d'Ivoire. Cette initiative vise à renforcer le lien entre la technologie et l'agriculture, dans une logique d'agri-tech au service des besoins africains. Ce projet est porté en partenariat avec l'Institut Polytechnique Félix Houphouët-Boigny et OCP Africa. Il s'agit de créer une école dédiée à la formation de talents capables d'utiliser les outils numériques, les capteurs intelligents, l'analyse de données ou encore l'irrigation de précision pour transformer durablement les pratiques agricoles. C'est notre première implantation de ce type en Afrique subsaharienne, mais ce ne sera pas la dernière. Nous avons l'ambition de répliquer ce modèle dans d'autres pays du continent, en nouant des partenariats structurants avec des institutions locales, en identifiant les défis les plus urgents, et en y apportant des réponses concrètes, adaptées et durables. » Comment l'UM6P agit-elle concrètement pour répondre aux enjeux agricoles du continent africain ? L'agriculture est une priorité. Nous avons fondé le College of Agriculture and Environmental Sustainability. Il traite de sujets essentiels comme le dessalement, la santé des sols, ou encore l'efficacité des fertilisants dans des conditions réelles. Nos équipes travaillent dans des laboratoires vivants, comme la ferme expérimentale de Benguerir ou notre plateforme de phénotypage avancée, Phénoma, qui permet de simuler des environnements précis pour observer le comportement des plantes dans différentes conditions climatiques et agronomiques. Ces dispositifs permettent de tester, valider et transférer des solutions concrètes. Comment cette expertise est-elle mise au service du continent ? Conformément à notre devise — Local solutions for global challenges —, nous développons des solutions innovantes sur le campus, que nous adaptons ensuite aux contextes africains. C'est même l'essence de notre slogan : « Local solutions for global challenges ». C'est exactement l'objectif de notre Digital Farming School qui ouvrira cette année à Yamoussoukro, en Côte d'Ivoire L'ambition est de former des talents africains aux technologies agricoles de demain. L'université se positionne aussi sur la deep tech. Quelle est votre votre vision dans ce sens ? La deep tech n'est plus un simple mot à la mode. C'est un levier essentiel pour aborder les grands défis contemporains. À l'UM6P, elle irrigue toutes les verticales : santé, chimie, agriculture, cybersécurité, climat... Nous avons lancé le Deeptech Summit pour structurer une communauté, attirer des experts, faire émerger des projets concrets et mettre en place des plateformes d'expérimentation. Notre ambition est de transformer les découvertes scientifiques en innovations de rupture, avec une forte utilité sociale et environnementale et capables de produire des solutions concrètes, applicables à l'échelle internationale. En gros, notre modèle repose sur l'impact, la responsabilité et la collaboration. Nous ne voulons pas seulement transmettre du savoir, mais aussi contribuer activement à la transformation des sociétés.